Saint-Nazaire, charnier de l’école Ernest Renan, quartier de Méan (Loire-Inférieure, Loire-Atlantique), 1944-1945.

Un premier charnier allemand fut découvert à Saint-Nazaire le 14 septembre 1945. Il contenait 16 corps de soldats allemands torturés et abattus. Les corps étaient généralement nus mais certains portaient des restes d’uniforme de la Kriegsmarine. Beaucoup avaient les poignets liés et tous portaient des traces de coups principalement à la tête et des trous de balles dans le crâne.
L’école Ernest Renan avait servi de prison à l’occupant allemand. Les derniers civils français ayant été transférés à la prison d’arrêt de Saint-Nazaire, le lieu devint un centre d’interrogatoires, de tortures et d’exécution pour les soldats de la Kriegsmarine à l’époque de la Poche de Saint-Nazaire (août 1944-mai 1945).
D’autre corps furent découverts dans les terrains voisins. Un marronnier portait une corde enroulée autour d’une branche ; les enquêteurs conclurent à la présence d’un arbre de pendaison. En tout, 33 corps furent retrouvés, tous achevés d’une balle dans la tête.
Le chef de prison était l’inspecteur Schussler.
Des détenus laissèrent des graffitis avec leurs noms dans une cellule, apparemment un groupe de Danois : PAUL HANSEN, TABAGADERS, R…DEN (Danmark), BUL HANSEN, CAROM RANDER (Danmark), 16/1/44 L. KAIN HANSEN (Danmark).

Les 16 premiers corps sont décrits avec beaucoup de précisions par le médecin légiste, le Docteur Pourrieux, de Guérande. Elles permettent d’affirmer que la mort remonte à une période allant de six mois à un an, soit depuis la formation de la Poche. Des voisins témoignèrent qu’un début de mutinerie eut lieu dans les jours qui précédèrent la reddition de la Poche et que de nombreux coups de feu furent tirés autour de l’école. Les autorités conclurent que de nombreux soldats allemands convaincus d’anti-nazisme auraient été fusillés. Ils ajoutèrent qu’aucun Français ne figurait dans les charniers.

Le soldat Doro Zuliani (1920-2018) mobilisé pour garder les Allemands sur l’aéroport de Montoir-de-Bretagne, il eut à suivre les fouilles du charnier de Méan et décrivit les opérations dans des lettres à sa femme Thérèse, les 14, 15, 18 septembre 1945.

Il écrivit le 14 : "il est 8h1/2, j’arrive de Méan où le fameux charnier a été découvert. Ce n’est pas loin du camp, dans la cour de l’école de Méan. Figure-toi une école avec la cour entourée de grands murs ou de maison. Dans l’école il y avait des séparations dans les classes où étaient enfermées dans l’obscurité presque totale les personnes arrêtées. Inutile de te dire que les seuls habitants étaient les boches. La cour de l’école est bitumée et pour les enterrer ils avaient fait des trous de 2m x 0m50 qui furent rebouchés avec du bitume et ni vu ni connu. Seulement, il y a eu tassement et la forme donnant fort à douter, les autorités furent alertées et les fouilles sont commencées d’aujourd’hui. Deux de mes copains sont là-bas pour garder. Ils y étaient une quinzaine cet après-midi car les civils voulaient écharper les frisés occupés à la fouille.

Les corps sont encore reconnaissables, cela date de la poche. Ils ont dû les supprimer quand ils se sont vus enfermés. Jusqu’à ce soir il y a 16 corps de sortis et en bière une autre fosse, la plus grande n’est que commencée à creuser. Voici le plan de ce cimetière (voir photo). Dans les 6 ou 8 petites fosses il y avait plusieurs corps dans chaque, nus ou presque. Certains étaient agrippés à d’autres et beaucoup ont dû recevoir un coup de pistolet dans la nuque. Quels bandits ! Ma chérie je te raconte des choses bien tristes et ça ne rime à rien cela paraîtra probablement sur les journaux. »

Extraits de la lettre du 15 septembre 1945.

« J’ai transporté les 16 corps dans une autre école, rue Paul Bert [ou chemin de Bert ndr] je crois.

