CHATEL Xavier

Par Benoit Willot

Né le 3 décembre 1854 à Bénestroff (Meurthe, actuelle Moselle) ; ouvrier tréfileur, syndicaliste.

Joseph Xavier Chatel était le fils d’Appoline Chappellier et de son époux Charles Chatel, mécanicien. Il était le frère aîné d’Hippolyte Chatel.
Après l’annexion de son village natal à l’Allemagne en 1871, Xavier Chatel opta en compagnie de son père, pour la nationalité française en juin 1872 à Romilly-sur-Andelle (Eure).

Devenu tréfileur et résidant avec ses parents rue des Ursulines à Saint-Denis (Seine, Seine-Saint-Denis), Xavier Chatel épousa en décembre 1883 à Saint-Denis Joséphine Schwob, cuisinière, également originaire d’un territoire occupé par les Allemands, étant née en 1861 à Stotzheim, Bas-Rhin.
Après la naissance des deux premiers de leurs quatre enfants, la famille s’installa, avant 1889, à Saint-Maurice (Seine, Val-de-Marne) et Xavier Chatel fut embauché à la compagnie du Bi-Métal, société métallurgique installée dans la commune voisine de Joinville-le-Pont ; son frère Hippolyte y était également tréfileur.
C’était probablement ce dernier qui était, en janvier 1894, secrétaire de la section de Joinville de l’Union des tréfileurs, pointiers et lamineurs de France. Il s’agit du premier syndicat connu à Joinville-le-Pont, dont l’existence était attestée au sein de l’usine de Joinville en octobre 1893. Cette union était basée à la Bourse du travail de Saint-Denis, où elle était officiellement enregistrée en novembre de la même année par son secrétaire général, Victor Guyot. La section de Joinville était active au sein du groupement, où Chatel joua un rôle mentionné dans plusieurs publications.

Le rôle de la section syndicale fut important pendant la grève organisée par trente-cinq ouvriers tréfileurs de la Compagnie française du Bi-Métal qui protestaient contre la réduction de 25% sur le prix de façon du tréfilage, décidée par la direction de l’usine le 19 octobre. Une intervention de Jules Ferdinand Baulard, député radical-socialiste de la Seine et ancien conseiller municipal de Joinville, accompagné des maires de Nogent-sur-Marne (Émile Husson), de Joinville (Eugène Voisin) et de Saint-Maurice (François Gauthier), proposa une conciliation, les ouvriers acceptant une réduction de salaire de 11%, ce que refusèrent les employeurs.
Le directeur de la compagnie, M. Heurtel, assurait que les ouvriers de Joinville étaient payés moitié plus chers que leurs homologues de province, et 25% de plus que ceux de Saint-Denis, ce que contestèrent les ouvriers de Joinville, arguant d’une plus forte productivité.
Les grévistes, soutenus par d’autres salariés de l’entreprise, organisèrent des manifestations dans les rues de Joinville. Ils obtinrent le soutien des municipalités de Saint-Maurice et Joinville, mais aussi du conseil municipal de Paris et de plusieurs organes de presse, comme les quotidiens La Lanterne, Le Radical, Le Parti ouvrier ou de l’hebdomadaire local Voix des communes.

Xavier Chatel, mentionné comme secrétaire de la section syndicale début novembre, publia une cinquantaine d’appels à la solidarité dans Le Parti ouvrier et obtint un soutien actif de l’Union syndicale. Il était, avec le soutien des militants locaux du Parti ouvrier socialiste révolutionnaire, un des organisateurs d’une réunion qui se tint en mairie de Joinville le 3 décembre 1894. L’objet principal de la réunion était le soutien aux grévistes, pour lesquels une collecte était réalisée. Mais l’ordre du jour adopté élargit la question : « Les citoyens réunis (…) acclament en outre le principe de la grève générale, qui apparaît comme le seul moyen de substituer à la société pourrie, au milieu de laquelle nous vivons, un état social où chaque individu, produisant suivant ses aptitudes et ses forces, satisfera librement à tous ses besoins ». Transmettant le compte-rendu de la réunion à Voix des communes, Xavier Chatel commenta : « Depuis 7 semaines, nous luttons contre le capitalisme éhonté pour revendiquer notre droit et celui de nos enfants, car, tout en travaillant, nous ne voulons pas mourir de faim. C’est justice ». Il conclut son courrier en envoyant ses « sentiments de militant », « au nom de la solidarité et de l’émancipation des travailleurs. »

Après 52 jours de grève, le 15 décembre, la direction accepta que la diminution soit limitée à 11%. Le travail reprit le lendemain et Xavier Chatel en fit l’annonce.
Le 8 février 1895, une violente explosion se produisit dans l’usine, tuant le concierge, sa femme, son enfant, le comptable et un charretier. Pendant l’arrêt de l’usine, les ouvriers furent placés en chômage. Chatel et Hilaire Prieur, le trésorier de la section syndicale, représentèrent les ouvriers de l’usine auprès des pouvoirs publics pour obtenir des secours.
Ne résidant plus à Saint-Maurice en 1901, Xavier Chatel était contremaître à la société métallurgique de La Bonneville (La Bonneville-sur-Iton, Eure) en 1906. Il l’était toujours en 1911, étant alors âgé de 57 ans.
La date de décès de Joseph Xavier Chatel n’est pas connue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218770, notice CHATEL Xavier par Benoit Willot, version mise en ligne le 30 août 2019, dernière modification le 8 septembre 2021.

Par Benoit Willot

SOURCES : Arch. Dép. Moselle (état civil). — Arch. mun. Saint-Denis (état civil). — Arch. Dép. Val-de-Marne (état civil, recensements). — Arch. Dép. Eure (recensements). — Bulletin des lois 1872 (N137). — La Lanterne, quotidien, 15 août 1894. — Le Parti ouvrier, quotidien, 1894-1895. — Voix des communes, hebdomadaire, 1894-1895.

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