VIDEPIED Eugène [VIDEPIED Charles, Eugène]

Par Benoit Willot

Né le 16 septembre 1834 à Paris, mort le 4 avril 1900 à Paris (VIIe arr.) ; ouvrier lunetier ; coopérateur ; militant radical-socialiste à Joinville-le-Pont (Seine, Val-de-Marne).

Eugène Videpied était le fils de Marie, Magdeleine, Jeanne Vigneron et de son époux Louis, Claude Videpied, chaudronnier. Il vécut dans une famille républicaine : son père fut inculpé devant une commission militaire après l’insurrection ouvrière de juin 1848 ; sa tante paternelle, Marie-Thérèse Cellier, était actionnaire de de la Société du 15 juin 1840 « pour la propagation et pour la réalisation de la théorie de Fourier ».

S’il était sans doute trop jeune pour prendre part aux activités révolutionnaires en 1848, Eugène Videpied se lia avec des acteurs du mouvement ouvrier social et politique. Devenu lunetier, il rejoignit une coopérative fondée en 1849, la Société des lunetiers (ancêtre d’Essilor). En janvier 1864, il devint, suite à la démission d’Henri Béry, un des trois gérants, au côté de Simon-François Delabre et d’Onésime Nicolas Muneaux. Les héritiers de l’Association fraternelle des ouvriers lunetiers étaient nourris par les écrits de Saint-Simon, Fourier, de Proudhon, et surtout ceux du journal l’Atelier. Il continua à exercer cette fonction jusqu’après 1881. Suivant l’usage, la coopérative qui comptait en 1864 24 coopérateurs, prit le nom de Société industrielle et commerciale des ouvriers lunettiers Delabre, Muneaux, Videpied et Cie. Au fur et à mesure des changements de gérants, elle devint Muneaux, Videpied, Trumet ; Muneaux, Videpied, Delafond ; Muneaux, Videpied, Okermans et enfin en 1881 Videpied, Okermans, Poircuitte.

Agathe Maillot, lingère, avait épousé Eugène Videpied en mars 1861 à Paris (IIIe arr.). Ils résidaient rue Caffarelli.
Dès la fin de l’empire, Videpied prit des positions publiques. Avec 26 autres membres de la Société des lunetiers, il participa pendant le siège de Paris en octobre 1870 à une souscription « destinée à offrir une batterie de canons à la République. »
Courant octobre 1873, environ 150 entrepreneurs du IIIe arrondissement de Paris signèrent une déclaration communiquée aux députés de la Seine dans laquelle ils se disaient « Profondément inquiétés et troublés dans nos affaires et dans notre travail par les intrigues incessantes des agitateurs politiques qui se proposent de restaurer la monarchie, profondément convaincus que cette restauration amènerait de nouvelles et effroyables révolutions et désireux d’épargner à la France les malheurs qui en seraient la conséquence, nous protestons énergiquement centre toute tentative de restauration monarchique ; nous affirmons notre dévouement à la République, dont le maintien peut seul assurer au pays le repos et la sécurité. Nous espérons que nos députés, les députés de la Seine, d’accord avec M. Thiers, l’homme d’État illustre qui a donné tant de gages de clairvoyance, de dévouement et de patriotisme, sauront conjurer, les malheurs que nous redoutons, et feront sortir la République plus vivante et plus robuste de l’épreuve qu’elle traverse. »
Parmi les signataires on comptait, outre Videpied, Delafond, autre gérant de la Société des lunetiers et Jules Ferdinand Baulard, fabricant de glaces, futur conseiller municipal de Joinville-le-Pont, conseiller général de Charenton-le-Pont et député de la Seine (radical-socialiste).

Comme tous les coopérateurs de la Société des lunetiers, Videpied acquit une certaine aisance, qui le conduisit à devenir propriétaire de la villa Palissy, sur la rive gauche de Joinville-le-Pont (Seine, Val-de-Marne), sans doute vers 1882 ou 1883, après la fin de son mandat de gérant. D’autres Joinvillais furent liés à la Société des lunetiers, notamment François Blaize (1824-1900), fondateur de la coopérative, conseiller municipal de Joinville (1878-1896) et Pierre Jules Tireau (1827-1900), militant radical-socialiste et libre-penseur à Joinville.
C’était à Joinville que Videpied mena dorénavant une activité politique, même s’il ne semble y résider qu’une partie de l’année d’abord allée des Ormes (actuelle rue Charles Floquet) puis quai Moisson (actuel quai Gabriel Péri), toujours dans le quartier de Palissy.

En juillet 1885, le comité électoral de Joinville-le-Pont élut quatre délégués : trois conseillers municipaux (Alphonse Demeestère, président, Baulard et Fénelon Delobel) ainsi que Videpied. Le 11 septembre, ce comité décida d’adhérer au programme du comité départemental radical-socialiste de la Seine. C’était sans doute la première affiliation officielle d’un groupement communal à une instance politique.
Au cours d’une réunion tenue début décembre 1885 chez Demeestère, 19 personnes créèrent, en vue des élections législatives complémentaires 13 et 27 décembre, une commission chargée élaborer un projet de statuts pour un comité de la Ligue républicaine de Joinville. Videpied fut désigné comme président, Baulard, vice-président, Demeestère, secrétaire ; les autres membres étaient Honoré Jullien, Eugin Thime et Louis Vaudey. Le projet ne semble pas avoir eu de suite.

