BASTIAN Pierre, alias Barat

Par Michel Germain, Dominique Tantin

Né le 16 janvier 1907 à Bazoilles-sur-Meuse (Vosges), exécuté sommairement le 28 avril 1944 à Alex (Haute-Savoie) ; militaire de carrière ; résistant de l’Armée secrète (AS).

Pierre Bastian
Pierre Bastian
Crédit : MémorialGenWeb

Pierre Bastian était le fils de Eugène Alix Bastian et de son épouse Maria Julie Brenel. Il entra dans l’armée et on le retrouva adjudant-chef au 7è B.C.A. pendant la campagne 39-40.
Il fut ensuite affecté au 27è B.C.A. dans l’armée d’armistice, en juillet 1940. Démobilisé en novembre 1942, avec le grade d’aspirant, il entra aussitôt dans la Résistance (Armée Secrète), sous le commandement de Vallette d’Osia. Il fut arrêté par les Italiens en janvier 1943, incarcéré deux mois et relâché faute de preuves sur son appartenance à la Résistance.
Le 14 avril 1943, il fut nommé chef du secteur A.S. de Thônes, en remplacement du lieutenant Lamy. Jeune homme de belle prestance, il fut l’âme de la Résistance dans la région. « Il était venu à la demande des organismes locaux, écrivent en 1945 les anciens résistants de la vallée de Thônes, pour prendre la direction des maquis récemment organisés, après une période d’incertitude pendant que la clique de Vichy s’était dépensée pour jeter le trouble dans la Renaissance de la France. Il brisait ainsi les espoirs d’une carrière honorable pour prendre place parmi les hors-la-loi…Bientôt il fut l’homme populaire de la vallée et se sachant « mouillé », il ne prit pas plus de précautions, inspirant bien des craintes à ses amis… »
Il réussit à mettre des gendarmes « dans sa poche » et à prendre contact avec certains G.M.R. ce qui facilitait un peu son action. Il créa un corps franc, bien vite appelé le corps franc de Thônes, chargé de nombreux coups de main contre les forces françaises du Maintien de l’ordre et l’occupant. Ce sont des jeunes de ce corps franc qui exécutèrent le chef départemental de la Milice, Gaston Jacquemin, en novembre 1943 à Thônes.
Durant les Glières, Bastian fut chargé du ravitaillement et de la logistique extérieure du Plateau, sous le commandement de Tom Morel. Le 5 février 1944, les forces du colonel Lelong, intendant de police, dans le cadre de l’état de siège cernèrent Thônes et plusieurs jeunes furent appréhendés. Pierre Bastian et les autres poursuivirent le combat, continuant sans relâche à ravitailler les maquisards du Plateau. Le 9 mars, il monta sur le Plateau pour expliquer au lieutenant Tom Morel* le dispositif d’encerclement mis en place dans les vallées qu’il connaissait bien.
A la mort de Tom Morel, le 10 mars 1944, l’intérim du commandement du Plateau fut assuré par le lieutenant Jourdan, puis par Pierre Bastian, du 14 au 18 mars 1944, en attendant l’arrivée du capitaine Anjot. Ce dernier en fit son adjoint au P.C.
Lors du décrochage, le 27 mars, il essuya, avec 25 maquisards environ, dont le lieutenant Jourdan, une violente attaque des Allemands près du pont de Morette, à l’emplacement du cimetière actuel. Réussissant à passer, il fut arrêté le 30 mars, au lieu-dit Belchamp (le Cropt, commune de Thônes) et transféré au Villaret, puis emprisonné à la prison de la Gestapo, l’école Saint-François, à Annecy. Le révérend père Favre* également incarcéré en même temps que lui réussit à faire passer à l’extérieur des petits morceaux de papiers concernant le lieutenant. Le 4 avril, il disait : « Le plus à plaindre est le lieutenant Bastian… il a les pieds et les mains liés et le corps noir de coups… » Le 9 avril : « On a conduit le lieutenant Bastian à la milice d’où il est revenu à moitié mort. Il a perdu connaissance trois fois durant l’interrogatoire. On le laisse aux fers... » Le billet du lendemain nous apprend : « Le lieutenant Bastian est accusé par la Milice de l’assassinat de Jacquemin à Thônes. Et on ne lui enlèvera ses fers - pour le fusiller – que lorsqu’il aura avoué. Il ne mange presque plus et nous avons cessé de nous plaindre depuis qu’il est là. Votre Loulou ». Le 25 avril, il écrit : « Le lieutenant Bastian a été emmené vendredi soir pour être fusillé ».
Torturé, méconnaissable, sans avoir parlé, le lieutenant Pierre Bastian fut exécuté par les Allemands en compagnie de Jacques Lalande* (en réalité mort sous la torture milicienne) après une mise en scène macabre des nazis, le 28 avril 1944, à 21 heures 30, au bois des Ferrières, à Alex. (Fonds du Mémorial de l’oppression 3808 W 1360).
Enterré à Alex dans un premier temps, il fut ensuite inhumé dans la nécropole militaire nationale de Morette, tombe n°66. Il fut déclaré « Mort pour la France » et la transcription de jugement date de mai 1947. Il fut homologué FFI-DIR. Une stèle a été élevée au bord de la route pour rappeler le sacrifice et une tombe symbolique existe juste au-dessus à l’orée du bois. D’autre part, à Thônes, où le lieutenant Bastian est reconnu et régulièrement honoré, une place porte son nom. Son nom est inscrit sur des plaques et monuments à Albertville, Bazoilles-sur-Meuse et Neufchâteau.
Un ouvrage lui a été consacré, intitulé Le lieutenant Bastian, grand résistant des vallées de Thônes, dont l’auteur est Jean Bernard Challamel (Cahiers du Musée des Pays de Thônes).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article219483, notice BASTIAN Pierre, alias Barat par Michel Germain, Dominique Tantin , version mise en ligne le 13 octobre 2019, dernière modification le 13 octobre 2019.

Par Michel Germain, Dominique Tantin

Pierre Bastian
Pierre Bastian
Crédit : MémorialGenWeb

SOURCES : Michel Germain, Haute-Savoie Rebelle et martyre, Mémorial de la Seconde guerre mondiale en Haute-Savoie, La Fontaine de Siloé, 2009. — Mémoire des Hommes. — MémorialGenWeb. — Service historique de la Défense, Vincennes GR 16 P 37192 et Caen AVCC AC 21 P 703664 (à consulter).

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