DELEVALLÉE Albert, Maurice

Par Yves Le Maner

Né le 4 juillet 1881 à Tilloy-lez-Marchiennes (Nord), mort le 14 décembre 1944 à Lille (Nord) ; avocat ; militant communiste ; conseiller général et conseiller d’arrondissement.

L’Enchaîné, 31 janvier 1936.
Communiqué par David Noël.

Personnalité difficile à cerner que celle d’Albert Delevallée, fils d’un instituteur public, (Adrien Joseph Delevallée 1849-1938), frère de Maurice Delevallée et de deux autres garçons (Gabriel, Raphaël), avocat à la Cour d’appel de Douai, puis au barreau de Paris. Dès son retour de la guerre de 1914-1918 pendant laquelle il combattit comme officier, il fut élu adjoint au maire de Somain (Nord) sur une liste du Parti SFIO ; il rejoignit les rangs communistes dès la scission de 1921 et contribua de manière décisive à l’implantation du PC dans le Douaisis.

« Intelligent, actif, haineux » tel apparaissait aux gens de la police ce propagandiste inlassable utilisant des formules au vitriol tant contre les notables de droite que contre les militants socialistes. Peu après son élection au conseil d’arrondissement pour le canton de Marchiennes (Nord) en 1925, Delevallée fit un voyage rocambolesque en Europe centrale en 1925-1926 en tant qu’avocat du Secours rouge international. Son passeport lui ayant été initialement refusé par la préfecture du Nord au début de l’année 1925, il mena une vigoureuse campagne de presse dans L’Enchaîné et, fort du soutien de principe de nombre de ses collègues du barreau, il obtint finalement le document nécessaire à son voyage et quitta Somain le 26 octobre 1925. Signalé à Budapest (Hongrie) le 29, il était à Prague (Tchécoslovaquie) le 6 octobre et il séjourna ensuite à Vienne (Autriche) du 17 au 23 octobre où il assista à une réunion des Partis communistes d’Europe centrale. Delevallée entra également en contact avec Seidler, responsable de la propagande du PC allemand. Ayant rejoint Athènes, il y fut arrêté le 4 avril 1926, la police grecque l’ayant trouvé en possession de trois faux passeports : un polonais au nom de Rogaesen Wolff, un yougoslave au nom de Siegmund Brad et un passeport autrichien au nom de Léopold Fried. Après quelques semaines de détention, il revint à Somain le 8 avril 1926 et reprit immédiatement son activité militante au sein du SRI.

Quatrième adjoint au maire Victor Brachelet, après les élections municipales de mai 1929, Delevallée fut suspendu pendant un mois par la préfecture pour avoir le 14 juillet 1929, en l’absence du maire, fait flotter sur l’Hôtel de ville « un drapeau rouge frangé d’or, d’une surface d’environ deux mètres carrés et portant l’inscription suivante : URSS ainsi qu’un motif composé d’une faucille et d’un marteau dorés » (rapport de gendarmerie). Cette sanction n’empêcha pas Delevallée de participer activement à la manifestation du 1er août 1929. « Son rôle fut celui d’un véritable provocateur, excitant sans arrêt les manifestants » écrit le sous-préfet de Douai, « Sa harangue fut extrêmement violente et subversive » (Douai, 2 août 1929). L’administration décida d’accélérer le dossier de révocation et annonça la sanction le 21 août. Habile avocat, l’intéressé utilisa une erreur de formulation des motifs, pour obtenir du Conseil d’État, le 25 février 1931, une annulation. Élu du nord, il devait connaître personnellement Maurice Thorez. Ce dernier le prit comme avocat lors de la complexe affaire du paiement de ses amendes pour sortir de la prison de Nancy en 1931.

Réélu au conseil en mai 1935, Delevallée n’occupa pas un poste d’adjoint. Il devint cependant conseiller général d’Arleux (en 1937 ?). La signature du Pacte germano-soviétique entraîna sa rupture immédiate avec le Parti communiste. Devant le conseil municipal de Somain réuni le 1er septembre, Victor Brachelet et lui-même demandèrent à leurs collègues de « répudier ce pacte honteux signé par le Gouvernement russe ». La majorité des conseillers présents demandèrent « d’attendre avant de prendre une décision formelle », beaucoup considérant la signature du Pacte comme « une manœuvre diplomatique ». L’entrée des troupes soviétiques en Pologne renforça la position de Brachelet et Delevallée : le 16 juillet, seize conseillers envoyèrent à Marcel Cachin le télégramme suivant :

« Depuis invasion Pologne, conséquence du pacte Hitler-Staline, attendons vainement votre réprobation. Qu’attendez-vous de pire encore pour vous désolidariser de cet attentat monstrueux contre le socialisme, contre l’Humanité, contre la Paix ? Répondez ». Au conseil du 19 septembre, Brachelet et Delevallée confirmèrent que ce geste entraînait une « rupture définitive avec une organisation qui a trahi les principes les plus sacrés du socialisme, de la liberté, de la Paix » (registre de délibérations du conseil). Une minorité de neuf conseillers affirma son attachement au Parti communiste. Delevallée fit campagne contre le pacte dans le bassin minier. Suspendu de ses fonctions électives en octobre 1939, il quitta le Nord pour Paris.

Il fut arrêté le 6 juin 1944 par les Allemands. Sept mois de détention à la citadelle de Huy (Belgique), puis à Valenciennes et à Lille eurent raison de sa santé. Il mourut le 14 décembre 1944 à Lille.

Albert Delevallée s’était marié le 5 septembre 1918 à Cancale (Ille-et-Vilaine).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22033, notice DELEVALLÉE Albert, Maurice par Yves Le Maner, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 17 août 2021.

Par Yves Le Maner

L’Enchaîné, 31 janvier 1936.
Communiqué par David Noël.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13160. — Arch. Dép. Nord, M 154/191 et M 154/195 B, M 89/277 (Démissions-Révocations-Suspensions). — APP GA D 13. — BMP, bobine 122. — Arch. Com. Somain. — J. Fontaine, mémoire de maîtrise, Lille III, 1974, op. cit.La défense, janvier 1931 et septembre-octobre 1933. — Important dossier constitué par Monsieur Edmond Robton, historien de Somain, membre de la commission historique du Nord. — Renseignements communiqués par JR Genty.

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable