DUNAUD Jean-Baptiste

Par Véronique Fau-Vincenti

Né le 28 octobre 1817 à Purgerot (Haute-Saône) ; menuisier ; acteur des journées insurrectionnelles de juin 1848 ; transporté en Algérie, puis en Guyane.

Jean-Baptiste Dunaud naquit à Purgerot en Haute-Saône où ses parents, Jean-Baptiste Dunaud, vigneron, et Françoise Dunaud, s’étaient mariés le 23 avril 1817. Deux autres fils naquirent de cette union : Charles, né le 15 août 1819, et Claude-Louis, le 1er janvier 1821.

Vraisemblablement en raison des difficultés et du déclin de la culture de la vigne dans leur région, la famille émigra à Paris et les parents devinrent concierges d’un immeuble au 54 de la rue Saint-Sébastien où la mère demeura au moins jusqu’en 1859.

Menuiser de profession, Jean-Baptiste Dunaud signifia lors d’un interrogatoire avoir fait partie durant trois ans et demi de l’armée d’Afrique, sans que l’on sache s’il s’était engagé faute d’ouvrage ou s’il s’était trouvé enrôlé d’office dans le cadre de son service militaire et de la colonisation de l’Algérie.

De la même façon, si l’on ne sait rien de sa participation à la Révolution de février 1848, il déclara avoir été employé aux ateliers nationaux mais n’avoir été membre d’aucun club. Il habitait alors avec sa femme et leur enfant, au 11 rue Planchette, à l’arrière de la place de la Bastille.

Durant les journées de juin 1848, il fut sur les barricades, en particulier sur celle du faubourg Saint-Antoine, au niveau de la Bastille. Prenant part aux combats, il fut légèrement touché le 25 juin et se retira un temps pour panser sa blessure. Revenant sur la barricade entre 17 et 18 heures après que Denys Affre, archevêque de Paris, ait été blessé durant des pourparlers, il se proposa comme parlementaire avec les troupes commandées par le général Perrot et des députés de l’Assemblée nationale. Il semble que le soir même, après de nouvelles tentatives de conciliation, Jean-Baptiste Dunaud ait préféré quitter le quartier et ses barricades. Lors de ses interrogatoires, il déclara avoir passé la journée du 26 juin avec sa femme et son enfant dans le quartier de Bercy au moment où l’insurrection était écrasée. Ce même jour, nombre d’insurgés furent tués et pourchassés. Le père de Jean-Baptiste Dunaud, reçut une décharge mortelle alors qu’il était sommé d’ouvrir la porte de son immeuble.

Jean-Baptiste Dunaud, quant à lui, ne fut arrêté que plusieurs jours après les événements. En effet, le 3 juillet 1848, après avoir appris que de l’ouvrage était proposé aux ouvriers sans travail, il se rendit à la mairie de son arrondissement afin de se déclarer. Il fut alors reconnu par un officier du 48e régiment de ligne eu égard à son rôle de parlementaire. Prisonnier, il fut alors conduit à la caserne de Reuilly où il fut entendu une première fois le 4 juillet. Le jour même, il fut conduit, avec d’autres insurgés, au dépôt de la Préfecture de police. Puis, dans la soirée, il fut dirigé avec plusieurs centaines de prisonniers vers le fort de Bicêtre où ils arrivèrent après quatre heures de marche. De nouveau interrogé, il tenta de minimiser sa participation aux journées de juin mais demeura emprisonné. Ses deux frères furent eux aussi arrêtés le 12 juillet car soupçonnés d’avoir pris part à l’insurrection comme leur aîné.

Le 5 août, depuis le fort de Bicêtre, il assista au départ d’un premier convoi de prisonniers destinés à être maintenus en rade de Brest et, le 12 août, il fut désigné par la 4e commission militaire à la transportation, alors que ses frères étaient remis en liberté faute de preuves.

Le 15 août 1848, il fit partie d’une colonne d’hommes dirigés au fort de l’est à Saint-Denis et, trois jours plus tard, d’un convoi en train de 500 hommes acheminés de Paris au Havre et destinés à être maintenus dans les forts en rade de Cherbourg. C’est au fort de l’île Pelée que Dunaud attendit que soit statué sur son sort et sur celui de ses 250 compagnons. Cinq mois plus tard, le 30 janvier – suite au vote définitif du 24 janvier 1850 qui réglementait la transportation en Algérie – 108 internés au fort de l’ile Pelée, dont Dunaud, furent conduits sur Le Darien avec 191 compagnons provenant du fort du Homet et du ponton Le Triton. Après trois jours de mer, ils débarquèrent à Belle-Île-en-Mer et furent enfermés dans la citadelle où ils retrouvèrent d’autres insurgés parisiens. Sur place, comme à l’île Pelée, les prisonniers s’organisèrent en club et selon leur affinité. Ils ouvrirent également une école et ne manquèrent pas de célébrer des anniversaires historiques comme l’avènement de la Deuxième République qui cependant les avaient négligés. Au fil du temps, des détenus bénéficièrent de grâces, si bien que fin décembre 1849, les hommes destinés à être transportés se révélèrent au nombre de 459, considérés comme dangereux politiquement et socialement. Ainsi, le 30 janvier 1850, après avoir été transféré à Brest puis sur le ponton du navire La Guerrière, Jean-Baptiste Dunaud, fut de ceux embarqués sur Le Gomer qui naviguait de concert avec L’Asmodée. Ces deux navires arrivèrent sur les côtes algériennes le 5 mars 1850. Les 459 transportés furent installés à la casbah de Bône, le camp de Lambessa où ils devaient être maintenus n’étant pas prêt à les recevoir. En mars 1851, un premier détachement de 80 transportés ouvriers fut diligenté afin de finir de construire eux-mêmes le lieu qui devait leur servir de détention. Un an plus tard, le 10 mars 1852, un convoi de 100 hommes escorté d’un adjudant surveillant, de trois sous-officiers, de cinq gendarmes, d’une compagnie d’infanterie et d’un détachement de cavalerie partit pour Lambessa. Et les 15 et 20 mars, les deux derniers convois de transportés rejoignirent leurs compagnons.

