DE LA FOURNIÈRE Michel

Par Frédéric Cépède

Né le 6 janvier 1933 à Paris, mort le 4 septembre 1988 à Orléans (Loiret) ; professeur ; responsable national de la JEC (1953-1954) ; président de l’UNEF (1956) ; militant du PSU du Loiret ; secrétaire national du PS chargé des Droits de l’Homme (1981-1983) ; conseiller général du canton Orléans-Saint-Marc-Argonne (1982-1988).

Michel de la Fournière perdit sont père mort à la guerre en 1940. Après des études au lycée Buffon et Louis Le Grand, puis à la Sorbonne, il suivit les cours de Charles-André Julien, obtenant en 1953 un certificat d’histoire de la colonisation, ce qui influe grandement sur le choix du sujet de son diplôme d’études supérieures soutenu en juin 1955 : « Le problème de la main-d’œuvre à la Guadeloupe de 1848 à 1870 ». Il fut reçu à l’agrégation d’histoire en 1959.
Son engagement militant conduisit très tôt de la Fournière à exercer des responsabilités au sein de la JEC (Jeunesse étudiante chrétienne) dont il fut responsable national en 1953-1954, et du monde enseignant (SNES). Un autre militant de la JEC, Robert Chapuis*, né lui aussi en 1933 résumait dans son autobiographie (Si Rocard avait su..., L’harmattan, 2007) l’état d’esprit de ces jeunes militants chrétiens à l’orée des années 1950 : « Je découvrais avec eux Les Cahiers de la Quinzaine, les chrétiens progressistes, les prêtres ouvriers : j’écoute, j’approuve Michel de la Fournière, Henri Leclerc* et bien d’autres qui prennent parfois des chemins divergents mais sont tous nourris par la volonté de mettre en accord leur action et leur foi, autour de valeurs chrétiennes, qui étaient autant de valeurs humaines à promouvoir ».
Michel de la Fournière a plus particulièrement en charge les « cadets » de la JEC (jeunes de 11 à 14 ans), d’abord comme responsable des publications aux côtés d’Yves Beccaria, puis comme responsable national en 1953-1954. Comme étudiant, il participe aussi à la JEC universitaire et écrit régulièrement dans ses publications. Il fut jusqu’en 1953 rédacteur en chef du Bulletin intérieur du mouvement.
Étudiant, il fut membre du bureau de la Fédération des groupes d’étude de lettres (FGEL, L’UNEF en Sorbonne), vice-président (en 1954-1955) et président en 1955-1956. Il participa ainsi à la montée de la tendance encore minoritaire qui voulait faire de l’UNEF un syndicat à part entière (voir bibliographie). Il fut engagé dans les luttes anticolonialistes qui influenceront le débat au sein du mouvement étudiant. La création de l’UGEMA (Union générale des étudiants musulmans d’Algérie, nationaliste) en juillet 1955, avec le soutien d’une partie de l’UNEF, créa une fracture au sein de l’organisation étudiante. Désormais, s’opposaient une tendance jusque-là « majoritaire », souhaitant maintenir l’apolitisme apparent, et une minorité, active et en progression, emmenée notamment par François Borella* et Michel de la Fournière, qui voulait garder le contact avec l’UGEMA et s’engager contre la guerre d’Algérie et la torture. Artisan de la victoire définitive des « minoritaires » à l’UNEF, il en fut le premier président en 1956-1957, soutenant la Conférence nationale étudiante pour la solution du problème algérien (juillet 1956) entre étudiants français et algériens, avec Robert Chapuis, François Borella, Olivier Burgelin, Jacques Julliard. Il était dès cette époque en contact régulier avec les minoritaires de la SFIO, Alain Savary, Édouard Depreux, Robert Verdier, et avec la minorité Reconstruction de la CFTC. Il reviendra sur cette période particulièrement active dans une communication au colloque organisé en 1988 par l’Institut d’histoire du temps présent, La Guerre d’Algérie et les Français (Fayard, 1990), jugeant qu’« entre la génération de la Résistance et celle des soixante-huitards, celle de l’UNEF des années cinquante constitue une référence sans laquelle une partie de notre histoire récente resterait mal expliquée ». Au printemps 1958, Michel de la Fournière quitta le militantisme syndical étudiant. Il adhéra au PSU dès sa fondation en 1960 (ou un an plus tard, en 1961 selon d’autres sources) où il travailla avec Michel Rocard. Il fut candidat PSU aux législatives de 1968, aux cantonales de 1970 (Orléans-Sud) et aux municipales de 1971 à Orléans.