Les fouilles de la grande fosse sont infructueuses il n’y avait rien dedans. Il y en a d’autres à 50 m de l’école dans un jardin. Seulement le premier corps découvert est un allemand qui avait les poings liés. Il est habillé et a sa plaque matricule. On attend la police pour pouvoir exhumer. Je pense que je ne retournerai pas là-bas maintenant et le peloton se trouve arrêté une nouvelle fois. »

Extraits de la lettre du 18 septembre 1945.

« L’affaire de Méan est étouffée malgré qu’il y encore 50 corps à retirer d’un jardin. Je te dirais çà quand je viendrai. Figure- toi que c’est l’inverse de ce que je pensais. Tu vois çà d’ici. Quelle honte !

On n’a pas lieu de s’en glorifier. »

Description des corps d’après les documents des Archives municipales de Saint-Nazaire.
Ainsi le corps n°1
« Taille 1 m 86, corpulence très forte, cheveux blonds et longs, dentition normale, trace de balle dans le cou à gauche. »
Corps n°2
"Taille 1 m 60, corpulence moyenne, cheveux bruns et courts, deux dents plombées en métal blanc, enfoncement dans la région temporale gauche".
Corps n°3
"Taille 1 m 65, corpulence moyenne, cheveux châtains très courts, bonne dentition, strangulation, trace de balle dans la nuque, avec sortie du projectile, dans la région pariétale droite."
Corpus n°4
"Taille 1 m 58, corpulence moyenne, paraît jeune, cheveux châtains clairs, d’une longueur de 4 cms, très bonne dentition, enfoncement du crâne dans la région temporale gauche, ecchymoses sur tout le corps. "
Corpus n° 5
"Taille 1 m 70, corpulence assez forte, paraît assez âgé, chauve, dentition bonne et usée, , vêtu de sous-vêtements (maillot) et de grosses chaussettes, type militaire, trace de balle dans la région temporale droite."
Corps n°6
"Taille 1 m 80, corpulence assez forte, cheveux châtains, bonne dentition, trace de balle dans la région temporale gauche."
Corps n°7
"Taille 1 m 60, corpulence moyenne, ventre énorme, peu musclé, cheveux bruns et courts, moustaches grises, bridge canine incisive en bas à gauche, vêtu d’un maillot de corps, trace de balle dans le cou."
Corps n°8
"Taille 1 m 80, corpulence forte, cheveux blonds et courts, dentition normale, enfoncement de la région temporale gauche."
Corps n°9
"Taille 1 m 65, assez fortement amaigri, cheveux bruns grisonnants, treize dents absentes, remplacées en partie en haut par un appareil de 9 dents, dont celle du milieu en or, trace de trois balles, une dans le thorax droit entre la 5e et 6e côte, avec ecchymoses, une dans le thorax gauche, entre la 5e et la 6e côte, une dans la région temporale gauche."
Corps n°10
"Taille 1 m 60, corpulence assez faible, cheveux chatains courts, deux dents plombées et 3 dents absentes en bas, très maigre, pas de graisse abdominale, pas de trous de blessure ni d’ecchymoses."
Corps n°11
"Talle 1 m 68, corpulence normale, cheveux bruns, appareil dentaire inamovible, Vêtu d’une chemise, de grosses chaussettes et chaussé de chaussures basses à semelles de bois, fracture de la région temporelle gauche."
Corps n°12
"Taille 1 m 70, corpulence faible, cheveux bruns et courts, bonne dentition, trace de balle dans le cou."
Corps n°13
"Taille 1 m 70, corpulence faible, cheveux chatains, dentition normale, mains ligotées, habillé d’un pantalon de la Kriegsmarine, chaussé de souliers de l’Armée, trou de balle dans la nuque gauche."

Corps n° 14
« Taille 1 m 68, corpulence moyenne, cheveux brun foncés, entièrement habillé d’un uniforme de Kriegsmarine, mains ligotées, écrasement de toute la partie droite de la face ».
Corps ñ°15
"Taille 1 m 68, corpulence faible, cheveux chatains et longs, dentition bonne, amputation des orteils droits, trace de balle dans la région temporale droite."
Corps n°16
"Taille 1 m 65, pas musclé, gros ventre, cheveux bruns et longs (7 cms), très bonne dentition, très gros enfoncement de tout le temporal droit, habillé de sous-vêtements (chemise et maillot)."