BELLAN Jean

Par Eric Panthou

Né vers 1889, mort le 9 décembre 1951 ; ouvrier chaudronnier chez Michelin ; militant syndical et politique, exclu de la CGTU, syndiqué CGT des métaux puis Michelin ; membre du PCF, exclu, puis membre de la SFIO ; exclu de la section CGT Michelin en avril 1937.

Jean Bellan entra à l’usine Michelin le 17 janvier 1920, ouvrier chaudronnier de l’atelier VDT. Il y fit toute sa carrière.
Il adhéra à la CGT vers 1909 et resta syndiqué au moins jusqu’en 1937.

Bellan fut pendant quelques mois membres du PCF, il fut même candidat du Parti en 1925. Il a quitté le PCF cette même année parce qu’en tant que trésorier de l’Union régionale CGTU il aurait alors voulu faire renvoyer Pérol qui en était le Secrétaire. Il fut mis à la porte du syndicat des Métaux par la commission exécutive de l’UD pour un détournement de 100 francs qui appartenaient au Syndicat de Saint-Chély-d’Apcher. Il monta alors un Syndicat Unitaire des métaux à la Section Michelin, sans pour autant être renvoyé alors que c’était alors le lot des dirigeants syndicaux dans l’entreprise. En 1929 il était membre de la SFIO et fut accusé de provocations et d’agressions à l’égard de communistes.

En novembre 1932, Jean Bellan figura sur la liste des candidats présentés par la CGT dans la section industrie du conseil de prud’hommes de Clermont-Ferrand. Il fut élu. En 1934, encore membre du syndicat des métaux CGT, il est à l’origine d’un incident sur des questions de trésorerie, nécessitant l’intervention de la Commission de contrôle du syndicat.

Bellan fut le seul à s’opposer à l’unité CGT CGTU à l’automne 1935 quand fut votée la fusion des deux syndicats dans un syndicat unique, regroupant l’ensemble des corps de métiers et non plus des syndicats de métiers comme auparavant avec les métaux. En février 1936, il demanda à intégrer la section CGT Michelin mais on lui reprocha bientôt de ne pas avoir mobilisé les ouvriers de son atelier VDA quand la grève fut lancée par la CGT en solidarité avec le renvoi d’Henri Verde, secrétaire du syndicat.
Néanmoins, Jean Bellan fit partie des différentes délégations cégétistes et grévistes reçues par la direction Michelin à l’été puis à l’automne 1936. Il était alors encore délégué au prud’homme. Il intervient régulièrement auprès des syndiqués et se targue alors d’avoir 28 ans de militantisme. Au lendemain de la fin de la grève avec occupation chez Michelin, la première grève depuis 1920, Marchadier est élu à la tête de la section Michelin et du conseil syndical. Bellan vient dès le lendemain se plaindre du vote des syndiqués et demande à intégrer le Bureau de la section, donnant sa démission de membre de la Commission juridique. Le syndicat réussit alors à le convaincre de reprendre son mandat à la commission juridique dans une période aussi importante avec les discussions en cours sur la convention.
Fin 1936, membre de la CGT Michelin, il voulait diffuser dans l’usine le journal Syndicats, organe de la Tendance de la CGT favorable à René Belin, très anticommuniste. Il est alors membre de la Commission exécutive de l’Union locale des Syndicats, Conseiller juridique, membre du Conseil syndical du syndicat des produits chimiques.

En février 1937, une Commission d’honneur et d’enquête fut créée à la suite de la réunion des deux délégations des grèves de juin et septembre 1936 sur proposition du Bureau. Elle enquêta sur accusations graves portées le dimanche 24 janvier à la Réunion du Conseil sur le Secrétaire, Robert Marchadier, Bellan demandant à Marchadier pourquoi Pierre Michelin avait déclaré avoir un secret avec Marchadier, lors d’une délégation CGT.