De la Fournière enseigna d’abord au Mans, puis durant quatre ans à Rabat au Maroc, avec son épouse Thérèse. En 1965, sur sa demande, il fut nommé professeur à l’école normale d’instituteurs d’Orléans où il enseigna jusqu’en 1981. Il adhéra au Syndicat nationale des professeurs d’école normale (FEN), s’investit dans la vie politique locale et anima la fédération de Loiret du PSU. Avec Antoine Prost, ancien président de la fédération française des étudiants catholiques (FFEC) rencontré qui habitait à Orléans, et qui enseignait alors comme assistant à l’université de la Source la Sorbonne, il créa le Groupe d’études municipales de l’agglomération orléanaise, qui se rattacha aux Groupes d’action municipale (GAM). Ce groupe réfléchit aux questions d’environnement et de cadre de vie et entreprit de publier en 1969 un bulletin, qui s’appuyait sur un journal Orléans Tribune qui devint La Tribune d’Orléans. De La Fournière en fut l’un des principaux rédacteurs ; il y tenait une chronique régulière sous le pseudonyme de Simon Guépin. Avec cinq numéros par an, traitant chaque fois de façon documentée un dossier local, ce journal qui accompagna ses luttes politiques, du PSU au PS et parut jusqu’en 1983, date de son entrée, avec Jean-Pierre Sueur, au conseil municipal d’Orléans. Mais depuis 1981 la politique nationale l’occupait davantage que les problèmes locaux. Il fut candidat du PSU aux législatives de 1968, aux cantonales de 1970 (Orléans-Sud) et aux municipales de 1971 à Orléans.
Michel de la Fournière fut candidat du PSU aux législatives de 1968, aux cantonales de 1970 (Orléans-Sud) et aux municipales de 1971 à Orléans. Il rejoignit le Parti socialiste en 1974, à l’issue des Assises du socialisme. Il devint membre du comité directeur en 1975-1978. La victoire de François Mitterrand aurait pu l’amener à jouer un rôle politique important. Mais les héritiers de la vieille SFIO barrèrent la route de cet ancien PSU et, à la surprise générale, il ne fut pas désigné comme candidat aux élections et ne devint donc pas député. Il En mai 1981, il entra alors au cabinet de Jean-Pierre Cot, ministre de la Coopération comme conseiller technique. Après le départ de Jean-Pierre Cot il fut chargé de mission auprès du ministre de l’agriculture (1982-1983).
Après le congrès de Valence de septembre 1981, où le courant rocardien rejoignit le courant majoritaire autour de François Mitterrand, il assura les fonctions de secrétaire national du PS chargé des Droits de l’Homme. Membre du secrétariat national, il avait la charge, avec Robert Chapuis, de coordonner le courant rocardien. Comme l’écrit Robert Chapuis (op. cit.), « nous nous réunissions chez nos amis ministres ou au secrétariat personnel de Michel Rocard, 266 boulevard Saint-Germain à mi-chemin entre l’Assemblée et le nouveau siège du Parti, rue de Solférino : nous préparions les réunions de bureau, mais aussi les réunions nationales que nous tenions en cours d’année et surtout dans des sessions d’été. »
Au congrès de Bourg-en-Bresse, il garda les mêmes fonctions au sein du Parti socialiste
Élu conseiller général du Canton Orléans Saint Marc-Argonne en 1982, il siégea au conseil municipal d’Orléans à partir de 1983. En 1984, il fut nommé conseiller culturel, directeur de la coopération à Alger. Il y retrouva de nombreux amis de l’UGEMA qui jouaient désormais un rôle dirigeant en Algérie. Il organisa les bases de la coopération culturelle et favorisa le développement de l’enseignement algérien jusqu’en 1986 où il fut nommé par François Mitterrand ambassadeur de France en Haïti. La dictature des Duvalier venait de s’achever. Michel de la Fournière soutint le projet de relance de l’agriculture et facilita l’implantation des ONG sur ce territoire difficile dont il apprécia l’originalité et la capacité créatrice. Touché par une lourde maladie, il fut rapatrié en France. Hospitalisé au Val de Grâce, il était emporté en quelques semaines et mourut à Orléans le 4 septembre 1988.
Exigeant avec les autres comme il l’était avec lui-même, Michel de la Fournière n’a pas exercé les responsabilités majeures auxquelles l’avaient préparé son fort caractère et ses actions militantes. Il reste le symbole de cette génération de jeunes chrétiens qui se sont formés politiquement dans les luttes étudiantes et qui ont toujours voulu relier leur engagement socialiste à une défense intransigeante des droits de l’Homme.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21905, notice DE LA FOURNIÈRE Michel par Frédéric Cépède, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 8 novembre 2021.

Par Frédéric Cépède

ŒUVRE : Le syndicalisme étudiant, avec François Borella, Le Seuil, 1957. — Citoyens dans sa commune, propositions municipales, en collaboration avec Jean-Pierre Worms, Flammarion, 1976. — Construisons Orléans, avec Michèle Saint Rémy, Presses du Val de Loire, 1977. — Avec Jean-Marie Flonneau, Un jour, la communale, édité par l’association amicale des anciens élèves de l’École normale d’Orléans. — Le Parti socialiste et les droits de l’homme, Parti socialiste, 1982. — Écrits, édité par l’association « actualité de Michel de la Fournière », Orléans, 1991, 223 p.

SOURCES : Les archives de Michel de la Fournière ont été déposées à l’OURS en 2007. Elles concernent tous les aspects de ses engagements. À signaler : Jeunesse ouvrière chrétienne (JEC) 1949-1954 ; UNEF, 1949-1980 ; Le PSU et le PS (question des droits de l’Homme, au plan national et dans le Loiret, dossiers importants sur la vie politique locale) mais aussi le courant Michel Rocard ; dossiers documentaires Mai 1968. — Notes d’Antoine Prost, de Robert Chapuis et d’Alain Monchablon.

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