Par André Balent
Né le 1er mai 1924 à Marseille (Bouches-du-Rhône), pendu le 2 mars 1944 à Nîmes (Gard) ; employé, résistant du groupe franc de l’AS de Montpellier (Hérault) puis du maquis Bir Hakeim du Languedoc (Armée secrète)
Fortuné Donati était le fils d’Eugène, Marius Donati, négociant en métaux, et de Catherine, Marie Richard. En 1944, il résidait à Montpellier 7 rue du général Claparède. Il s’était marié depuis peu à Gignac (Hérault) le 21 février 1944. avec Louise, Antoinette Graille [patronyme figurant en marge de son acte de naissance et sur l’acte de décès de son mari, mais elle signait « Louise Garcia », veuve de Fortuné Donati]. Elle était née le 1er juillet 1923 à Montpellier. Elle était la fille de Marius, Antoine Graille, peintre et d’Élisabeth, Augustine Guiraud. En 1944, elle était domiciliée chez ses parents à Gignac. Au début des années 1950, elle résidait toujours à Gignac (Hérault)]. L’ acte de décès de Fortuné Donati à Nîmes, transcrit le 16 septembre 1944, plus de six mois après sa mort, indiquait initialement de nom de « Donaty » et le prénom de « René ». Un jugement du tribunal civil de Nîmes (16 avril 1945) rétablit l’orthographe du patronyme (« Donati ») et les prénoms (« Fortuné, Eugène »). Il fut porté en marge de l’acte de décès le 29 mai 1945. Une nouvelle mention marginale fut adjointe le 20 septembre 1946. Elle précisait les prénoms de ses père et mère et mentionnait son mariage.« René » était, en fait son nom de guerre. C’était également le prénom de son fils. À noter que son acte de naissance signalait qu’il était mort à Jonquières (Hérault) le 3 mars 1944.
Le père de Fortuné, Eugène Donati, fut un des résistants en vue de Montpellier. En 1943, il était à la tête d’un groupe franc de l’AS de Montpellier. À l’automne de 1943, il prit l’initiative d’intégrer son groupe franc au maquis Bir Hakeim (Voir Capel Jean) à peu près au même moment où Paul Demarne en faisait autant avec son groupe de combat de l’Armée secrète de la région de Clermont-l’Hérault (Hérault) et Maurice Allion, avec son petit maquis (AS) de La Vacquerie (commune de La Vacquerie-et-Saint-Martin-de-Castries, Hérault) sur le Larzac méridional. La relocalisation du maquis Bir Hakeim dans l’Hérault et le Gard amena ses principaux animateurs à se regrouper à Montpellier. Dans cette ville, Jean Mallet prit la direction d’un nouveau corps franc urbain de Bir Hakeim à Montpellier qui absorba celui, préexistant, de l’AS dirigé par Eugène Donati et un de ses adjoints, Albert Uziel, né le 22 janvier 1923 à Paris dans une famille juive d’origine ottomane et qui résidait à Montpellier. La Vacquerie devint une base secondaire de Bir Hakeim qui participait au soutien logistique du groupe maquis principal implanté désormais dans le Gard rhodanien et ses marges ardéchoises dans la commune de Labastide-de-Virac.
Fortuné Donati s’était engagé volontairement dans la Marine en avril 1942. Il était maître d’hôtel sur le croiseur « La Galissonnière ». Il fut renvoyé à ses foyers après le sabordage de la flotte à Toulon (Var) le 10 novembre 1942. Fortuné Donati participait à la Résistance montpelliéraine depuis janvier 1943 avec son père dans le groupe franc montpelliérain de l’AS de Montpellier. Menacé par le STO, il prit le maquis. Membre de Bir Hakeim,(AS) dès le mois d’août 1943, il participa au combat de Douch (Hérault) le 10 septembre 1943, puis à celui du mas de Serret, commune de Labastide-de-Virac (Ardèche) le 26 février 1944. Entre temps, bénéficiant sans doute d’une permisssion accordée par ses chefs, il s’était marié le 21 février à Gignac (Hérault), pas très loin de La Vacquerie. Ses états de service (dont un signé par Christian de Roquemaurel, un des lieutenants de Jean Capel, chef du maquis Bir Hakeim) font également état d’une participation, peu vraisemblable, à un combat au mont Aigoual (Gard) le 25 févier 1944. Il prit part à certains des multiples coups de main du maquis Bir Hakeim, à la récupération ou à la destruction de matériel de l’ennemi (forces de Vichy ou allemandes).
