MATHIEU René

Par Frédéric Stévenot

Né le 21 décembre 1895 à Neufchâtel-sur-Aisne (Aisne), mort en déportation le 25 juillet 1944 à Buchenwald (All.) ; menuisier ; résistant au sein de « Ceux de la Résistance ».

Fils de Jules Mathieu et d’Eugénie Cury, domiciliés à Neufchâtel, René Mathieu ne put être recensé avant son service militaire, la commune étant envahie par les Allemands. Il fut classé « service armé » par la commission militaire de Laon, le 8 février 1919, et incorporé au 30e régiment d’infanterie le 15 mai suivant, puis au 140e régiment d’infanterie le 22 mai. Il fut mis en congé illimité de démobilisation le 27 août 1919, avec un certificat de bonne conduite. Il revint alors à Neufchâtel, où il exerçait comme menuisier en 1925 et encore en 1937.
Marié, il eût un fils.

Il déménagea souvent dans les années trente. On trouve René Mathieu à Montauban (4 rue du Général-Sarrail) le 3 mars 1931, avant qu’il revienne à Neufchâtel le 29 septembre 1932. Il retourne à Montauban (35, faubourg toulousain, chez un dénommé Calmejane) le 31 mai 1933. Il y est toujours le 17 novembre 1934, mais il demeure alors au 58bis faubourg toulousain. Il revint trois ans plus tard dans l’Aisne, pour s’établir à Beautor, le 30 juillet 1937. Il est très probable qu’il habitait Neufchâtel au début de la guerre, puisque son fils Maurice participe alors à la récupération d’armes.
Quoi qu’il en soit, René Mathieu fut mobilisé le 1er septembre 1939, et arriva le lendemain au 25e régiment régional, 5e bataillon, 19e compagnie de défense passive. Le 3 novembre suivant, il fut ensuite classé affecté spécial, en tant chef d’équipe aux aciéries et laminoirs de Beautor (montages et emboutissages). Il fut renvoyé dans ses foyers le 2 décembre 1939.

Dès l’été 1940, Albert Charpentier commença à récupérer du matériel militaire (armes, munitions...) abandonné lors de la campagne de France. Il constitua des dépôts, et facilita également l’évasion de prisonniers de guerre (notamment pour passer l’Aisne). Il fut en cela aidé par l’un de ses enfants, Henri, et d’autres personnes, dont Maurice Mathieu (le lien avec René Mathieu, s’il existe, reste à établir).

La proximité avec Reims permit des contacts avec la Résistance rémoise. Un groupe fut constitué à Neufchâtel-sur-Aisne, qui fut à l’origine de nombreux sabotages dans le secteur, notamment le canal de l’Aisne, la sucrerie de Guignicourt, etc. René Mathieu s’engagea volontairement dans les FFC pour la durée de la guerre à compter du 15 novembre 1943, région C, département de l’Aisne, secteur de Neufchâtel

Le groupe fut démantelé à la suite d’une dénonciation, le 24 février 1944. Vingt-quatre résistants furent arrêtés par la Sipo-SD de Saint-Quentin pour « actes de franc-tireur, attentats et sabotages de voies ferrées ». Les arrestations suivirent celle de Paul Gillant, intervenue le 19, ce qui a jeté la suspicion sur lui : il fut accusé post mortem d’avoir donné les noms de ses camarades lors de l’interrogatoire, ce qu’aucun élément ne permit de confirmer. Il est probable, sans aucune certitude, que le groupe fut infiltré comme le furent ceux de la région d’Aubenton (voir Gilbert Sauvez et Émile Fontaine), démantelés à la même période.

Quoi qu’il en soit, dix-sept membres de « Liberté » périrent : huit furent fusillés ; huit moururent en déportation ; un autre fut tué en mission : Maurice Mathieu, 21 ans, qui était lieutenant du groupe. Le 19 février 1944, il fut tué par un obus de 75 à quelques pas de son cousin Henri Charpentier. L’accident se produisit dans la cave où était déposées les armes et munitions, au « Champ d’asile », que Maurice Mathieu entretenait. André Mathieu dut attendre la nuit pour ramener le corps de son fils chez lui ; il déclara la mort à la gendarmerie, en indiquant qu’il avait retrouvé le cadavre sur le chemin de son jardin. Arrêté le 24 février, il fut emprisonné à Saint-Quentin avec le reste du groupe de Neufchâtel.

Le 30 mars, René Mathieu fut transféré à Compiègne avant d’être déporté en Allemagne le 27 avril). Le convoi (I.206) emmena environ 1670 hommes, essentiellement des Français, dont près de 48 % furent libérés. Il s’agissait du troisième convoi de non-juifs (selon la FMD), constitué de wagons emportant une centaine d’hommes. La direction prise fut celle d’Auschwitz, par Soissons, Charleville, Metz, puis Trèves, Giessen, Weimar et Dresde ; le train arriva le 30 avril au soir à la gare de marchandises. Les déportés furent désinfectés, immatriculés (René Mathieu eut le matricule 186051) et enfermés dans deux baraques du camp Canada de Birkenau. Ils furent transférés au camp BIIb quelques jours après.
Le vendredi 12 mai, un nouveau convoi fut formé, qui emmena 1561 d’entre eux (à soixante par wagon) vers le camp de Buchenwald. Dix-sept malades y furent transférés quelques jours plus tard. À leur arrivée, de nouveaux matricules leur furent attribués, puis ils furent alors placés au block 57 du petit camp. Il mourut à Buchenwald trois mois plus tard, le 25 juillet 1944.

Le convoi Compiègne-Auschwitz-Buchenwald fut dénommé plus tard « convoi des tatoués », en raison des matricules qui marquèrent leurs bras, peut-être aussi par le fait qu’on ne tatouait pas les déportés à Auschwitz qui n’étaient pas destinés à être gazés à leur arrivée. Parmi eux, on trouva Robert Desnos, André Boulloche, André Verdet, Marcel Paul, Ernest Gimpel, etc.

« Mort en déportation » (les actes officiels concernant René Mathieu peuvent comporter cette mention. Journal officiel, 15 septembre 1991, p. 12 155), la mention « mort pour la France » (AC 21 P 92822) a été attribuée à René Mathieu (ref. ECD 2 CDMA.203), qui fut homologué membres des FFI et de la RIF (GR 16 P 403581). Son nom figure sur le monument érigé à Neufchâtel en 1947 en mémoire du groupe « Liberté ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218005, notice MATHIEU René par Frédéric Stévenot, version mise en ligne le 16 juillet 2019, dernière modification le 2 décembre 2020.

Par Frédéric Stévenot

SOURCES. SHD, dossiers adm. des résistants. Arch. dép. Aisne, 1 R 2/216, reg. matr. (n° 309). — Pol Charpentier, La Résistance dans l’Aisne. Neufchâtel-sur-Aisne. Le groupe « Liberté », sans lieu ni date, ni pagination (rédigé « quarante ans après » les faits, il comporte les deux lettres). — Sites Internet : Mémoire des hommes ; Fondation pour la mémoire de la déportation ; Les morts dans les camps ; Mémorial GenWeb. — État civil de Neufchâtel, 5 Mi 1745 (p. 225).

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