MAHON Jean, Alfred, Désiré

Par Jean Belin

Né le 9 mai 1905 à Bar-sur-Aube (Aube), mort en déportation le 24 août 1942 à Auschwitz en Pologne ; cheminot ; syndicaliste CGT et militant communiste de Côte-d’Or ; résistant au sein du Front National (FN)

Fils de Raoul Mahon, maréchal-ferrant, et de son épouse Blanche Blavoyer, ouvrière en robes, domiciliés au 2, rue Gambetta à Bar-sur-Aube. Son père fut « mort pour la France » en novembre 1918. Le 7 juillet 1919, Jean Mahon fut adopté en qualité de pupille de la nation en vertu d’un jugement du Tribunal Civil de Dijon. Après le décès de son père, Il vint habiter à Longvic, Côte-d’Or, avec sa famille.
Dès qu’il le put, il travailla pour aider sa mère, ayant une sœur plus jeune que lui à élever. Le 7 octobre 1919, il entra comme apprenti ajusteur au dépôt SNCF de Dijon-Perrigny (Côte-d’Or), puis il devint sous-chef de brigade d’ouvriers. Après son service militaire, il s’engagea à la CGTU et au Parti communiste aux côtés de ses camarades cheminots, Jean Bouscand, Auguste Heinimann. Il se maria avec Henriette Belin, employée de bureau, le 5 février 1927 à Dijon. Il eut un fils né en 1931.
Militant communiste, il fut membre de la cellule communiste du dépôt et également membre du secrétariat régional du PCF (Côte-d’Or et Yonne) avant la guerre aux côtés de Jean Bouscand. Il publia de nombreux articles dans Le Travailleur de l’Yonne – Côte-d’Or.
À l’automne 1939, plusieurs cadres communistes de la région dijonnaise furent mobilisés, un bureau est formé avec les cheminots (qui restent en poste), dont Jean Bouscand et Jean Mahon. Mahon fut signalé en mars 1940 par le ministère des Transports comme "militant communiste, propagandiste à écarter". Il est vraisemblable qu’"affecté spécial" en tant que cheminot pendant le conflit, il ait été radié de cette affectation après cette note, radiation qu’ont connue presque tous les "A.S." soupçonnés d’être ex-syndicalistes ou ex-communistes.
Avec d’autres militants, il participa à la reconstitution du Parti communiste clandestin dans le département et à la fondation du Front National. Le 11 décembre 1940, les premiers groupes de l’O.S. dirigés par Jean Mahon, Chalon et Grillot, font dérailler un train de marchandise entre le poste 2 de Perrigny et le poste 2 de Longvic, détruisant quatre citernes de vin destiné aux Allemands et coupant la voie pendant 14 heures. Dans « Les bataillons de la jeunesse, les jeunes dans la résistance », Albert Ouzoulias mentionne encore deux autres déraillements, les 3 et 13 janvier 1941, puis, « de janvier à juin 1941, ces mêmes groupes (réalisent) des récupérations d’armes et d’explosifs, la remise en état des armes et la fabrication d’engins dans les ateliers du dépôt ».
La police militaire allemande soupçonne Jean Mahon, Jean Bouscand et Gabriel Lejard de coordonner les opérations de sabotage au dépôt de Perrigny, mais n’en possède pas de preuves.
À la fin juin 1941, tous les responsables communistes Côte-d’Oriens connus furent arrêtés. Le 22 juin 1941, Jean Mahon fut arrêté à Dijon à son domicile au 12 rue des Moulins à Dijon (Côte-d’Or), par les autorités allemandes, puis finalement interné à Dijon, à Vesoul, puis au camp allemand de Royallieu à Compiègne (Oise), administré et gardé par la Wehrmacht (Frontstalag 122 - Polizeihaftlager) avec ses camarades Bouscand, Saglier, Lejard, Repiquet et 9 autres de ses camarades dijonnais.
Le 24 janvier 1942, suite à une requête de son épouse auprès du préfet de la Côte-d’Or, un rapport du service des renseignements généraux (R.G.) indique qu’il est connu comme militant communiste, qu’il était « collecteur, propagandiste pour le parti », que « depuis la dissolution du parti communiste, cet agent n’a fait preuve d’aucune activité politique », mais l’inspecteur principal de police émet toutefois un « avis très réservé à une intervention en sa faveur », « vu l’ancienne activité politique du sieur Mahon ».
Le 22 mars, Mme Mahon écrivit au Maréchal Pétain. Elle lui fit part de ses demandes de libération de son mari auprès des autorités allemandes et françaises et précise qu’elle avait demandé un soutien financier pour lequel elle n’avait pas obtenu de réponse.
Entre fin avril et fin juin 1942, Jean Mahon fut sélectionné avec plus d’un millier d’otages désignés comme communistes et une cinquantaine d’otages désignés comme juifs dont la déportation a été décidée en représailles des actions armées de la résistance communiste contre l’armée allemande (en application d’un ordre de Hitler). Le 6 juillet 1942 à l’aube, les détenus furent conduits sous escorte allemande à la gare de Compiègne et entassés dans des wagons de marchandises. Le train partit une fois les portes verrouillées, à 9 h 30. Les 14 déportés de Côte-d’Or se regroupèrent dans le même wagon. Le voyage dura deux jours et demi. N’étant pas ravitaillés en eau, les déportés souffrirent principalement de la soif.
Le 8 juillet, Jean Mahon fut enregistré au camp souche d’Auschwitz (Auschwitz-I) sous le numéro 45813 (sa photo d’immatriculation n’a pas été retrouvée). Le lendemain, les déportés furent dirigés à pied au camp annexe de Birkenau et envoyés ensuite dans différents Kommandos de travail. Le 13 juillet, Jean Mahon, fut envoyé au camp principal d’Auschwitz.
Le 21 juillet, la lettre de son épouse au Maréchal Pétain est transmise au préfet de Côte-d’Or par Mr. de Brinon, Ambassadeur de France, secrétaire général du Gouvernement français dans les territoires occupés. Le 30 juillet, le préfet de Côte-d’Or demanda une enquête auprès du service des renseignements généraux. Jean Mahon qui souffrait d’une congestion pulmonaire fit partie d’une sélection qui le conduisit à la chambre à gaz le 24 août 1942, date fournie selon les registres du camp.
Le 9 octobre, dans sa réponse à Mr. De Brinon, le préfet précisa que Jean Mahon militait activement avant son arrestation (contrairement à ce qu’indique le rapport des R.G. du 24/01/42), que les Autorités allemandes ne l’ont pas saisi du cas de Jean Mahon en vue d’une éventuelle libération et qu’il juge donc inopportune une intervention en sa faveur, « compte-tenu de ses antécédents politiques ».
Le 22 octobre, dans un courrier à caractère urgent, le préfet de Côte-d’Or demanda au Commissaire central de Dijon que celui-ci lui fasse connaître si l’intéressé a été libéré et, dans la négative, de lui préciser quelles sont les personnes à charge, leur situation matérielle et son avis sur l’opportunité de leur attribuer une aide financière.

