FERRIER Victor, Jean

Par Gérard Leidet

Né le 20 novembre 1867 à Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône), mort le 25 mars 1931 à Saint-Chamas ; instituteur puis directeur d’école publique à Marseille ; amicaliste, militant de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs (FNSI) puis de la Fédération des membres de l’enseignement laïque (FMEL), conseiller municipal (SFIO) de Saint-Chamas (1919-1926).

Victor Ferrier naquit à Saint-Chamas (Bouches-du-Rhône), le 20 novembre 1867.
En 1905, il était instituteur puis directeur de l’école publique de la Valentine (Marseille 11ème arrondissement), et résidait Boulevard national (3 ème arrondissement). Membre de l’Amicale des instituteurs " L’union des institutrices et des instituteurs publics des Bouches-du-Rhône" dont le siège social était situé au n°9 de la rue Colbert à Marseille, Victor Ferrier succéda en 1903 à Jean Soler pour la gérance du bulletin de l’association, et devint cette année-là, Président de l’Amicale. Son épouse et madame Nicolas, vice-présidentes ; H. Pellegrin, instituteur à l’école de Saint-Mauront (3eme arrondissement) et Emmanuel Triaire, secrétaires, complétaient le bureau.
Pourtant, il continuait de penser que lorsque les instituteurs avaient fondé leurs premières amicales, ces derniers ne s’étaient pas pleinement rendu compte du rôle exact qu’elles pourraient jouer dans l’avenir. Les sociétés de secours mutuels étaient alors "le dernier mot de la sagesse", et les amicales paraissaient déjà, aux yeux de certains instituteurs, comme une organisation en grande partie inutile à la vie du corps enseignant : "On se réunissait une fois l’an, on banquetait plus ou moins fraternellement, les bavards péroraient plus ou moins longuement, puis chacun regagnait ses pénates, avec au cœur le souci de l’argent dépensé : c’était tout le bénéfice que cette innovation rapportait", écrivait-t-il dans son Etude sur les syndicats d’instituteurs, éditée à Marseille en 1906.
Dans cette brochure, Victor Ferrier recueillit des témoignages de ses collègues instituteurs. Ainsi celui de ce camarade du Cher qui lui décrivait la main mise, "d’une façon occulte", par l’administration sur l’Amicale, ainsi que l’asservissement, et "la platitude" des dirigeants de l’association devant cette même administration qui savait distribuer ses faveurs. Mais aussi, en retour, il y avait l’écœurement de certains collègues devant la mauvaise organisation de leur groupement professionnel, l’inertie de ce dernier, ses divisions et la vanité de son action qui accélérèrent la formation du mouvement syndical chez les instituteurs. À ce titre, dans son étude, Victor Ferrier rendit compte d’intéressantes précisions sur la transformation d’Amicales en syndicats dans le Morbihan, ou les Côtes-du-Nord, et d’entraves persistantes ailleurs, dues à l’opposition de l’administration et de certains hommes politiques "modérés" (Deux-Sèvres). Dans ce dernier cas, il citait également la lettre d’un jeune instituteur des Côtes-du-Nord qui évoquait l’hostilité des directeurs pratiquant une obstruction sévère face aux vœux exprimés par les Groupes des jeunes de l’Amicale : "Nous avons laissé l’Amicale aux vieux et nous avons fondé un syndicat". Le texte de sa brochure ne rappelait pas seulement les luttes quotidiennes des jeunes enseignants contre les directeurs. Il mettait en avant les avancées atteintes en ce domaine, notamment l’obtention du Conseil des maîtres qui permettait d’entamer le "vieux système de la Direction" source d’inégalité, d’injustice, d’abus criants qui semaient la division parmi les instituteurs.
En 1905, Victor Ferrier signa à titre personnel le Manifeste des instituteurs syndicalistes, issu d’un document personnel émanant de Louis Roussel et Pierre Dufrenne, et publié le 26 novembre dans la Revue de l’Enseignement primaire. Il le fit, en tant que Président de l’Amicale de Marseille, tout comme ses collègues présidents des amicales de la région : Aimé Allègre (Vaucluse), Léotard (Basses-Alpes, aujourd’hui Alpes-de-Haute-Provence), Carayon (Gard), et syndicalistes, notamment Valentin Bain (secrétaire du syndicat du Var), Alexandre Blanc (Conseiller départemental du Vaucluse)... Dans ses études (op.cit.), Victor Ferrier intégra une circulaire de 1905, dans laquelle Georges Yvetot, secrétaire général de la Fédération des Bourses du Travail puis secrétaire général adjoint de la CGT, évoquait lui aussi, et de façon solidaire, la question du syndicalisme des instituteurs : "Militants des Bourses, il est indispensable que nous secondions activement les efforts de ces travailleurs et que nous les aidions à obtenir le droit de se syndiquer. Le meilleur moyen est, croyons-nous, d’admettre leurs organisations dans nos bourses et de les imprégner de nos principes syndicalistes."
Cependant, à partir de 1906, on ne vit quasiment plus d’amicale se transformer en syndicat. Celles-là avaient pris position : elles allaient se dresser, avec toujours plus d’hostilité, devant les progrès du syndicalisme. Réaliste ou fataliste Victor Ferrier ? Toujours est-il qu’il prit son parti de la situation : " Malgré tout, l’action syndicale, n’a pas encore fait tout le progrès qu’on était en droit d’attendre. Ainsi la tactique qui consiste à vouloir transformer les Amicales en Syndicats et à laquelle j’avais eu la plus grande confiance au début, me paraît détestable aujourd’hui car je reconnais sans peine que la majorité des membres des Amicales n’est pas mûre pour réaliser ce progrès..." écrivait-il au début de son étude.
Étant donné le "peu d’empressement" que les enseignants syndicalistes de La Seine mettaient à seconder efficacement le secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats d’instituteurs (FNSI) dans sa tâche, et les difficultés qui en résultaient pour la constitution de la Commission exécutive et du Conseil fédéral, le syndicat de Maine-et-Loire (consulté par ailleurs lui aussi par Marius Nègre) proposa de transférer à Marseille le siège de la Fédération : "Les camarades des Bouches-du-Rhône ont montré en plusieurs circonstances qu’il y avait chez eux assez d’énergie pour conduire dignement la barque" affirmait la résolution du Conseil fédéral, adoptée à l’unanimité. C’est ainsi que le siège de la Fédération fut transféré à Marseille en octobre 1908. Marius Nègre demeurait secrétaire général et formait à Paris, avec Marcel Cottet et Émile Glay, une sorte de « délégation » de la Commission exécutive. Victor Ferrier faisait partie de cette équipe marseillaise avec Emmanuel Triaire et Emmanuelli] ; Antoine Ripert, secrétaire de la FNSI de 1908 à 1910, Ismaël Audoye, trésorier de la fédération, et Adolphe Bezot, secrétaire de rédaction de l’École Émancipée lors de sa création en octobre 1910, complétaient le bureau.
Entre le 22 et le 29 novembre 1912, le Procureur de la République, près le tribunal de première instance de Marseille, déféra les 11 membres du bureau marseillais au tribunal correctionnel – ces derniers furent présents au rendez-vous mais uniquement pour « faire défaut ». Le 4 décembre 1912, avec l’ensemble du bureau syndical (Ismaël Audoye, Louis Blanc, Justin Casimir, Esprit Fage, Léonie Farjas, Jean Alphonse Germond, Gustave Guieu, Louis Lafosse, , Emmanuel Triaire et Victorin Martin), Victor Ferrier fut déclaré coupable d’avoir contrevenu aux dispositions de la loi du 21 mars 1884 en ayant constitué un syndicat d’instituteurs et d’institutrices dans le département des Bouches-du-Rhône. À ce titre, il fut, avec ses camarades, condamné à une peine de 50,00 francs d’amende et solidairement à la somme de 93,76 francs. Dans le même temps, la dissolution du syndicat « illégalement constitué » fut également prononcée en audience publique.

