CHARTON Paul, Émile

Par Jean Belin

Né le 6 octobre 1912 à Saint-Amour (Jura), mort en déportation à Auschwitz-Birkenau (Pologne) le 13 octobre 1942 ; cheminot ; syndicaliste CGT et militant communiste de Côte-d’Or ; dirigeant sportif et président co-fondateur de la FSGT de Côte-d’Or ; résistant au sein du groupe des cheminots.

Fils d’Emile Charton, employé à la gare de Dommartin (Saône-et-Loire) et de Marie- Louise Bourgeois, sans profession, les parents de Paul Charton vinrent s’installer rue de l’Arsenal à Dijon après la guerre de 1914-1918. Le père de Paul fut muté à la compagnie du PLM à Perrigny-lès-Dijon (Côte-d’Or) où il termina sa carrière comme chef de train. Après la fin de sa scolarité, Paul Charton travailla comme serrurier ajusteur à l’entreprise métallurgique Bayle à Dijon. Il épousa Jeanne Villeret, employée de bureau, le 20 juin 1936 à Dijon avec laquelle il eut deux enfants, Serge né le 13 novembre 1937 et Yvette née le 29 avril 1939.

Embauché en tant qu’aide ouvrier ajusteur à compter du 11 janvier 1937 aux ateliers de wagons du dépôt SNCF de Dijon-Perrigny (Côte-d’Or), il milita à la CGT et au Parti communiste avant la guerre. Sportif pratiquant le cyclisme et l’haltérophilie, il était membre de l’Union sportive des cheminots dijonnais et président d’une des 20 sections du club. Il participa à la création de l’Union Sportive Ouvrière Dijonnaise (USOD) en octobre 1935, en devint le secrétaire, puis le président. Sous l’égide de la municipalité socialiste de Dijon, l’Union sportive résulta de la fusion du club ouvrier dijonnais (COD) et du club sportif ouvrier dijonnais (CSOD). Il était également président de la Fédération Sportive et Gymnique du Travail de Côte-d’Or et secrétaire régional de la FSGT en 1938. Il organisa les championnats inter-régionaux de Bourgogne Franche-Comté, poids et haltères et de lutte, ainsi qu’un championnat de France cycliste FSGT à Dijon avant la guerre de 1939-1944. Animateur de la section cycliste, Paul Charton était souvent « chef de route » lors des entrainements. Il fut aussi dirigeant du Cercle Laïque et Sportif Dijonnais (CSLD).

Il était mobilisé à la déclaration de la guerre, mais soucieux de faire fonctionner le Club, il signa un article « Paul Charton aux armées » dans la Bourgogne Républicaine du 9 février 1940, intitulé « Le cyclisme à l’USOD » où il exposa les activités du club qui se poursuivaient, malgré la guerre.

Il est fait prisonnier par les Allemands, puis libéré, il revint travailler à la SNCF. Il investit la Résistance dès le début de 1941 au sein du groupe de sabotage des cheminots de Perrigny-lès-Dijon. Paul Charton participa au sabotage du poste d’aiguillage de Perrigny 2, entraînant le déraillement d’un train le 16 juin 1941. Il fut arrêté le 2 juillet 1941 au domicile de son grand-père maternel, 30 rue des Pétignys à Chenôve (Côte-d’Or) par les allemands aidés par la brigade spéciale anticommuniste confiée à l’inspecteur Jacques Marsac de la police dijonnaise et sur recommandation du préfet de Côte-d’Or. Ce dernier envoya un courrier le 25 juin 1941 au commissaire divisionnaire de police signalant « 3 militants communistes qu’il serait souhaitable de voir internés », parmi lesquels figurait « Paul Charton » en congé de captivité au titre de la SNCF.

La SNCF le licencia le 9 octobre 1941 en raison de son « activité antinationale ». Il fut interné à Dijon et envoyé ensuite en qualité d’otage au camp d’internement allemand de Royallieu à Compiègne (Oise) pour être déporté dans le convoi des 45000 du 6 juillet 1942 à Auschwitz avec 13 autres dijonnais, dont Gabriel Lejard, tous militants de la CGT. A son arrivée au camp, il fut enregistré sous le numéro 45357. Après être dirigé au camp annexe de Birkenau, situé à 4 Km du camp principal, il fut interrogé sur sa profession. Il fut ainsi renvoyé au camp d’Auschwitz I pour être affecté au Kommando de la Sablière et au même Bloc que son ami Gabiel Lejard. Ce dernier qui partagea « la même planche de 80 cm de large » raconta sa mort lors de plusieurs témoignages : « Autour du 13 août, à l’appel du soir, c’est la visite des jambes pour tous les détenus et nous savons ce que cela signifie. Il faut relever le pantalon aux genoux. Nous sommes côte à côte. Le major S.S. approche. Paul me chuchote « Je suis fichu ». Effectivement le major l’arrache des rangs et l’envoie monter dans un camion avec les sélectionnés pour la chambre à gaz. Un petit signe de la main et c’est fini. J’ai passé une nuit atroce mon camarade, mon ami était mort. Le lendemain matin je suis affecté à un autre commando, le déchargement des wagons. Je vois arriver une corvée de 2 à 300 détenus. Tout à coup au passage j’entends « Gaby » ! C’était Paul. Quelques phrases hachées seulement. – « Nous n’avons pas été gazés hier soir, mais nous le serons à notre retour de corvées. Je vais repasser tout à l’heure ». Je guettais anxieusement. Enfin les voilà. Et voici le dialogue : « Gaby, un Polonais m’a donné un morceau de pain, je te le lance dans le wagon » – « Non manges-le ». – « Pas la peine, dans une heure je serais mort. Adieu ». Le pain tombe dans le wagon et Paul continue son chemin vers la mort. Il allait mourir lucidement, en martyr… ».

D’après les registres du camp, la date du décès était enregistrée au 13 octobre 1942. Une rue et le monument aux morts de Chenôve portent son nom, ainsi qu’une stèle située à l’entrée des ateliers SNCF de Dijon-Perrigny. Il était domicilié au 58 rue de Nuits-St-Georges à Dijon lors de son arrestation.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218168, notice CHARTON Paul, Émile par Jean Belin, version mise en ligne le 28 juillet 2019, dernière modification le 7 février 2022.

Par Jean Belin

SOURCES : Gabriel Lejard, un passeur de vie, Jean Belin, 2018. — Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, Claudine Cardon-Hamet, édition de mars 2005. — Arch. IHS CGT Côte-d’Or. — Arch. Dép. de la Côte-d’Or, état civil, recensement de la population, recrutement militaire, fiches des résistants communistes suivis par la police de Marsac en 1941, côte 40M309. — Résistance en Côte-d’Or, Gilles Hennequin, livres 1 et 4, éditions de 1987 et 1997. — Les communistes dans la Résistance en Côte-d’Or, édition de 1996. — Le Travailleur de l’Yonne – Côte-d’Or et le Socialiste côte-d’orien, éditions de 1935 à 1938. — La Bourgogne Républicaine, édition du 9 février 1940. — Cheminots victimes de la répression, 1940-1945, mémorial, éditions Perrin/SNCF, mars 2017.

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