DELBET Adrien

Par Laurent Dingli

Né le 27 janvier 1918 à Paris XXe arr., mort en 2009 dans le même arrondissement ; outilleur ; militant communiste, de la CGT puis de la CFDT.

Avec sa compagne Madeleine Sévennec (1920-2008), Adrien Delbet adhéra aux Jeunesses communistes puis au PCF à la fin des années 1930. Ouvrier rectifieur outilleur, il fut employé sous l’Occupation à la société L’Outillage RBV, 13, passage des Tourelles dans le XXe arrondissement de Paris. Il y occupa la fonction de délégué du comité social créé en application de la Charte du Travail mais démissionna avec ses camarades pour protester contre l’envoi de deux jeunes ouvriers en Allemagne, malgré la protestation préalable qu’ils avaient adressée à la direction. C’est toutefois à partir de cette période que ses relations avec les autres délégués allaient se détériorer.
À la Libération, ces derniers lui reprochèrent sa proximité avec Paul Hugon, qui avait été désigné par le Commissariat général aux questions juives (CGQJ) et les autorités d’occupation, comme administrateur de cette société aryanisée. Très bien vu par les Allemands, avec lesquels il avait entretenu d’excellentes relations dès avant-guerre en Algérie, cet brillant officier de 14-18 (titulaire de six citations et de la Légion d’Honneur reçue sur le champ de bataille) fut inculpé par la cour de justice de la Seine pour intelligence avec l’ennemi. Si Paul Hugon fut finalement acquitté par le Tribunal militaire de Paris le 13 décembre 1956, il conserva la réputation d’un collaborateur actif, notamment au sein de l’entreprise. L’un des anciens camarades de Delbet, Pierre, Mahé, lui reprocha à la Libération d’avoir eu connaissance de la décision prise pendant la guerre de l’envoyer en Allemagne. Delbet reconnut le fait mais rappela qu’il avait prévenu Mahé et lui avait recommandé de se sauver. Un note émanant de la commission d’épuration d’entreprise laissa surtout entendre que Delbet aurait divulgué à la direction le rôle joué par Pierre Mahé dans le déclenchement d’un débrayage survenu dans l’usine pendant l’Occupation, ce qui aurait provoqué l’arrestation de Mahé par la Gestapo le 28 juin 1944 et sa déportation à Buchenwald (transport parti de Compiègne le 17 août 1944, matricule 78937, libéré le 1er mai 1945 à Prague). Le procès-verbal de la séance du 23 octobre 1945 du comité régional interprofessionnel d’épuration dans les entreprises (CRIEE) précise qu’à cette date Adrien Delbet était "en train de créer une coopérative ouvrière" et qu’il souhaitait réintégrer l’entreprise. Mais, à l’issue de la séance, le comité estima qu’il avait favorisé les desseins de l’ennemi et proposa comme sanction au préfet de la Seine le licenciement sans indemnité. À la fin de sa vie professionnelle Adrien Delbet milita au sein de la CFDT.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218440, notice DELBET Adrien par Laurent Dingli, version mise en ligne le 12 janvier 2020, dernière modification le 11 décembre 2020.

Par Laurent Dingli

SOURCES : ADP 102 W 69 Dossier Adrien Delbet - AN Z/6/859 dossier 5773 Paul Hugon - Dépôt central des archives de la justice militaire (DCAJM). Tribunal militaire de Paris, jugement n° 2979 A du 13 décembre 1956 - Fondation pour la mémoire de la déportation - Notice DELBET Gérard, Adrien, Jacques, dit Gégé par Hugues Lenoir, version mise en ligne le 6 mai 2019, dernière modification le 6 mai 2019 - Raymond Aron, Histoire de l’Épuration, T. III1, Le monde des affaires, Paris, Fayard, 1974 (R. Aron écrit "Hagon" au lieu de Hugon). Laurent Dingli, Jacky Ehrhardt, L’Industrie en guerre (1936-1947), à paraître.

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