Par Dominique Tantin, Isabel Val Viga
Né le 29 janvier 1891 à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), massacré le 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane ; cultivateur (métayer) ; victime civile.
Simon Rouffanche était le fils de Martial (né le 29 mars 1858, à Peyrilhac et décédé le 30 juin 1937, à Oradour-sur-Glane), et de son épouse Marguerite née Bouchaud (née le 11 février 1867, à Veyrac et décédée le 4 octobre 1892, à Oradour-sur-Glane), colons (métayers). Ses parents s’étaient mariés le 26 avril 1884 à Oradour-sur-Glane. Devenu veuf, son père épousa en secondes noces le 13 février 1893 à Oradour-sur-Glane, Marie Ducharlet (née le 28 décembre 1866, à Blond), veuve en premières noces de François Savy (né le 27 novembre 1862 et décédé le 10 juin 1888, à Oradour-sur-Glane).
Il était le troisième d’une fratrie de six enfants, Françoise (née le 28 janvier 1885) épouse de François Ratier, parents de Raymond Martial Émile François époux de Marie Marcelle Lévèque* (parents d’Anne Marie Françoise*), Léonard (né le 4 novembre 1886 et décédé le 28 octobre 1892), Simon (né le 18 septembre 1894 et décédé le 13 avril 1918, à Dortmund, Allemagne), soldat de la 9e compagnie, 133e régiment d’infanterie, mort pour la France 14-18, Marie (née le 11 mars 1896 et décédée le 10 novembre 1906), Françoise (née le 15 mai 1898) épouse de Martial Giroux, nés à Oradour-sur-Glane.
Appelé au service militaire en 1912, il resta sous les drapeaux jusqu’en août 1919, et combattit dans l’infanterie. Le 6 décembre 1917, il obtint une citation à l’ordre du régiment au motif suivant : « Très bon soldat consciencieux et dévoué, a toujours donné une entière satisfaction à ses chefs ; deux ans de front. » et il fut décoré de la Croix de Guerre étoile de bronze.
Le 27 septembre 1919 à Saint-Gence, il épousa Marguerite Thurmaux (née le 19 décembre 1897, à Limoges-Landouge. De cette union naquirent trois enfants, Jean* (né le 24 juin 1921, à Saint-Gence), Amélie* (née le 6 mai 1923, à Saint-Gence) épouse d’André Peyroux et parents de Guy*, Andrée Françoise* (née le 2 avril 1926, à Verneuil-sur-Vienne).
Au recensement de 1936, la famille était domiciliée au Bourg d’Oradour-sur-Glane, où il était cultivateur (métayer) pour Mr Picat*, après avoir vécu dans plusieurs communes des alentours au gré de ses emplois successifs.
En 1944, la famille était domiciliée Chez Gaudy à Oradour-sur-Glane, où il était cultivateur (métayer) pour Guillaume Besson*.
« Ma mère posa le bidon de lait sur la table. Je savais ce qu’il me restait à faire, puisque c’était ainsi tous les soirs. Je le pris et sortis pour aller à la ferme de Mr Picat, à la sortie du Bourg. (…) Lorsque j’arrivais, je me rendis directement dans la cuisine, vaste pièce où la famille était attablée. Mr Rouffanche, le métayer, était assis à un bout en faisant face à la fenêtre qui ouvrait sur la cour. Il avalait bruyamment sa soupe, sa casquette rivée sur la tête. Son fils Jean*, à sa droite, et à gauche, ses deux filles Amélie* et Andrée*, me saluèrent en chœur. Quant à Mme Rouffanche, elle était, comme d’habitude, debout devant l’âtre, son écuelle de soupe à la main. Elle me demanda d’attendre qu’elle ait fini, pour me servir le lait. A cette époque, il était d’usage que la maîtresse de maison, ayant toujours à faire, ne prit pas place à table avec les autres membres de la famille. Je déposai mon bidon derrière la porte d’entrée, là où était conservée dans une grande bassine la traite du jour. Lorsqu’elle eut fini de souper, Mme Rouffanche prit la mesure suspendue au mur, m’en versa deux, ce qui correspondait sensiblement à un litre. »
« Marguerite Rouffanche habite une ferme à l’extérieur du Bourg : ’’ … nous avons vu venir en direction de notre propriété trois Allemands armés de mitrailleuses (…). Ils nous ont fait sortir de chez nous en disant : ’’Raus ! Tous place du marché.’’ Nous sommes partis tous ensemble, tels que nous nous trouvions, escortés par ces Allemands. Nous étions six personnes, y compris le bébé. Chemin faisant nous avons rencontré les voisins (…) tous également encadrés (…). En remontant le Bourg, nous avons vu des Allemands partout. Ils faisaient sortir les gens des maisons en leur criant brutalement ’’Raus ! Raus !’’ La population était transie. Tout le monde se rendait au champ de foire, j’ai vu que des Allemands défonçaient des portes et fenêtres. »
