Par Claude Pennetier
Né le 18 août 1923 à Vimy (Pas-de-Calais), fusillé le 21 février 1944 au Mont-Valérien, commune de Suresnes (Seine, Hauts-de-Seine) ; ajusteur ; résistant FTP-MOI, un des condamnés du procès dit de l’Affiche rouge.
Le père de Rino Della-Negra, Riziéri Della-Negra, briquetier, était né le 2 septembre 1898 à Faedis (Udine, Italie) ; sa mère, Anna Nannini, était née le 6 septembre 1904 à Segnacco (hameau de Tarcento, Udine, Italie). La famille, suivant les emplois du père, quitta Vimy en 1926 pour s’installer à Argenteuil, 119 route de Sannois, quartier de Mazagran. La ville comptait de nombreux travailleurs italiens souvent originaires de Vénétie et porteurs d’une forte culture antifasciste.
Élève studieux puis apprenti ajusteur aux usines Chausson d’Asnières en 1937, Rino Della-Negra fréquentait le Football Club d’Argenteuil et la Jeunesse sportive argenteuillaise (JSA). Cet excellent joueur eut ainsi la possibilité de participer comme avant-centre à une finale entre JSA et Champigny-sur-Marne. En 1942, il joua comme ailier droit dans l’équipe prestigieuse du Red Star olympique de Saint-Ouen.
Della-Negra, qui ne semble pas être formellement membre du Parti communiste, entra dans les FTP-MOI (3e détachement italien) en octobre 1942 et eut le matricule 10293. Réfractaire au STO, il se cacha chez un ami arménien puis dans diverses planques sans tenir au courant sa famille : « Je regrette de ne pas vous avoir dit ce que je faisais mais il le fallait », écrivit-il dans sa dernière lettre. Sous le contrôle de Missak Manouchian, ses principales actions eurent lieu en juin 1943 : 7 juin (Boris Holban dit le 3), exécution du général Von Apt, 4 rue Maspero ; 10 juin, attaque du siège central du Parti fasciste italien, rue Sédillot ; 23 juin, attaque de la caserne Guynemer à Rueil. Sa dernière action eut lieu le 12 novembre 1943 avec l’attaque de convoyeurs de fonds allemands, en compagnie de Robert Witchitz, au 56 rue de La Fayette. La police semble avoir été informée de l’opération à l’occasion de celle du 26 octobre. Blessé, il fut repéré quelques heures plus tard rue Taitbout, à nouveau blessé et arrêté. Conduit à la Salpêtrière, il fut ensuite emprisonné au Cherche-Midi. Rino Della-Negra passa en procès avec les « terroristes de l’Affiche rouge » le 17 février 1944. Sa photo ne fut pas retenue pour la fameuse Affiche rouge, peut-être en raison de son physique avantageux. Les Allemands le fusillèrent le 21 février 1944 au Mont-Valérien parmi vingt-deux victimes. L’abbé Franz Stock qui assistait les condamnés écrivit dans son journal du 21 février : « Della negra Rino, était simplement baptisé, a reçu la 1er communion. »
Il fut enterré au cimetière d’Ivry-sur-Seine dans le Carré des Fusillés, avec Manouchian. Il laissa une lettre simple et émouvante à son frère cadet, en ajoutant ses adieux à tout le Red Star tant le football occupait une place importante chez ce jeune homme de vingt ans.
Rino Della Negra a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI), et Interné résistant.
Une rue tout comme une salle de réunion portent son nom à Argenteuil. Une plaque, posée à l’occasion du cinquantième anniversaire du 21 février 1944, le commémore sur le monument aux morts de Vimy, sa ville natale. Une plaque commémorative a été inaugurée au stade Bauer de Saint-Ouen lors du soixantième anniversaire de sa mort. En novembre 2020, la municipalité de Saint-Ouen dirigée par M. Karim Bouamrame a décidé de donner le nom de Rino Della Negra à une rue de la ville.
Par Claude Pennetier
SOURCES : Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le Sang de l’étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, 1989. – Boris Holban, Testament, Calmann-Lévy, 1989. – Antonio Canovi, Argenteuil Creuset d’une petite Italie-Histoire et mémoire d’une migration, Pantin, Le Temps des Cerises, 2000. Traduit de l’italien par Marie-Pacale Travade (Cavriago ad Argenteuil. Migrazioni Comunità Memorie, Cavriago, ISTORECO, 1999, 365 p.). – Antonio Bechelloni, « Antifascistes italiens en France pendant la guerre : parcours aléatoires et identités réversibles », Revue d’histoire moderne et contemporaine, avril-juin 1999, p. 280-295. – Idem, « Antifascist Resistance in France from the ``Phony War’’ to the Liberation : Identity and Destinies in Question », in Donna R. Gabaccia and Fraser M. Ottanelli (sous la dir.), Italian workers of the World, Labor Migration and the Formation of Multiethnic States, Urbana and Chicago, University of Illinois Press, 2001, p. 214-231. – La Résistance en Île-de-France, DVDrom, Paris, AERI, 2004. – Claude Deawaele, « Rino Della Negra », Archives du site allezredstar.com. – Renseignements et état civil fournis par la mairie de Wimy.— Franz Stock, Journal de guerre. Écrits inédits de l’aumônier du Mont Valérien, Cerf, 2017, p. 191-192. -Bastien Gens, "L’histoire de Rino Della Negra, l’ancien joueur du Red Star fusillé en 1944 devenu une icône du club, L’Équipe, 19 octobre 2022. — Bureau Résistance GR 16 P 170891.