DELCOURT Gaston, Jules

Par Didier Bigorgne

Né le 4 août 1885 à Revin (Ardennes), mort le 22 décembre 1948 à Revin ; ouvrier plaquiste ; syndicaliste et militant socialiste SFIO ; secrétaire général de l’UD-CGT des Ardennes (1922-1930), puis secrétaire de l’UD-FO des Ardennes en 1948.

Fils d’Émile Delcourt, ouvrier mouleur, et de Maria Defrémont, sans profession, Gaston Delcourt exerçait le métier de mouleur sur plaque quand il épousa Claire, Caroline Laheurte, sans profession, le 25 février 1932 à Revin. Il se maria en secondes noces avec Julienne Marie Lheur, sans profession.

Gaston Delcourt, qui avait la réputation d’être un excellent ouvrier, travailla toute sa vie à l’usine Faure de Revin. Il commença sa carrière de syndicaliste en 1920 en remplaçant Bouchet au poste de secrétaire des ouvriers en métaux et parties similaires de Revin. Le 25 mars 1920, il dirigea sa première grève générale déclenchée pour obtenir une augmentation des salaires. Le 25 août suivant, il condamna dans Le Socialiste Ardennais, journal de la Fédération socialiste SFIO des Ardennes dont il était membre, les grèves de mai qui selon lui avaient été engagées sans référendum à la base. Il y critiqua aussi le secrétaire permanent de l’UD-CGT des Ardennes, Eugène Gilbert, qu’il tenait pour responsable de cette situation.

Dès 1921, Gaston Delcourt expliquait sa conception du syndicalisme. Lors d’une réunion, il s’éleva contre le « noyautage » dans les syndicats : « Je ne suis pas communiste, déclarait-il, parce que je n’admets pas la subordination du syndicalisme à un parti politique ». Dans le même temps, il contribua, à Revin, à la formation d’une commission paritaire locale, réunissant périodiquement trois patrons et trois ouvriers pour l’ajustement des salaires en fonction du coût de la vie : un budget-type sur lequel les salaires seraient indexés fut ainsi établi.

Après la scission syndicale de juillet 1921, l’UD-CGT des Ardennes se reconstitua au congrès de Monthermé, le 28 janvier 1922. Le secrétaire général Eugène Gilbert et l’ancienne direction furent évincés, Gaston Delcourt devint secrétaire général de l’Union départementale et s’entoura d’une nouvelle équipe : Léon Villeval des ardoisiers de Haybes était trésorier, Henri Seillé syndicat des travailleurs du Livre, secrétaire adjoint, Rofidal des ouvriers en métaux de Fumay, trésorier adjoint. Délégué au titre de la Fédération des Métaux, Gaston Delcourt participa au 17e congrès national de la CGT qui se tint à Paris du 30 janvier au 2 février 1923. Dans les années qui suivirent, il se consacra au renforcement de l’UD-CGT ; en 1925, celle-ci comptait vingt-cinq syndicats regroupant deux mille sept cents adhérents, mais son influence était quasi inexistante dans la métallurgie, avec 280 membres dont 220 pour la seule ville de Revin. En 1926, Gaston Delcourt fut élu conseiller prud’homme, section des Métaux, pour l’arrondissement de Fumay ; il le demeura jusqu’en 1932. Il céda son poste de secrétaire général de l’UD-CGT des Ardennes à Camille Génon en 1930.

Dans le courant du mois de mars 1931, la commission paritaire de Revin chère à Delcourt constata une baisse de l’indice des prix. C’était suffisant pour déterminer, selon les conventions, une chute sérieuse des salaires. De ce fait, Gaston Delcourt reconnu l’échec de sa solution. Dans le même temps, il avait pris pour habitude de rencontrer les patrons à l’amiable, négligeant ainsi de réunir le syndicat pendant quatre mois. Une réunion fut alors provoquée ; il y fut sévèrement attaqué par l’opposition révolutionnaire qui s’était formée dans le syndicat des métaux confédéré. Après une nouvelle baisse des salaires imposée par les patrons de la commission paritaire en 1932, les ouvriers se mirent en grève ; celle-ci se déroula sans piquet de grève et sans action de masse, et Gaston Delcourt rejeta les responsabilités de l’échec sur les ouvriers.

