échos d’histoire

1989 - un mur, des vies

En ce jour de trentième anniversaire de la chute du mur, focus sur l’impact de l’événement dans les trajectoires biographiques de certains acteurs du mouvement social…

Le 9 novembre 1989 tombait le mur de Berlin. Un événement dans lequel d’aucuns virent la « fin de l’histoire », mais dont l’impact sur les vies militantes montre au contraire qu’il fut le prélude à d’autres formes d’engagements.

Avec la chute du mur, ce furent d’abord des frontières qui tombèrent. La vie du militant libertaire Georges Balkanski, marquée dès les années 1920 du sceau de l’exil, en offre un exemple émouvant. Le mur tombé, celui-ci revint en effet en Bulgarie, où il était né, et retrouva son ancienne compagne, qu’il n’avait plus revue depuis 1948. Sur place, il participa à la résurgence de la Fédération anarchiste bulgare.

Quant à Gérard Godot, aumônier national de l’Action catholique ouvrière (ACO), longtemps en charge des relations internationales au sein du mouvement, il put de son côté entreprendre une série de voyages en Europe centrale et orientale (Tchécoslovaquie, Pologne, RDA), où il rencontra des militants ouvriers comme des prêtres et des évêques mariés, ordonnés clandestinement (en Tchécoslovaquie).

La chute du mur marqua aussi la résurgence du doute, et l’interrogation sur les formes d’engagements possibles. À la mi-décembre 1989, Henri Krasucki interpella ainsi le bureau politique du PCF pour « que le débat se développe à l’intérieur du Parti communiste », tout en se défiant d’une lecture de l’événement orientée vers la seule victoire du système capitaliste : « Je ne crois pas qu’il y ait vraiment beaucoup de monde en RDA qui réclame : donnez-moi des patrons, je veux être exploité, je veux du capitalisme. »

Le doute et, parfois, le traumatisme, liés au sentiment d’une trahison, ne mènent pas systématiquement à la perte du désir d’engagement. Ainsi de Désiré Espic et de Gabriel Coullaud, qui quittèrent tous deux le Parti communiste mais dont les biographes dans le dictionnaire nous rappellent qu’ils gardèrent pareillement des convictions fortement ancrées à gauche.

Loin de marquer la fin des idéaux et le renoncement au désir d’engagement, la chute du mur fut pour beaucoup l’occasion d’une bifurcation, soit en direction de nouvelles formes d’engagements, soit vers des chemins dont ils s’étaient autrefois écartés. Le chanteur Claude Vinci, longtemps « encarté », l’exprime en 1993, dans son album intitulé Racines. Un album dans lequel, évoquant l’événement, il conclut par ces vers :

« Je retourne à mes utopies
Romantiques
Je retrouve mon anarchie
Historique. »

Par Julien Lucchini

1989 - un mur, des vies
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