DELFOSSE Léon

Par Claude Pennetier

Né 14 octobre 1910 à Libercourt (Pas-de-Calais), mort le 20 mars 1986 à Libercourt ; mineur ; président de la Fédération CGT du Sous-Sol et militant communiste du Pas-de-Calais, membre du comité central du PCF (1950-1959) ; maire de Libercourt.

Léon Delfosse descend de trois générations de mineurs : son arrière-grand-père était venu à la mine avec la naissance du bassin d’Anzin à la fin des années 1880, le grand-père avait quitté le Nord pour le Pas-de-Calais où son père - mort au front, en 1916, pendant la Première Guerre mondiale - exerça le même métier. Ses cinq frères étaient mineurs. Sa mère se remaria avec un mineur et la famille vécut chez un géologue expert du nom de Delobel, dont les idées socialistes le marquèrent.
Ayant obtenu le certificat d’études primaires, Léon Delfosse fit six mois de cours complémentaire à Carvin mais dut entrer à la mine Ses cinq frères étaient mineurs. Ayant obtenu le certificat d’études primaires, il fit six mois de cours complémentaire à Carvin mais dut entrer à la mine pour des raisons financières. Il adhéra immédiatement au syndicat : « Le beau-père n’aurait pas osé me faire partir à la mine sans ma carte syndicale. En ce temps-là, vers les années 1922-1923, on avait pratiquement sa carte syndicale en même temps que son embauche » (art. cit.). Il fut « escailleur », aide-raccommodeur, chargeur et rouleur avant d’accéder à vingt ans au statut d’ouvrier qualifié travaillant à la taille. Il fit son service militaire pendant un an, à partir d’octobre 1931, comme 2e classe de l’Infanterie.
De 1925 à 1931, Léon Delfosse fut membre des Jeunesses socialistes à Oignies, du Parti socialiste (secrétaire adjoint) et de la CGT (secrétaire adjoint) qui était majoritaire dans son puits, le 3 d’Ostricourt. La combativité des militants unitaires (CGTU) du puits 4 l’avait impressionné. La rencontre pendant son service militaire de plusieurs jeunes communistes le fit adhérer au Parti communiste à sa libération, en octobre 1932, dit-il, mais la date officielle qui figure dans les archives du PCF à Paris comme à Moscou est 1934, sans doute parce qu’il fut d’abord membre des Jeunesses communistes. Dans un questionnaire biographique rempli pour le PCF en 1945, il écrit : « J’ai adhéré au PC au lendemain du 6 février 1934, aussitôt mon adhésion je fus chargé par Cyprien Quinet* de former la cellule communiste de Libercourt et la section syndicale unitaire des mineurs dont je devins le secrétaire. »
Dès lors, Léon Delfosse participa activement à la vie politique et syndicale (CGT puis CGTU) du Pas-de-Calais. Il cumula les fonctions : membre du secrétariat de la section de Carvin, secrétaire adjoint de la section syndicale des mines d’Ostricourt, administrateur du syndicat des mineurs du Pas-de-Calais, délégué mineur suppléant au 3 et 5 d’Ostricourt, secrétaire de la section syndicale unifiée de Tibercourt (Libercourt), secrétaire trésorier de la Caisse de solidarité des puits 3 et 5 d’Ostricourt.
Fait prisonnier lors de l’avance allemande de mai 1940, Léon Delfosse réussit à s’évader et à reprendre son travail à la mine. Il milita clandestinement et participa à la grève des mineurs mais resta « légal » jusqu’au 1er mai 1942. Nommé responsable régional aux masses, il était recherché par la police française et par la Gestapo. Victime d’une « dépression nerveuse » selon les responsables des cadres, il partit, séjourna chez son parrain dans l’Est puis gagna Saint-Étienne. Il reprit contact avec François Mogilany, ancien responsable polonais du Pas-de-Calais afin d’entrer en liaison avec le parti. Au moment où il attendait une réponse, il fut arrêté par la police de Saint-Étienne pour activité communiste. Transféré à Béthune au mois de mars 1943, puis à Douai au mois d’avril 1943, il y suivit les cours de Jean-Marie Fossier*. Le tribunal de Douai le condamna à six ans de prison pour sa participation à des actions clandestines. Il s’évada du camp d’Éperlecques (Pas-de-Calais) en juillet 1943 avec 280 détenus et rejoignit la Résistance. Responsable régional du Nord pour les mineurs au sein du comité d’unité syndicale et d’action, il prépara la grève insurrectionnelle d’août 1944, puis participa au combat de Waziers du 31 août au 2 septembre 1944. Il termina la guerre avec le grade de Capitaine FFI.
Léon Delfosse fut nommé à la Libération directeur général adjoint des Houillères du Nord et du Pas-de-Calais, ce qui lui donna l’occasion de visiter les mines anglaises et polonaises avec Auguste Lecœur. Il fut également conseiller municipal et maire de Libercourt.
Le Parti communiste lui fit suivre une École centrale en juin 1945, puis de novembre 1945 à février 1946 où le directeur le jugea : « Très travailleur mais esprit confus [...] Très modeste et plein de bon sens, très pratique. » Sa participation aux grèves de fin 1947, début 1948 lui valut des condamnations à quarante jours de prison et à un mois de prison.
Léon Delfosse entra au comité central en 1950 (suppléant) dans le cadre de l’ouvriérisation de cette instance, fut réélu en 1954 (suppléant) et 1957 (titulaire), mais non réélu en 1959.
Le 14 novembre 1947, il fut révoqué de son poste d’administrateur des Charbonnages de France pour avoir critiqué les orientations du gouvernement. Le lendemain, 1 500 mineurs du Pas-de-Calais se mirent en grève pour défendre Delfosse et Victorin Duguet*, mineur et président des Charbonnages, qui avait démissionné le 10 novembre pour protester contre les sanctions salariales pour les ouvriers absents, l’augmentation du prix du charbon et la suppression de la subvention gouvernementale aux Houillères. Dès janvier 1947, un rapport de la Sûreté générale et des Renseignements généraux prévenait contre une telle mesure. L’avertissement était repris dans un texte du 15 novembre, indiquant que la décision serait « interprétée dans les milieux syndicaux cégétistes comme un coup de force contre les ouvriers dont [Léon Delfosse] paraît être le chef de file le plus populaire » (cité par Robert Mencherini). Cet événement fut, selon l’historien Robert Mencherini, l’étincelle déclenchant le mouvement gréviste dans le Nord.
D’après la réunion du comité central de grève le 1er décembre 1947, Delfosse était à la tête de 5 000 mineurs grévistes et avait obtenu le débrayage du dernier puits à Oignies.
Le 13 mai 1948, Léon Delfosse comparut avec huit autres dirigeants de la CGT (dont Jean Havez et Armand Moche) devant le tribunal correctionnel de Douai pour entrave à la liberté du travail. Il fut condamné à un mois de prison et 3 000 F d’amende (peine se confondant avec une autre prononcée par le tribunal correctionnel de Béthune). Secrétaire de la fédération régionale des mineurs au début des années cinquante, il était secrétaire de la Fédération du Sous-Sol à la fin des années cinquante et au début des années soixante. Il présida à ce titre à la sixième séance du 33e congrès de la CGT, à Ivry (28 mai-2 juin 1961). L’année suivante, il suivit la grève de 64 jours aux mines de Decazeville.
Il était marié à Victorine Wottez, ménagère, fille d’un mineur communiste, communiste elle-même. Le couple eut deux enfants, une fille et un garçon.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22039, notice DELFOSSE Léon par Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Claude Pennetier

SOURCES : Arch. comité national du PCF. — RAGSPI, 495 270 91. — Interview de Léon Delfosse par Serge Zeyons, La Vie Ouvrière, 27 décembre 1976. — Robert Mencherini, Guerre froide, grèves rouges, op. cit. — Roger Pannequin, Adieu camarades, Sagittaire, 1977. — Notes de Paul Boulland et de Christian Lescureux.

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