Après la journée du 6 février 1934, la position de Gaston Delcourt évolua. Au congrès départemental de l’UD-CGT qui se tint le 6 mai suivant, il accepta de collaborer avec les communistes quand « ceux-ci sont de bonne foi ». Par ailleurs, il reprocha aux instituteurs d’avoir accepté passivement les diminutions de salaires imposées par les décrets Laval. Cependant, il n’apprécia guère la grève déclenchée à l’usine Martin de Revin contre le système Bedeau qui dura du 17 mai au 15 juin 1935 ; il démissionna alors de la commission locale de chômage. Il n’approuva pas davantage la grève générale de juin 1936. Avec deux autres membres de la commission paritaire, il négocia directement avec l’industriel Faure une augmentation de salaire de 3,70 F (les délégués départementaux qui se rencontrèrent à Paris les 24 et 25 juin avec les industriels ardennais, dont Faure, obtinrent une augmentation de 4 F) et l’évacuation de l’usine. Après un vote à bulletin secret par usine, seuls les ouvriers de chez Faure se prononcèrent pour la reprise du travail : « Les membres influents du syndicat local des métaux incitent les ouvriers à se montrer pondérés et à ne pas suspendre le travail avant d’avoir consulté le syndicat » précisait un rapport de police du 21 juillet 1936.

Parallèlement à son activité syndicale importante, Gaston Delcourt était membre du Parti socialiste SFIO. Secrétaire de la section de Revin à partir de 1925, il siégea à la commission exécutive de la Fédération des Ardennes du 27 janvier 1929 au 19 janvier 1930. Aux élections municipales de novembre 1919, il avait été élu conseiller municipal de Revin sur la liste de son parti qui remporta la victoire. Réélu au scrutin dès 1925, il proposa le 20 mai au conseil municipal fraîchement réinstallé l’achat d’un buste de Jean Jaurès ; la délibération du 30 juillet suivant confirmait l’acquisition d’un buste « grandeur naturelle d’une valeur d’environ cinq cents francs qui sera livré par la Librairie populaire de Paris ». Le 2 novembre 1928, la majorité socialiste du conseil municipal de Revin démissionna. Les élections complémentaires qui suivirent les 16 et 23 décembre furent défavorables à la liste socialiste SFIO ; Gaston Delcourt ne retrouva pas son siège de conseiller municipal. Il n’eut pas davantage de réussite aux élections des 7 et 14 octobre 1934 pour le conseil général dans lesquelles il représenta son parti dans le canton de Fumay. Il échoua au premier tour en obtenant 1 239 voix sur 4 344 inscrits et 3 478 votants.

Gaston Delcourt, qui avait adhéré à la Charte du Travail promulgué par le gouvernement de Vichy, n’occupait plus aucune fonction syndicale à la Libération : il ne siégeait plus à la commission exécutive de l’UD-CGT des Ardennes, il n’était plus secrétaire du syndicat des Métaux de Revin, ayant passé le relais à Alfred Millet. Cette absence de responsabilités lui permit de consacrer tout son temps et de mettre toute son énergie à la création de Force ouvrière. Après la rupture syndicale qui s’était produite le 10 juin 1947 dans les Ardennes, il devint l’animateur du groupe Force ouvrière. Après avoir approuvé la scission prononcée par la conférence nationale des Amis de Force ouvrière réunie les 18 et 19 décembre 1947, il écrivait dans Le Réveil Ardennais du 28 décembre suivant « La bataille est terminée, la situation est claire, le divorce est prononcé... Il faut que, pour le 15 janvier 1948, un syndicat Force ouvrière existe dans chaque localité ». Nommé secrétaire du syndicat de la métallurgie Force ouvrière des Ardennes et secrétaire provisoire de l’Union départementale Force ouvrière dans les premiers jours de janvier 1948, il participa à la constitution officielle de l’UD-Force ouvrière des Ardennes le dimanche 18 janvier 1948 à la mairie de Charleville. Il y intervint en rappelant que « la CGT-FO n’est et ne sera jamais à la remorque d’un parti politique quel qu’il soit », avant d’être élu secrétaire départemental. Son mandat fut de courte durée : lors du premier congrès de l’UD-Force ouvrière des Ardennes qui se tint le 21 mars 1948, il renonça à sa fonction pour raisons de santé.

Gaston Delcourt fut inhumé le 25 décembre 1948 dans sa ville natale. Les représentants de l’UD-Force ouvrière des Ardennes et de la fédération socialiste SFIO lui rendirent un hommage solennel en présence d’un millier de personnes. Aujourd’hui, une rue de Revin porte le nom de Gaston Delcourt.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22001, notice DELCOURT Gaston, Jules par Didier Bigorgne, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 16 octobre 2019.

Par Didier Bigorgne

SOURCES : Arch. Nat., F7/12973. — Arch. Dép. Ardennes, rapports de police, 1935. — Le Socialiste Ardennais, 1925 à 1934. — Notice DBMOF, par Henri Manceau. — Le Réveil Ardennais, 28 décembre 1947 et 11 janvier 1948. — L’Ardennais, 19 janvier et 22 mars 1948. — État civil de Revin.

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