Le 14 décembre 1919, Victor Ferrier fut élu conseiller municipal SFIO de Saint-Chamas et réélu en 1925, année où il devint adjoint au maire de cette ville ; il démissionna le 25 mai 1926. En 1919 également, il fut élu conseiller d’arrondissement du canton d’Istres, avec 977 voix, réélu en 1922 avec 980 voix, puis en 1928 avec 1 086 voix sur 2 433 électeurs inscrits, et 1 187 votants, Félix Gouin* étant alors le conseiller général du même canton. Selon un rapport préfectoral, Ferrier était un élu « très consciencieux, à l’influence bienfaisante, tout dévoué à Félix Gouin [...] [...] de santé délicate [...] entretenant des relations rares et courtoises avec l’administration »._
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Victor Ferrier prit sa retraite en 1924. Il mourut dans son village natal le 25 mars 1931.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218322, notice FERRIER Victor, Jean par Gérard Leidet, version mise en ligne le 4 août 2019, dernière modification le 6 octobre 2022.

Par Gérard Leidet

OEUVRE : Étude sur les syndicats d’instituteurs, Marseille, 1906, 48 p.

SOURCES : Arch. Dép. Bouches-du-Rhône, III M 56 (rapport cité), VM2/255, 287 et 288. — Le Petit Provençal, 15 décembre 1919, 15 mai 1922, 15 octobre 1928. — Bulletin mensuel de l’union des institutrices et des instituteurs publics des Bouches-du-Rhône, décembre 1905. — Renseignements fournis par la mairie de Saint-Chamas, 11 juin 1981. — Max Ferré, Histoire du mouvement syndicaliste révolutionnaire chez les instituteurs, des origines à 1922, SUDEL, 1955. – F. Bernard, L. Bouët, M. Dommanget, G. Serret, Le syndicalisme dans l’enseignement, Histoire de la Fédération de l’enseignement des origines à l’unification de 1935, T. 1 "Des origines à la Première guerre mondiale" (François Bernard), coll. "Documents de l’IEP de Grenoble". — Bulletin mensuel de l’union des institutrices et des instituteurs publics des Bouches-du-Rhône, décembre 1905. — Notes d’Antoine Olivesi.

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