Fortuné Donati se trouvait, le 27 ou le 28 février 1944, à la Vacquerie (Hérault) sous le commandement de Paul Demarne. Jean Mallet, venant du mas de Serret (commune de Labastide-de-Virac, Ardèche), s’y trouvait aussi. Le 25 février, ce dernier reçut de Capel l’ordre de regagner, avec un groupe de maquisards, ce mas où était cantonné le groupe maquis principal, ne se doutant pas que, le lendemain, il allait subir une attaque allemande. Le 29, Demarne, Mallet et Marcel de Roquemaurel* prirent la tête de ce groupe. Ils avaient à leur disposition une camionnette et une automobile de tourisme de marque Simca. Parmi eux, se trouvait un déserteur du maquis, Nougaret, qui avait été repris et que l’on amenait au mas de Serret afin de le juger. Ils ignoraient que les Allemands avaient investi le secteur de Saint-Hippolyte-du-Fort (Gard), traquant d’autres maquis, notamment celui de René Rascalon (AS). Le convoi en provenance de La Vacquerie fut arrêté par un barrage allemand à l’entrée de Saint-Hippolyte-du-Fort, en provenance de Ganges (Hérault). Le convoi força le barrage en tirant sur les Allemands. Après avoir essuyé une fusillade pendant leur traversée de la ville, les deux véhicules furent immobilisés, l’un à la place centrale, l’autre sous le viaduc du chemin de fer sous l’arche duquel se balançait toujours le cadavre de Fernand Broussous*. Les hommes de Bir Hakeim purent se disperser et se cacher. Toutefois, l’un d’entre eux, Robert Rosse fut abattu. Si le déserteur Nougaret en profita pour s’éclipser et se rendre aux Allemands à qui il donna de précieuses informations sur Bir Hakeim. Fortuné Donati et un autre « biraquin », Albert Lévêque furent blessés et purent cependant échapper à la chasse à l’homme. Diverses attestations ainsi que des citations posthumes à l’ordre de la division et de l’armée expliquent que, « blessé grièvement, [il] tient seul une mitrailleuse, permettant ainsi le repli de son groupe ». À la recherche des maquisards, Les Allemands firent réunir tous les hommes de la commune et demandèrent au maire, Monpeyssen, de lui signaler les étrangers à la commune. Le premier magistrat fit passer les maquisards, mais aussi des Juifs résidant clandestinement dans sa ville, comme étant des concitoyens connus de lui et en règle. Lorsque les Allemands évacuèrent le centre-ville, Donati et Lévêque furent transportés à l’hospice où ils furent soignés par les docteurs Roman et Benkowski. Ils étaient gravement atteints et nécessitaient une opération chirurgicale (pour sa part, Donati avait une plaie thoracique). Aussi les médecins pensèrent qu’il serait plus judicieux de les transporter à l’hôpital de Nîmes. Le maire réquisitionna une ambulance.
Les deux « biraquins » furent conduits à Nîmes accompagnés par Sœur Marie-Rose, supérieure de l’hospice des vieillards. Elle fit le nécessaire pour obtenir leur entrée à l’hôpital Gaston-Doumergue. Ils furent pris en charge par le docteur Jean Étienne, chirurgien. Bourguignon, infirmier et balayeur de l’hospice de Saint-Hippolyte, pétainiste, s’empressa de communiquer le départ des deux maquisards au chaisier Saumade, le collaborationniste de Bourras qui avait déjà dénoncé Miguel et Jean Ordines aux Allemands.
Le 2 mars 1944, vers 16 heures 30, des Feldgendarmes de la division SS Hohenstaufen pénétrèrent à la salle de premier étage de l’hôpital affecté à la chirurgie. Ils exigeaient qu’on leur remît Donati et Lévêque. Mais le docteur Jean Étienne les convainquit de ne pas amener les deux patients. D’autres SS surgirent quelque temps après et s’emparèrent des deux hommes à qui le médecin eut le temps d’administrer des calmants. Ils enveloppèrent Donati et Lévêque dans leurs couvertures et les menèrent à l’école de la Croix de Fer d’où ils partirent avec d’autres hommes afin d’être pendus. On sut qu’ils le furent au pont du chemin de fer, route d’Uzès. En effet, leur état et leur accoutrement permit de les identifier et de connaître le lieu de leur supplice ce qui ne fut pas le cas des autres pendus. Les quinze hommes furent pendus dans trois endroits différents de Nîmes, aux principales sorties de la ville (routes d’Uzès, 3 ; de Montpellier : avenue Jean-Jaurès à son intersection avec la route de Montpellier, 6 ; de Beaucaire, 6). Les pendus furent hissés sur le toit des camions. Les cordes étaient attachées à des arbres (avenue Jean-Jaurès, alors avenue de la Camargue) ou sous un pont de chemin de fer, les camions reculaient afin de provoquer la mort des suppliciés qui portaient tous une pancarte avec l’inscription : « Ainsi sont traités les terroristes » français ».
