GANTOU Raymond, François, Louis, Joseph

Par Henri Moizet

Né le 28 avril 1924 à Saint-Affrique (Aveyron), exécuté par fusillade le 13 août 1944 à Saint-Affrique ; militant des Jeunesses communistes, résistant (FTPF)

Célibataire, Raymond vivait avec sa famille au 12 de la rue général de Castelnau. Il était le fils de François Gantou charcutier, petit propriétaire terrien, et d’Augustine Douarche sans profession. Dans une fratrie de 4 enfants, il était le cadet de trois sœurs Fernande, Marie-Jeanne et Georgette. Travaillant avec ses parents, il se destinait à pérenniser le commerce familial.
En parfaite harmonie avec les orientations politiques familiales, Raymond militait dans les Jeunesses communistes saint-affricaines en compagnie de son ami Jean Martin ainsi que des 3 frères Girbal Paul, Camille et Marcel (tué à la Pezade le 22 août 1944). Dans la continuité de son engagement, il participa logiquement aux actions des FUJP de la ville sous la conduite du commandant Charles alias Raymond Fournier de Belmont, responsable régional Tarn-Aveyron puis délégué aux maquis FTPF pour R4.
En 1944, réfractaire au STO, le jeune Raymond avait rejoint la Résistance armée et y assuma d’abord le rôle d’agent de liaison auprès du maquis de Martrin, la 4213e compagnie FTPF, puis pour le petit maquis FTPF de Saint-Affrique, constitué plus tardivement en juillet 1944. Celui-ci, appelé maquis Caillou du nom de son fondateur, un adjudant, constituait la 4218e compagnie et aurait regroupé une soixantaine de membres. Il se situait sur les avants-causses, non loin de Saint-Affrique, aux Carabassols, près des fermes de Bages, de Nougayrolles et de La Rouquette (nommé maquis Guy Môquet ou encore maqus du Roc Blanc par Raymond Fournier, alias « Charles »). Le 12 août, une colonne allemande, composée d’éléments de la 11e division blindée d’Albi, pénétrait en Aveyron par Saint-Sernin. Colonne de répression pour les uns, colonne en mouvement vers la vallée du Rhône pour d’autres, elle subit une attaque du maquis Paul Clé lors d’une embuscade tendue à proximité du pont de Rayssac non loin du village de Moulin-Neuf lui causant des pertes matérielles et deux morts. Au lieu-dit pont de Mazel, un paysan avait été grièvement blessé par cette colonne. Poursuivant sa route, elle s’arrêta dans Saint-Affrique où elle se serait livrée à des vols et quelques réquisitions de véhicules mais elle envisagea surtout des représailles.
Le 13 août, dans Saint-Affrique, la colonne organisa la recherche de ‘’terroristes’’. Plusieurs hommes pris au hasard furent interpellés et brutalement interrogés. Parmi eux, Georges Blanc, employé des PTT, a fourni des renseignements sur le jeune Gantou qui, blessé lors d’un accident à moto et ayant le bras droit soutenu par une forte attelle, se trouvait dans sa famille. En effet, malgré la recommandation expresse de son ami Jean Martin, responsable des Jeunesses communistes, de quitter la ville, Raymond était resté chez lui. Ce fut donc en présence des parents que se déroula son arrestation, rue de Castelnau. Ce non-respect de la consigne de sécurité, sur lequel les avis divergent, lui a sans doute coûté la vie (témoignage de Jean Martin, op. cit.)
Nous disposons du récit d’un témoin direct, Jean Midrouillet, neveu de la victime et fils de Fernande :
« J’avais 15 ans à l’époque et j’ai été ce jour-là, 13 août 1944, le témoin oculaire de cette arrestation dans la maison de mon grand-père à Saint-Affrique. A 8 heures du matin, les soldats nazis, casqués et armés, entraient en force dans la maison : mon grand-père, François Gantou, tenta de s’interposer et de se livrer à la place de son fils. Mais le colonel allemand, parfaitement « korrect » au demeurant, répondit dans un français irréprochable « qu’ils recherchaient Raymond Gantou lequel aurait dû se présenter au STO, mais que, parole d’officier allemand, il ne lui serait fait aucun mal ; il serait seulement envoyé en Allemagne. Entre temps, ma jeune sœur, Claudie, 14 ans, et ma tante, Georgette Gantou, 22 ans, avaient eu la présence d’esprit de faire disparaître derrière le mur de la cour les révolvers, cartouches et grenades qui étaient encore dissimulés dans la chambre de Raymond. Les Allemands emmenèrent mon jeune oncle dans le command car qui attendait dans la rue. Tout se passa sans brutalité (…) » (témoignage écrit transmis à Henri Moizet, 4 novembre 2011) .
