DELASALLE Alida [née CHARBONNIER Alida, Augustine, Victorine, épouse DELASALLE, puis épouse VASSELIN]

Par Lynda Khayat

Née le 23 juillet 1907 à Fécamp (Seine-Inférieure, Seine-Maritime), morte le 28 avril 1990 au Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne) ; couturière à domicile ; résistante communiste fécampoise, agent de liaison du Front national.

Fille d’Auguste, Victor Charbonnier, maçon, et de Marie, Augustine, Ernestine Malandain, s’occupant des soins du ménage, Alida Delasalle grandit à Fécamp, rue du Sépulcre et fréquenta l’école communale Paul-Bert jusqu’au certificat d’études, puis elle apprit la couture. Le 6 octobre 1928, elle se maria à Fécamp avec Robert Delasalle*, ouvrier boulanger. Dans le contexte du Front populaire, elle adhéra avec son mari au Parti communiste français, en 1936. Confectionneuse, membre du bureau de la cellule de l’habillement, militante du syndicat local de cette profession affilié à la CGT, elle fut licenciée le 30 novembre 1938, avec cinq autres de ses camarades, des Établissements Couturier, à la suite de la grève qu’ils tentèrent de déclencher. Ils reçurent une lettre, dans laquelle était indiqué le motif du renvoi : abandon du poste de travail sans autorisation et rupture unilatérale du contrat d’embauche. Elle trouva ensuite à être employée, comme couturière à domicile, par une corsetière établie rue Alexandre Legros à Fécamp.
Aussitôt après l’interdiction de la section fécampoise du PCF en septembre 1939, tentant avec ses camarades d’en réorganiser l’activité, elle fut inquiétée par la police : des perquisitions demeurées infructueuses furent opérées à son domicile, 13 passage Sautreuil, par les services du commissariat de Fécamp, à la recherche de matériel de propagande du Parti communiste français devenu illégal. En septembre 1940 et en août 1941 notamment, elle participa à des distributions de tracts en ville.
Les internements administratifs opérés en octobre 1941 parmi les communistes fécampois ne mirent pas un terme à son activité. Elle organisait des réunions clandestines à son domicile, la liaison avec les différents responsables locaux et départementaux et le ravitaillement des illégaux et des réfractaires. Elle demeurait en contact avec Suzanne Roze* née Clément, militante communiste fécampoise recherchée, passée dans la clandestinité, devenue membre de la direction régionale du Parti communiste illégal et ce par l’intermédiaire de Madeleine Dissoubray qui effectuait les liaisons, transmettait les directives, participait au recrutement, logeant à son domicile quand elle était en mission à Fécamp. C’est sous son impulsion et celle de son mari, tous les deux responsables du secteur de Fécamp du Front national de lutte pour l’indépendance de la France, que continuèrent le recrutement, la diffusion de tracts anti-allemands et la collecte de provisions et d’argent pour constituer des colis en faveur des militants incarcérés, notamment d’Edmond Dehays* emprisonné, pour venir également en aide à leur famille.
Alida Delasalle et son mari furent pris au piège en février 1942 par les services des brigades spéciales des Renseignements généraux de la préfecture de police de Paris dans une affaire qui atteignit des cadres importants de l’appareil central du Parti communiste clandestin, « l’Affaire Pican ». La perquisition opérée immédiatement après leur arrestation le 21 février 1942 à Fécamp ne permit pas de trouver le matériel clandestin qui avait été dissimulé. Cependant fut découverte une lettre de Germaine Piveteau, militante en fuite, vivant dans l’illégalité, secrétaire avant la guerre de la section fécampoise du PCF, qui établissait les liens entre elle et Alida Delasalle, bien que la missive ait été envoyée à l’adresse d’Émilienne Clément, mère de Suzanne Roze, qui leur servait de « boîte aux lettres », pour éviter que cette liaison ne soit mise à jour. Alida Delasalle nia néanmoins toute activité clandestine et fut amenée ainsi que son mari au commissariat de police de Fécamp. Dans la nuit, ils furent transférés à Rouen par les services de police, au siège de la brigade mobile, pour interrogatoires et confrontations. Elle refusa de reconnaître alors avoir été en contact avec Suzanne Roze, nia avoir hébergé Madeleine Dissoubray lors de ses séjours à Fécamp et refusa de signer son procès-verbal d’interrogatoire.
Le 24 février 1942, elle, son mari et ses camarades arrêtés dans la même affaire furent transférés par train à Paris, escortés par la gendarmerie de Rouen et conduits au dépôt de la préfecture de police, consignés à la disposition des autorités d’occupation. Le 8 mars, Alida Delasalle fut amenée à l’infirmerie de la prison de la Roquette pour y être soignée ; quatre jours après, le médecin signa sa feuille de sortie ; néanmoins, elle dut attendre plus d’un mois pour être réintégrée au dépôt et demanda alors de pouvoir correspondre avec son mari, qui s’y trouvait toujours. Le 30 avril, elle fut amenée au quartier allemand de la prison de la Santé, pour être à nouveau interrogée, cette fois par la police d’occupation, tandis que Robert Delasalle avait été conduit à la prison du Cherche-Midi. Elle fut transférée le 24 août au fort de Romainville, rejointe le même jour par son mari, qui en fut extrait au matin du 21 septembre 1942 pour être fusillé par les Allemands au Mont-Valérien à Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine). Le 23 janvier 1943, elle quitta en camion le fort de Romainville, avec plus de 200 autres femmes, pour le camp de Compiègne. Elle fut déportée par le convoi du 24 janvier aux côtés de Germaine Pican et de Charlotte Delbo et arriva au camp d’Auschwitz le 26 au soir ; on ne les fit descendre des wagons que le lendemain matin. Elle et ses camarades entrèrent dans le camp en chantant La Marseillaise. Matricule 31 659, elle alla cinq fois au revier. Le 21 mars, elle fut envoyée au Stabsgebäude, pour travailler comme couturière, avec Marlou Colombain. Elle entra en quarantaine avec les autres le 3 août 1943. Alida Delasalle fut transférée, le 30 juillet 1944, au camp de Ravensbrück et affectée au travail dans différents kommandos, avant d’être évacuée, le 1er mars 1945, sur le camp de Mauthausen (matricule 1 508), où elle participa à la résistance à l’intérieur du camp et devint l’une des responsables des « Groupes de défense contre l’extermination » ; elle y fut libérée le 22 avril suivant par l’avancée des troupes américaines et prise en charge par la Croix-Rouge internationale.
Rapatriée le 29 avril 1945 par la Suisse et le centre d’Annecy, elle arriva très affaiblie, le lendemain, à l’Hôtel Lutetia (Paris). Elle s’installa, quelque temps, rue du Niger (XIIe arr.), mais dut être hospitalisée en raison de la fragilité de son état de santé. Elle retourna ensuite vivre à Fécamp, d’abord rue du Sépulcre dans la maison de ses parents, puis à son ancien domicile, passage Sautreuil, devenu depuis novembre 1944 par décision du conseil municipal le passage Robert Delasalle, en hommage à son mari fusillé.
Figurant (en position non éligible) sur les listes du PCF aux élections municipales à Fécamp en mai 1945 et sur celles présentées pour les élections à l’Assemblée nationale constituante d’octobre 1945 et de juin 1946 (2e circonscription de la Seine-Inférieure), elle devint à partir d’octobre 1947 conseillère municipale. Elle s’établit en ménage et vécut maritalement avec Maximilien Vasselin, militant communiste, secrétaire adjoint de la CGT à Fécamp, avant la guerre ouvrier menuisier et membre du bureau de la cellule du bâtiment.
Alida Delasalle fut homologuée en juin 1950 au titre de la Résistance intérieure française, comme membre du Front national, au grade fictif de sergent en vue de la liquidation de ses droits. Titulaire du titre de déporté résistant en avril 1953, de la carte de combattant volontaire de la Résistance établie à Rouen en mai 1953 et de celle de combattant 1939-1945 délivrée par l’Office départemental de la Seine-Maritime en juillet 1953, elle était membre de la FNDIRP. La même année, elle s’installa, avec Maximilien Vasselin, rue Marcel Grosménil à Villejuif (Val-de-Marne). Ils se seraient occupés ensemble de la colonie de vacances de cette municipalité communiste, installée dans la région de Limoges. Alida Delasalle était titulaire d’une pension d’invalidité en raison des séquelles de sa déportation qui lui valurent maladies et opérations : névrite, surdité due aux otites dans les camps, rhumatisme, péricardite, poumons sclérosés... Elle se maria avec Maximilien Vasselin, le 11 mai 1977, à la mairie de Villejuif et prit le nom de Delasalle-Vasselin.
Le 8 mars 2007, à l’occasion de la journée internationale des femmes, le passage Robert Delasalle à Fécamp fut rebaptisé passage Robert et Alida Delasalle.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article21948, notice DELASALLE Alida [née CHARBONNIER Alida, Augustine, Victorine, épouse DELASALLE, puis épouse VASSELIN] par Lynda Khayat, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 21 janvier 2021.