Lors d’une délégation reçue par Pierre Michelin le 9 septembre 1936 pour défendre un ouvrier sanctionné, Marchadier, qui avait été licencié en février pour fait de grève, insista pour être réembauché. Pierre Michelin lui répondit “Marchadier, n’insistez pas, ce n’est pas pour fait de grève que je vous ai renvoyé, c’est une affaire entre nous”. Marchadier l’interpelle alors en lui demandant quel secret. “Ceci est un secret entre Marchadier et moi. Pour être réembauché à l’usine, il n’y a rien à faire”. répondit Michelin.
C’est sur la base des cette discussion que Bellan, présent dans la délégation, interpella Marchadier, la grande figure de la CGT et du PCF chez Michelin, lors d’une réunion du Conseil syndical des Produits chimiques, le 24 janvier 1937.
Ceci fut ressenti comme une provocation par les syndiqués et les cadres de la CGT, dirigés par des militants communistes. L’enquête aboutit à établir que Belan avait calomnié à plusieurs reprises Marchadier auprès d’autres syndiqués, l’accusant d’être acheté par le patron. Ceci déboucha sur l’exclusion de Bellan du Conseil syndical par 10 pour, 1 contre et 3 abstentions (Marchadier, Bellan et le représentant des techniciens, Levaltier, qui refusa de s’immiscer dans les questions de la section ouvrière). Bellan quitta la séance en déclarant se pourvoir auprès de la fédération de la chimie.
Bellan avait déjà été exclu de la section Michelin à l’unanimité moins une voix, pour "atteinte grave à la réputation syndicale d’un de nos meilleurs militants”.
Lors de la réunion générale du 17 avril de la Section Michelin et devant entériner l’exclusion, Bellan demanda la parole ; il parla quelques instants mais, par ses insinuations, il déchaîna un tumulte dans la salle -qui l’avait déjà jugé. Il se fit huer et siffler copieusement. Sa radiation fut adoptée à l’unanimité moins six voix.

La Montagne, le quotidien fondé par l’ancien député socialiste Alexandre Varenne, publia le 21 avril 1937 in extenso la lettre de Bellan, ouvrier chaudronnier à la Maison Michelin, service VD. Ce dernier écrivit alors que “les cellulards ont fait donner leurs musiciens et m’ont exclu parce qu’ayant voulu connaître la vérité qui aurait pu éclairer les camarades”. “Peu importe, je n’ai pas de leçon de syndicalisme à recevoir de personne : je suis âgé de 48 ans, ancien combattant, ouvrier depuis l’âge de quatorze ans, travaillant chez Michelin depuis dix-sept ans et titulaires de 28 cartes syndicales. Ma fidélité à l’idéal me suffit.” “Je proteste avec énergie contre le coup bien monté et préparé savamment systématique à la réunion du 17 avril qui a consisté à faire une obstruction pour m’empêcher d’exposer ma position et d’apporter des justifications à l’assemblée générale [ ] Comme c’est facile à provoquer ce truc là ! Je suis un vieux de la vieille. Je sais ce qu’on appelle faire une salle. Je n’en suis donc pas dupe ; ce genre de procédé n’a jamais été un argument et n’a jamais convaincu personne. [ ] Sachez bien que Bellan a des amis dans la classe ouvrière, qui le connaissent et l’estiment et ce ne seront pas le sectarisme des uns et l’ambition des autres qui le feront changer de route.

Le Bulletin intérieur Michelin, édité par la Direction Michelin, rendit hommage à Bellan lors de son décès, rappelant qu’il avait fait toute sa carrière chez Michelin après son embauche en 1920.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article219887, notice BELLAN Jean par Eric Panthou, version mise en ligne le 26 octobre 2019, dernière modification le 6 décembre 2020.

Par Eric Panthou

SOURCES : Le Peuple, organe quotidien du syndicalisme, 17 novembre 1932 (BNF-Gallica). — Bulletin intérieur Michelin, n°129, 28 décembre 1951. — Archives Robert Marchadier, dossier Bellan. — “A propos d’un compte-rendu” , La Montagne, 21 avril 1937. — Notes de Louis Botella.

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