Son nom figure sur une stèle « A la mémoire de nos camarades de dépôt » située à l’entrée du dépôt SNCF de Dijon-Perrigny, situé rue Jean-Baptiste Peincédé. Le 15 janvier 1947, la mention « Mort pour la France » est apposée sur son acte de décès. Médaillé de la Résistance, le titre de Déporté politique lui fut attribué en 1958. Son épouse décéda le 25 février 1972 à Talant (Côte-d’Or).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218532, notice MAHON Jean, Alfred, Désiré par Jean Belin, version mise en ligne le 19 août 2019, dernière modification le 19 août 2019.

Par Jean Belin

SOURCES : Arch. Dép. de Côte-d’Or, état civil, recensement de la population. — Les communistes dans la Résistance en Côte-d’Or, édition de 1996. — Gilles Hennequin, Résistance en Côte-d’Or, tome 1, édition de 1987. — Arch. IHS CGT 21, témoignage de Gabriel Lejard. — Mémoire vive des convois des 45000 d’Auschwitz-Birkénau. — Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, le convoi politique du 6 juillet 1942, édition de 2005. — Le Travailleur de l’Yonne – Côte-d’Or. — Albert Ouzoulias, Les bataillons de la jeunesse, les jeunes dans la résistance, Éditions sociales, Paris 1972, réédition juillet 1990. — Arch. dép. de Côte-d’Or, cote 1630 W, articles 244 et 252 « arrestations par les autorités d’occupation en raison de leur passé et activité politique », article 94 : « propagande communiste », et cotes 6J61 à 63 : fiches individuelles des déportés de Côte-d’Or, don de Pierre Gounand.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable