Par Jacques Girault
Né le 17 juillet 1897 à Hantay (Nord), mort le 30 décembre 1967 à Fleury-Mérogis (Essonne) ; professeur adjoint ; militant syndicaliste (CGTU, SPET, SNET) ; militant communiste dans le Nord puis en Seine-et-Oise.
Fils d’instituteurs, Lucien Delattre entra à l’Ecole normale d’instituteurs de Douai (Nord) en 1913. Titulaire du brevet supérieur en 1915, il fut nommé instituteur au sanatorium de Zuydcoote, puis à Hazebrouck et à Merville qui subit d’importants bombardements en 1917. Évacué dans l’Allier, il enseigna à Chemilly de juin 1918 à janvier 1919.
De retour dans le Nord, instituteur à Gravelines (1919-1923), il se maria en janvier 1922 à Malo-les-Bains (Nord) avec une institutrice en poste à Gravelines. Elle était fille d’un instituteur, qui avait été normalien avec Edmond Labbé, directeur de l’Enseignement technique. Ils eurent une fille.
E. Labbé incita Lucien Delattre à entrer dans l’enseignement technique pour enseigner les lettres comme professeur adjoint à l’école pratique de commerce et d’industrie de garçons de Dunkerque (Nord) à partir d’octobre 1923. Il obtint le poste d’enseignant d’Histoire-Géographie et de Français en classe de préparation aux Arts et Métiers à partir de 1925. Son enseignement utilisait les photographies et il s’occupait de la bibliothèque.
Secrétaire du syndicat de la Fédération unitaire de l’Enseignement de Dunkerque et de ses environs, actif dans les actions revendicatives des enseignants et des fonctionnaires, membre de l’Union régionale CGTU, en juillet 1934, il fut menacé de déplacement d’office. Plusieurs syndicats départementaux protestèrent. Le député socialiste Georges Monnet intervint auprès du ministère et la menace ne reçut pas de suite. Après l’unité syndicale, il devint le secrétaire de la section locale du Syndicat de l’enseignement technique et fut délégué pour la section À au congrès de la première région du SET en 1936.
Delattre adhéra au Parti communiste en 1923. Il animait un groupe d’intellectuels communistes à Dunkerque puis quitta le Parti. Il assurait le secrétariat de la section de Dunkerque des Amis de l’URSS et participa à la délégation en URSS à l’occasion du Premier mai 1934. Il était aussi secrétaire du groupement local du Comité mondial de lutte contre la guerre et le fascisme (Amsterdam-Pleyel). Il réadhéra au Parti communiste en mars 1936 et devint secrétaire de la cellule de Rosendael (Nord). Il aida les dockers en grève en 1936 et des dockers, après leur victoire, le portèrent en triomphe.
En octobre 1938, Lucien Delattre obtint sa mutation pour le collège technique de Versailles (Seine-et-Oise) et fut délégué de la section A, au congrès national du SET en 1939, au titre de la 10e région.
Delattre, qui habitait Viroflay (Seine-et-Oise), mobilisé du 26 août 1939 à la fin décembre 1939, fut affecté d’office au collège technique de Versailles en janvier 1940. Déplacé à « titre provisoire » à l’EPCI de Moulins (Allier), il y enseigna du 19 mars 1941 à juillet 1941. Le 4 août 1941, le Procureur de la République de Versailles avertit l’inspection académique qu’il avait requis « une information judiciaire pour infraction au décret du 26 septembre 1939 ». Lors d’une perquisition à son domicile à Viroflay, alors qu’il était en vacances, avaient été saisis des listes de souscription, des modèles de tracts, des journaux. Il fut placé sous mandat de dépôt à la maison d’arrêt de Versailles. L’Inspection académique, le 4 septembre 1941, le suspendait avec maintien du traitement. Accusé le 18 novembre 1942 de propagande communiste dans la "cellule des intellectuels" selon la police, deux jours plus tard, il comparaissait devant la Section spéciale de la Cour d’appel de Paris qui le condamna à trois ans de prison et cent francs d’amende. Lors de sa comparution, il reconnut « avoir prêté son concours à titre de secrétaire à un responsable chargé de l’organisation clandestine à Viroflay ». Écroué à la prison de Melun (Seine-et-Marne), il fut déporté à Buchenwald en 1944 où il fit partie de la Brigade française d’action libératrice. Après son retour en France, le 29 avril 1945, il obtint un congé jusqu’en octobre 1945. Son état de santé s’étant dégradé, il dut porter un corset jusqu’à son décès en raison d’une déficience de la colonne vertébrale.
Delattre retrouva son emploi de professeur adjoint à Versailles à partir d’octobre 1945. L’administration signalait qu’il emmenait ses élèves dans des représentations théâtrales. Il fut désigné en février 1947 pour être suppléant au conseil de discipline pour les professeurs adjoints et les chargés d’enseignement. Il prit sa retraite en 1953 comme « chargé d’enseignement ».
Resté syndiqué comme retraité, il signa l’appel à voter pour la liste « Union pour une action syndicale efficace » aux élections à la commission administrative du Syndicat national de l’enseignement technique en 1962-1963.
Militant toujours au PCF, actif dans les milieux sportifs de Viroflay, Lucien Delattre avait d’importantes responsabilités dans les organisations de déportés.
Par Jacques Girault
Sources : Arch. PPo, rapport de quinzaine des Renseignements généraux. — Arch. Dép. Yvelines, 1W106. - RGASPI, 495 270 2747. — Notice DBMOF, par Yves Le Maner. — Stéphane Le Gall, Les lettres de dénonciations dans les départements de la Seine et de la Seine-et-Oise entre 1940 et 1944, Mémoire de maîtrise, Université de Paris 13, 2003. — Presse syndicale. — Sources orales (Daniel Anker, Fred Bicocchi, Pierre Frédéric).