SERVAJEAN Claude

Par Eric Panthou

Né le 7 juillet 1895 à Châteldon (Puy-de-Dôme), mort le 18 décembre 1944 à Ebensec (Autriche) ; ouvrier Michelin puis de l’Atelier industriel aéronautique (AIA) ; délégué CGT ; membre du Parti communiste (PCF), membre du Comité régional du PCF en 1931 ; interné ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP), déporté à Dachau puis Mauthausen.

Fils de Joseph, cultivateur alors âgé de 51 ans et domicilié chez Rodde, commune de Châteldon (Puy-de-Dôme) et de Suzanne Driffond, 26 ans, sans profession, Claude Servajean est né à Châteldon.
Engagé volontaire à 19 ans, le caporal Servajean du 98 e RI l’a finie avec sur la poitrine la Croix de guerre avec palmes.
Il a fait la campagne de Verdun et, le 24 juillet 1917, il a été cité à l’ordre de la division pour avoir : « Le 13 avril 1917, il a été volontaire pour une patrouille de liaison avec des éléments avancés. Son chef ayant été blessé, l’a pansé sur place sans se soucier du danger et l’a mis à l’abri […] ». La citation précise que l’Auvergnat « sur le front depuis 1916 » est « un bon soldat qui s’offre pour toutes les missions dangereuses ».

Il se maria le 28 juin 1924 avec Eugénie Lemoine. Ils eurent 4 fils. Claude Servajean fut d’abord ouvrier Michelin. Il adhéra au Parti communiste dans les années 20. En 1930, il fasait partie de la cellule la cellule du PCF chez Michelin qui comprenait 11 membres, tous clandestines. Dix sur onze furent découverts et immédiatement licenciés. Claude Servajean fut le seul qui ne fut pas découvert et il resta donc membre du personnel. En 1931, il était membre du Comité régional du Parti, responsable des Produits chimiques.
L’année 1936 vit la CGT Michelin, réunifiée depuis l’automne 1935, passer de quelques dizaines de militants clandestins à une section forte de plus de 6000 membres à l’issue des grèves avec occupation de juin 1936. La CGT fut hégémonique dans les collèges ouvriers lors des élections d’atelier jusqu’à la déclaration de guerre.
En juin 1939, Claude Servajean fut élu délégué CGT élu à l’atelier C, collège CM et CS dans un gros atelier avec 338 voix pour lui et aucun candidat en face. Peu après, il refusa de répondre au questionnaire transmis par la direction de l’UD en décembre 1939 demandant aux délégués CGT Michelin de dénoncer le pacte germano soviétique et déclarant ne jamais avoir été membre du PCF. Le syndicat fut dissout à la suite du refus de répondre de la majorité des délégués et membres du Bureau du Syndicat.
C’est lui qui, fin 1939, s’occupa de cacher chez un tiers, et sauvegarder entièrement, les archives du secrétaire régional du PCF, Guy Périlhou.

En 1940, il fut licencié de chez Michelin. Jusqu’à son licenciement et les semaines qui suivirent il habitait la cité Michelin de Lachaux, allée des Iris, 229 route d’Aubière à Clermont-Ferrand. Il fut alors embauché comme garde-veilleur à l’Atelier industriel aéronautique (AIA), à Aulnat, à côté de Clermont-Ferrand, en novembre 1940. Il avait fait l’objet d’une perquisition après qu’on l’ait signalé à la police comme se réunissant avec d’autres en petits groupes de 3 ou 4 à la sortie du travail, dans la rue, et ce dans le cadre d’une enquête suite à diffusion de papillons à Clermont et banlieue le 1er novembre 1940 et jours suivants. La perquisition ordonnée chez lui ne donna rien.
Il reconnut alors avoir été membre du PCF avant guerre et avoir trouvé un tract PCF dans sa boite aux lettres récemment mais assura l’avoir détruit immédiatement. Le 16 décembre le commissaire proposa au préfet de lui appliquer une mesure d’internement dans un camp surveillé, après examen approfondi de son action. L’arrestation fut exécutée le 19 décembre. Il fut interné au camp de Saint-Paul d’Eyjeaux (Haute-Vienne) réservé aux détenus politique. Pour le père de famille, ce fut d’abord Saint-Germain-les-Belles, à une trentaine de kilomètres de Limoges puis non loin de là, Nexon, sans visite, sans permission. Il fut libéré suite à décision de Pétain au 1er janvier 1942 concernant 138 militants, dont 20 du Puy-de-Dôme.
En janvier 1941, une quinzaine de jours après son arrestation, son épouse, Eugénie et leurs quatre fils dont le dernier, Maurice, a 10 ans, furent menacés d’expulsion « au besoin manu militari » dit l’acte d’huissier, de leur logement de la cité Michelin de La Chaux, route d’Aubière… La combativité de la mère de famille permit d’éviter le pire.
À sa sortie du camp, il figura sur la liste S.