Par Lynda Khayat

SOURCES : Arch. Nat., 20030505 art 7 dos. 276 Com. spécial de pol. de Fécamp ; F9/5578 Reg. d’écrou du fort de Rom. — Arch. Dép. Seine-Maritime, 51 W Cab 4/10-12 Répres. des menées com., 51 W Cab 4/20 dos. M. Dissoubray, 51 W Cab 4/30 bis Arrest. de militants com. — ONAC Seine-Maritime, dos. 17 910 Delasalle Alida — SHD BR dos. 16 P 120396 Charbonnier Alida, épouse Delasalle ; BVCC dos. 200315818 Delasalle née Charbonnier Alida. — Arch. PPo. BS 2 GB 98 aff. Pican, GB 129 aff. Cadras-Pican, reg. d’écrou de la PPo. — Arch. Com. Fécamp, 3 D 1 Adm. gén. de la com., corr. avec la ss-préf. du Havre ; 2 D 2 Mairie de Fcp, cop. de lettres ; Délib. du Cons. mun. (vol. 33) ; 1 K 3 Élect. mun. — Serv. de l’EC de Fcp. — L’Avenir normand, Hebdo. polit. et d’inform. Org. région. du PCF. — C. Delbo, Le convoi du 24 janvier, Paris, Les Edit. de Minuit, pp. 84-86 - Livre-mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, t. 1, FMD, Paris, Edit. Tirésias, p. 577-579. — Lynda Khayat, « L’engagement résistant des communistes fécampois », in Les Annales du Patrimoine de Fécamp, « 1939-1945 Fécamp, Saint-Pierre et Miquelon », n° 14, 2007, Assoc. Fécamp-Terre-Neuve, p. 26-35. — Alida Delasalle sur le site Internet "Mémoire vive des convois des 45 000 et 31 000 d’Auschwite-Birkenau".

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