Torturé sauvagement toute la matinée dans une petite maisonnette de garde-barrière à proximité du tour de ville, Raymond se tut, ne livrant aucun nom ou emplacement de maquis. Mme Marie Massol (engagée dans la Résistance locale) fut témoin de la sortie de Raymond, encadré et trainé par des soldats allemands, montant en direction du Roc-Blanc, quartier de La Vernière. Vers 12 h. alors que sonnaient les cloches pour l’Angelus dominical, furent distinctement entendus, dans la ville en contre-bas, les coups de feu mortels provenant de la colline toute proche. Certains témoignages indiquent une heure légèrement plus tardive, en début de l’après-midi. L’enregistrement du décès, le lendemain en mairie, n’indiqua aucune heure. Les obsèques se déroulèrent devant une immense foule et parmi les innombrables gerbes de fleurs, se distinguait une petite étoile rouge faite de roses portant en bandeau l’inscription Les Jeunesses communistes. A part quelques abstentions d’hésitants, presque toute la ville était à l’enterrement. Jean Martin, op. cit..
Cette mort d’un fils résistant s’ajouta aux autres souffrances subies par la famille Gantou. A Saint-Ouen, sa sœur Marie-Jeanne et son beau-frère, le docteur juif Jean Bauer, tous deux résistants communistes, furent arrêtés début mars 1942. Jean Bauer fut fusillé au Mont-Valérien le 23 mai et Marie-Jeanne fut déportée à Auschwitz en même temps que ses compagnes de lutte Danielle Casanova, Charlotte Delbo, Marie Politzer, Hélène Solomon-Langevin, Marie-Claude Vaillant-Couturier par le convoi du 24 janvier 1943 comprenant 230 femmes. Elle survécut, avec 48 autres seulement, malgré l’épuisement, les maladies et bien que grièvement blessée. Ce ne fut qu’à son retour qu’elle apprit la mort atroce de son frère (Delbo, op. cit.).
La mémoire collective saint-affricaine a, par ailleurs, intégré l’attitude du colonel autrichien Muntzer, le plus gradé de la place et responsable de l’hôpital militaire allemand installé dans le collège Saint-Gabriel, début mars 1944. Lors des événements précédents, il s’était opposé courageusement aux officiers SS du convoi qui envisageaient des représailles sur des otages. Hostile au nazisme, il manifesta en diverses circonstances une réelle compréhension vis-à-vis de la Résistance locale, signant même un accord de non-agression avec le maquis Paul Clé. A la Libération, il bénéficia d’un statut de prisonnier sur l’honneur et fut respecté par la population.
Une rue avec plaque, près du lieu de torture, indique « Raymond Gantou, résistant fusillé par les nazis- 13 août 1944 ».
Sur le lieu d’exécution, appelé l’enclos, dès le 26 novembre 1944, a été sommairement aménagé un petit espace avec une stèle. Le site fut plus tard transformé et enrichi d’une plaque de granit avec un court extrait d’un poème de Louis Aragon. Cet aménagement donna lieu à une inauguration officielle le 8 mai 1973. Des panneaux directionnels permettent d’y accéder facilement. Chaque année le 13 août, sous l’égide de la municipalité, s’y déroule une cérémonie commémorative.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article219167, notice GANTOU Raymond, François, Louis, Joseph par Henri Moizet, version mise en ligne le 25 septembre 2019, dernière modification le 12 avril 2022.

Par Henri Moizet

SOURCES : Charlotte Delbo, Le convoi du 24 janvier, Editions de Minuit, 1965. — Christian Font et Henri Moizet, Construire l’histoire de la Résistance, Aveyron 1944, CRDP Midi-Pyrénées, Toulouse, 1997. — Raymond Fournier, Terre de combat, récits sur le Résistance, Millau, 1973. — Jean Martin, responsable des Jeunesses communistes de Saint-Affrique et futur maire PC d’Aubin, Mémoire (n.d) — Mémorial du Rouergue en Résistance par l’ONACVG- Commission départementale de l’information historique pour la Paix, Rodez, 1991

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