Il rejoignit ensuite les FTP au sein de la 1ère Compagnie du Puy-de-Dôme, comme Lieutenant. Il fut arrêté le 19 juillet 1944 sur son lieu de travail, la Société des brevets, rue Saint-Alyre. Martin Pougheon fut arrêté dans les mêmes circonstances et mourut sous la torture. Félix Mézart, également militant communiste, avait été arrêté dans la même entreprise le 22 juin 1943.
Claude Servajean partit avec le dernier convoi vers la déportation le 20 août 1944. Ce convoi comprenait des détenus de la prison allemande de Clermont-Ferrand (ex-caserne du 92e R.I.) au départ de la zone occupée à destination de Natzwiller-Struthof. il fut évacué sur Dachau le 4 septembre 1944 puis transféré le 16 septembre 1944 à Mauthausen (Matricule 99089), affecté le 23 septembre 1944 au kommando de travail d’Ebensee pour la création d’usines souterraines creusées dans la montagne devant produire de l’essence synthétique et des armes secrètes. Le projet avait le nom de code "Zement". Claude Servajean, selon le témoignage d’un compagnon d’infortune également clermontois, est mort de dysenterie le 18 décembre suivant. Son épouse et ses enfants l’apprendront de longs mois plus tard.

Il a été reconnu “Mort pour la France”, homologué FFI et Déportés et internés de la résistance (DIR). Il reçut le grade de chevalier de la Légion d’honneur à titre posthume.

Son nom figure sur le Monument aux Morts de Châteldon, sur le Monument aux morts 1939-1945 de Clermont-Ferrand, et sur la tableau commémoratif des martyrs de la fédération des Produits chimiques, à Montreuil.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218106, notice SERVAJEAN Claude par Eric Panthou, version mise en ligne le 23 juillet 2019, dernière modification le 13 décembre 2020.

Par Eric Panthou

SOURCES : AVCC, AC 21 P 150485. Dossier Claude Servajean (nc) .— SHD Vincennes, GR 16 P 546330. Dossier de résistant de Claude Servajean (nc) .— Lettre de Guy Périlhou à Robert Marchadier, 23 mars 1976. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 1553 : Le commissaire principal chef du service régional de Police de sûreté à monsieur l’intendant de Police, Clermont-Ferrand, le 12 janvier 1943. — SHD 19 P 63/51. Liste nominative des membres de la formation 1ère Compagnie, Clermont-Ferrand du département du Puy-de-Dôme, FTPF. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 92 : « Renseignement n°15 », document dactyl rédigé fin novembre 1940 selon nos estimations. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 91 : pv perquisition chez Servajean .— Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 91 : le commissaire de police mobile au divisionnaire chef de la 6éme Brigade mobile, le 30/11/1940 .— Le Moniteur du Puy-de-Dôme, 3 janvier 1942. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 75 : État des résultats obtenus dans la répression des menées communistes par la 6éme brigade régionale de police mobile de Clermont-Ferrand du 1er septembre 1939 au 15 janvier 1941 ainsi que des menées contre la sûreté de l’état. Departement du Puy-de-Dôme. — Arch. dép. du Puy-de-Dôme, 1296 W 75 le commissaire chef de la sûreté au préfet, 27 février 1941. — Délégué ayant refusé de réponse au question de l’UD CGT, 1939. Archives privées Henri Verde, CGT Michelin. — RAGSPI : Compte-rendu du Comité régional élargi du 15 février 1931, région d’Auvergne, par le délégué du CC, Mauvais .— Jean-Pierre Vaudon, Le Parti Communiste aux élections dans les arrondissements d’Issoire et de Thiers de 1920 à 1936, mémoire de maîtrise Histoire, Université Clermont-Ferrand, 1970, p. 24 .— Sophie Leclanché, “L’histoire de Claude Servajean, héros de 1918 devenu un "indésirable", en 1940”, La Montagne, édition Clermont métropole, 21 avril 2018.— Liste des camarades fusillés déportés ou sans nouvelles du syndicat des produits chimiques (Archives Henri Verde, UD CGT 63). — État-civil Châteldon (en ligne). — La Voix du Peuple, 9 décembre 1944. — Mémorial genweb.

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