Les actes de l’état civil de Nîmes n’indiquent pas les lieux exacts des décès. Ils se contentent de signaler simplement l’heure approximative (« vers dix-huit heures »). Les corps auraient dû être exposés pendant 24 heures. Toutefois, l’indignation de la grande majorité de la population nîmoise incita les forces d’occupation à écourter la durée de l’exposition. Le général Wilhelm Bittrich, commandant de la division Hohenstaufen aurait peu apprécié le principe d’exécutions publiques de « terroristes » par pendaisons. Il fit détacher les cadavres des pendus et les fit enterrer peu après en un lieu inconnu. Le préfet du Gard, le très pro-allemand Chiappe, conscient de l’émoi des Nîmois, fit aussi pression afin de détacher les pendus au plus tôt. Un agriculteur de Jonquières-Saint-Vincent (Gard), dans la vallée du Rhône, Joseph Quiot, surprit des soldats allemands en train d’enterrer des cadavres dans un champ de luzerne. Deux jours plus tard, le propriétaire du champ, Louis Dany vérifia la présence de cadavres. Il prévint la préfecture du Gard. Les cadavres furent exhumés après la Libération.
L’acte de décès de Fortuné Donati fut inscrit sur le registre de l’état civil de Nîmes le 16 septembre 1944, sur déclaration de Jean Flandin, secrétaire de police à Nîmes. Fortuné Donati reçut la mention « Mort pour la France » (décision du ministère des Anciens combattants et victimes de guerre du 13 septembre 1946, inscrite en mention marginale de son acte de décès le 31 octobre). Le 5 février 1945, il fut homologué à titre posthume comme lieutenant des FFI. À titre posthume, il fut cité à l’ordre de la division (7 août 1946) et de l’Armée (16 août 1946). Il reçut aussi la Croix de guerre avec étoile d’argent. Il fut inhumé à Nîmes, au carré mixte du cimetière du Pont de Justice dans le carré 10 D, rang C 2, tombe n° 10. Son nom fut inscrit sur le monument aux morts de Montpellier et à Mourèze (Hérault) sur le mémorial du maquis Bir Hakeim sur lequel figurent les noms de ses membres tués au combat ou exécutés.
Par André Balent
SOURCES : Arch SHD, Vincennes, 16 P 188975. — Arch. com. Nîmes, acte de décès de Fortuné Donati et mentions marginales. — Arch. com. Marseille, acte de naissance de Fortuné Donati et mentions marginales. — Arch. com. de Gignac, acte de mariage entre Fortuné Donati et Louise Graille. — Gérard Bouladou, Les maquis du Massif Central méridional 1943-1944. Ardèche, Aude, Aveyron, Gard, Hérault, Lozère, Tarn, Nîmes, Lacour Rediviva, 2006, 617 p. [En particulier, pp. 149-150, p. 320]. — Claude Émerique, « Les pendus de Nîmes », in La Résistance dans le Gard, Paris, AERI, CDROM et livret d’accompagnement, 36 p. Paris, 2009. — Aimé Vielzeuf, Bloc-notes 44 (Dans le Gard, en attendant la liberté), Nîmes, Lacour, 1994, 150 + XXXII p. [voir plus particulièrement les pp. 27-29 et 31-33]. — Aimé Vielzeuf, En Cévennes et Languedoc. Au temps des longues nuits, Nîmes, Lacour, 2002, 276 p, le chapitre III, « De l’affaire de Saint-Hippolyte-du-Fort aux pendaisons de Nîmes (28 février-2 mars 1944) », pp. 104-195, plus particulièrement les pp. 168-172. — René Maruéjol, Aimé Vielzeuf, Le maquis Bir Hakeim, nouvelle édition augmentée, préface d’Yves Doumergue, Genève, Éditions de Crémille, 1972, 251 p. [pp. 67-71]. — Site MemorialGenWeb consulté le 23 octobre 2019. — Site MemorialGenWeb consulté le 4 novembre 2019. — Site Mémoire des hommes, consulté le 4 novembre 2019, fiche « Donati Fortuné » (Il y a deux dossiers au nom de Fortuné Donati au SHD, le second (Caen) non consulté : 16 P 188975 à Vincennes, ce dernier avec le prénom erroné de « René » ; 21 P 636021 à Caen).