Au fil des années, des transportés quittèrent le camp et furent assignés à résidence dans la province de Constantine, en fonction de leur comportement ou de leur promesse d’adhésion au Second Empire et selon les termes de la loi du 24 janvier 1850 dont l’article 5 prévoyait que « trois années après le débarquement des transportés en Algérie, ceux qui justifieront de leur bonne conduite pourront obtenir, à titre provisoire, la concession d’une habitation et d’un lot de terre sur l’établissement ». Ce fut le cas pour Antoine Picheloup, « épicier » dont la femme Eulalie accoucha en 1853 d’une petite fille aux environs de Lambessa alors que d’autres s’établirent en Algérie, comme Joseph Beury, architecte qui se maria à Alger en 1859, Stanislas Costin, qui se maria en 1862, lui aussi à Constantine, ou encore comme Pierre Roynel, ancien correcteur d’imprimerie qui, à sa mort en 1885 dans la province de Constantine, était désigné comme « propriétaire ».

En revanche, un décret du 31 mai 1852, signé de Louis-Napoléon Bonaparte spécifiait que « les transportés de 1848 qui auraient encouru depuis leur arrivée en Afrique une condamnation afflictive et infamante pour insubordination ou pour refus de travail ou d’obéissance » seraient envoyés en Guyane. En l’occurrence, Jean-Baptiste Dunaud qui avait été condamné le 22 novembre 1851 à cinq ans de fer par le 2e conseil de guerre de Bône pour « voies de faits et insultes envers ses supérieurs » et qui était décrit comme un « homme dégradé de mauvaises mœurs très dangereux sous tous les rapports » ayant écopé de « 151 jours de cellule pour attentat aux mœurs, insolence diffamation et injures », fut désigné pour la Guyane. Après une étape au fort Lamalgue de Toulon, il était décrit par les autorités comme un « homme abject sous tous les rapports. Sa conduite présente ne dément pas celle antérieure – une surveillance exceptionnelle à mettre en place durant la traversée » avant d’être embarqué le 7 juin 1853 avec 24 de ses compagnons sur L’Allier. Arrivés le 6 juillet 1853, ils furent détenus sur l’île du Diable et rejoints par quelques-uns des condamnés résistants au coup d’État du 2 décembre. Parmi ces derniers, François Dallibert et Charles Delescluze – future figure de la Commune.

Une dizaine de lettres de sa mère, conservées dans son dossier de transporté, nous renseignent quelque peu. Le 20 août 1857, elle écrivit ainsi au ministre de la Marine afin de solliciter une audience et souhaita faire connaître au ministre « la vérité sur ce qui se passe là-bas ». Car si Jean-Baptiste Dunaud avait fini par prêter serment à l’Empire en 1856, il n’avait cependant pas été libéré. Le 7 juillet 1858, sa mère n’hésita pas à s’adresser à son « Altesse Impériale le prince Napoléon » au sujet de son « fils détenu politique à Cayenne ».

Parallèlement à ces courriers, des rapports internes nous apprennent que Jean-Baptiste Dunaud n’avait malgré tout pas cessé d’épouser la révolte. Est ainsi relaté dans un rapport du 15 janvier 1858, un refus opposé à l’autorité par les détenus sur l’île du Diable : si une vingtaine d’hommes furent « emmenés sans résistance par les hommes de garde », douze autres s’opposèrent, prévenant qu’il faudrait les trainer de force ou au bout d’une baïonnette. Parmi eux, des hommes de juin, comme Louis Cagnac, Augustin Faivre, Jean Tricot, Auguste Maillard, Ignace Haffin, mais aussi Auguste César – condamné suite au coup d’État du 2 décembre 1851 – et Dunaud, désigné comme « le plus exalté » du groupe, qui « parlait au nom de tous ».
Survivant de ce « Waterloo populaire », qui fit « trembler l’aristocratie française » selon son expression, il fut finalement libéré après l’amnistie et embarqua même temps que Charles Delescluze sur Le Cérès le 21 novembre 1859.

Là s’arrête son itinéraire exhumé qui s’est peut-être un temps poursuivi au Sénégal – les bateaux y faisant escale avant leur arrivée à Toulon – où il demanda, selon une mention porté à son dossier, à être débarqué sur le chemin du retour. Selon les dossiers le concernant, Jean-Baptiste Dunaud était décrit comme « 1m69, cheveux châtains, yeux bleus ». Il était marié et père d’un enfant.

Le récit de son parcours fut consigné dans son « Journal de ma transportation », conservé au Musée d’histoire vivante de Montreuil.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218628, notice DUNAUD Jean-Baptiste par Véronique Fau-Vincenti, version mise en ligne le 19 août 2019, dernière modification le 16 avril 2021.

Par Véronique Fau-Vincenti

SOURCES : Centre des Archives d’Outre-mer (CAOM– Aix en Provence), COL-H 264. — Service historique de la défense, GR 6J 143. — « Journal de ma transportation » in Des Barricades à l’île du Diable. Journal de Jean-Baptiste Dunaud, révolutionnaire de 1848, présenté et annoté par Véronique Fau-Vincenti, Ivry-sur-Seine, Les Éditions de l’Atelier, 2019. — État civil.

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