Lors de la préparation des élections municipales de mai 1888 à Joinville, Videpied joua un rôle actif. Avec son collègue de la Société des lunetiers, Tireau, Vaudey et le journaliste Henry Vaudémont, ils constituèrent un comité d’initiative qui convia les électeurs à demander compte aux conseillers sortants de la façon dont ils avaient rempli leur mandat. Une réunion publique fut convoquée le 11 avril, mais seuls quatre des conseillers municipaux sortants acceptèrent d’y participer, devant environ 250 électeurs ; Videpied présidait la réunion, à laquelle se sont associés – outre les radicaux-socialistes – quelques personnes plus à gauche, comme le socialiste-révolutionnaire Gustave Charton. Un comité fut élu pour présenter des candidatures pour les prochaines élections, et Videpied était un des dix membres. Ce comité se réunit, toujours sous la présidence de Videpied, et décida de combattre la majorité des conseillers sortants. Le 2 mai, en présence de 300 électeurs, il présenta le programme et la liste du comité électoral républicain radical-socialiste s’opposa le 5 mai à celle du maire sortant, le républicain modéré Gabriel Pinson ; elle était conduite par Demeestère et Videpied y figurait en septième position. Contrairement à Blaize, présent sur la liste Pinson, Videpied ne fut pas élu. Les radicaux-socialistes n’obtinrent que trois sièges sur 23 (Diot, Demeestère et Vaudey).

À l’occasion d’une élection législative partielle le 27 janvier 1889, les groupements républicains décidèrent d’opposer la candidature d’Édouard Jacques, président du conseiller général, à celle du général Boulanger. Videpied était avec Boguet, Thiébault et Leroux l’un des organisateurs d’une réunion publique le 26 janvier à Joinville, qui adopta un ordre du jour d’« amour de la liberté et haine du césarisme ». Il participa également à une souscription publique en faveur de Jacques. Boulanger emporta l’élection avec 56,3% des suffrages exprimés dans l’ensemble du département de la Seine, tandis que Jacques en recueillit 37,5%. Il fait un score meilleur à Joinville, avec 46,1%.
Le contexte politique local évolua, avec le remplacement en juillet 1888 de Gabriel Pinson, décédé, par Eugène Voisin, qui se rapprocha des radicaux, lesquels firent élire trois des leurs lors d’un scrutin partiel en mars 1890.

En mars 1889, un groupe de citoyen prit l’initiative de former un comité communal anti-plébiscitaire à Joinville comme il s’en était formé dans la plupart des communes de la Seine. Demeestère, Baulard, Vaudey, Aristide Camus, Vaudémont et Videpied en firent partie. Ils furent actifs pendant la campagne des élections législatives générales qui virent, pour la 2e circonscription de l’arrondissement de Sceaux (correspondant au canton de Charenton), la victoire de Jules Ferdinand Baulard, ancien conseiller municipal de Joinville et conseiller général du canton, sur le boulangiste Guillaume Silvy.
Lors d’une nouvelle réunion publique en novembre 1890, toujours organisée par Videpied avec Varin, Tireau et son fils, trois radicaux-socialistes furent de nouveau les seuls à rendre compte de leur mandat.
Dans le débat public, Videpied plaida pour le quartier de Palissy qu’il habitait, écrivant dans une lettre du 31 mai 1891 que « Passé le pont, là est l’avenir de Joinville ». Le destinataire du courrier, le journaliste Henry Vaudémont, théorisa lui aussi l’opposition entre l’ancien (sur la rive droite) et le nouveau Joinville.

Videpied fit campagne en 1893 pour la réélection de Baulard. Il présenta un ordre du jour de confiance à son égard lors d’une réunion publique à Joinville en octobre 1894. Sa dernière intervention publique connue fut la présidence, le 23 avril 1896, d’une réunion de compte-rendu de mandat préparatoire aux élections municipales de mai. Il était entouré d’Allard, Guichard et Baudon.
Eugène Videpied était domicilié 65, boulevard Beaumarchais à Paris.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article218847, notice VIDEPIED Eugène [VIDEPIED Charles, Eugène] par Benoit Willot, version mise en ligne le 3 septembre 2019, dernière modification le 4 octobre 2021.

Par Benoit Willot

SOURCES : Arch. Nat., Minutes et répertoires du notaire Jules Émile Delapalme, 10 juin 1863, cotes MC/ET/XCIII/759. — Arch. Dép. Paris (état civil). — Arch. Dép. Val-de-Marne (recensements). — Journal officiel, quotidien, 1869-1880. — Bulletin des lois 1875. — La Presse, quotidien, 6 mars 1861. — Le Constitutionnel, quotidien, 17 novembre 1866. — Le Siècle, quotidien, 22 octobre 1870. — XIXe siècle, quotidien, 19 octobre 1873. — Le Temps, quotidien, 1873-1883. — Le Rappel, quotidien, 12 août 1880. — Le Radical, quotidien, 1885-1888. — La Justice, quotidien, 1885. — L’Intransigeant, quotidien, 18 septembre 1885. — La Lanterne, quotidien, 1889. — Voix des communes, hebdomadaire, 1885-1896. — Bulletin de la Cour impériale de Paris, 1865. — L’Exposition photographiée, 1867. — La Propagation industrielle, 1868. — Almanach de la Coopération, 1870. — Almanach des fabricants de Paris, 1873. — Archives commerciales, 1876. — Journal des sociétés, 1880-1881. — Le Panthéon de l’industrie, 1er février 1885. — Gazette des tribunaux, hebdomadaire, 14 février 1864. — Giorgio B., Répertoire des poinçons, Répertoire des orfèvres français. — Bulletin officiel de l’Union vélocipédique de France, 1er février 1895. — Revue mensuelle du Touring-club de France, 15 novembre 1897.

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