« (…) Le groupe dont je fais partie est conduit par des soldats armés jusqu’à l’église. Il comprend toutes les femmes de la ville, en particulier les mamans qui entrent dans le lieu saint, en portant leurs bébés dans les bras ou en les poussant dans leurs petites voitures. Il y a là, également, tous les enfants des écoles. Le nombres des personnes présentes peut être évalué à plusieurs centaines. Entassés dans le lieu saint, nous attendons, de plus en plus inquiets, la fin des préparatifs auxquels nous assistons. Vers 16 heures, des soldats, âgés d’une vingtaine d’années, placent dans la nef, près des cœur, une sorte de caisse assez volumineuse, de laquelle dépasse des cordons qu’ils laissent traîner sur le sol. Ces cordons ayant été allumés, le feu est communiqué à l’engin dans lequel une forte explosion, soudain, se produit et d’où une épaisse fumée noire et suffocante se dégage. Les femmes et les enfants, à demi asphyxiés et hurlant de frayeur, affluent vers les parties de l’église où l’air est encore respirable. (Dans la sacristie), je m’assois sur une marche d’escalier. Ma fille vient m’y rejoindre. Les Allemands (…) abattent sauvagement ceux qui ont cherché refuge ici. Ma fille est tuée près de moi, d’un coup de eu tiré de l’extérieur. Je dois la vie à l’idée que j’ai de fermer les yeux et de simuler la mort. Une fusillade éclate dans l’église ; puis de la paille, des fagots, des chaises, sont jetés pêle-mêle sur les corps qui gisent sur les dalles. (…) Je profite d’un nuage de fumée pour me glisser derrière le maître-autel. Je me dirige vers la plus grande des trois fenêtres de l’église (celle du milieu). A l’aide d’un escabeau qui servait à allumer les cierges, je tente de l’atteindre. Je me hisse jusqu’à elle, comme je peux. Le vitrail étant brisé, je me précipite par l’ouverture qui s’offre à moi. Je fais un saut de trois mètres. (…) Je m’aperçois que j’ai été suivie, dans mon escalade, par une femme qui, du haut de la fenêtre, me tend son bébé. Elle se laisse choir pères de moi. Les Allemands alertés par les cris de l’enfant, nous mitraillent. Ma compagne et le poupon sont tués. Je suis moi même blessée en gagnant un jardin voisin. Dissimulée parmi des rangs de petites pois, j’attends, dans l’angoisse, qu’on vienne à mon secours. Je ne suis délivrés que le lendemain, vers 17 heures. »
Il fut victime du massacre perpétré par les SS du 1er bataillon du 4e régiment Der Führer de la 2e SS-Panzerdivision Das Reich, mitraillé puis brûlé avec son fils dans l’une des six granges dans lesquelles les hommes furent massacrés. Ses filles, son petit-fils, ses nièces furent brûlés dans l’église avec l’ensemble des femmes et des enfants d’Oradour-sur-Glane. Son épouse fut également enfermée dans l’église avec les femmes et les enfants, mais réussit à s’échapper.
Simon Rouffanche obtint la mention « Mort pour la France » par jugement du tribunal de Rochechouart du 10 juillet 1945.
Son nom figure sur le monument commémoratif des martyrs du 10 juin 1944 à Oradour-sur-Glane.
Son épouse, retournera habiter à Oradour-sur-Glane lorsque le nouveau village fut construit, elle sera témoin au procès de Bordeaux en 1953, et décède le 23 mai 1988 à Saint-Junien, inhumée à Oradour-sur-Glane.
Sa belle-mère Marie Ducharlet décède le 30 septembre 1948 à Oradour-sur-Glane.
Voir Oradour-sur-Glane
Par Dominique Tantin, Isabel Val Viga
SOURCES : Liste des victimes, Centre de la Mémoire d’Oradour-sur-Glane. — Guy Pauchou, Dr Pierre Masfrand, Oradour-sur-Glane, vision d’épouvante, Limoges, Lavauzelle, 1967, liste des victimes, pp. 138-194. — MémorialGenWeb. — Archives État civil de la Haute-Vienne, actes de naissances, mariages, décès, recensements, registre de matricule militaire. — André Desourteaux et Robert Hébras, Oradour-sur-Glane, Notre Village assassiné, éditons CMD, (p49). — Jean-Jacques Fouché, Oradour, éditions Liona Levi, piccolo histoire (p138). — Louys Riclafe et Henri Demay, Paroles de miraculés, témoignage de Marguerite Rouffanche née Thurmaux, éditions L’Harmattan (p67-68).