Par Yves Lequin, Jean Maitron, Claude Pennetier
Né le 4 janvier 1905 à Paris (Ier arr.), mort le 22 décembre 1984 à l’hôpital de Bicêtre ; employé de bureau, puis comptable ; syndicaliste et militant communiste, membre de la commission exécutive de la CGTU (1931-1933), secrétaire de la Fédération unitaire des employés (1930-1936), secrétaire de la Fédération (unifiée) des employés de la CGT (1936-1939) puis secrétaire général (1946-1966) ; membre du Conseil national économique (1936-1940), membre du Conseil économique et social (1959-1969).
Très atteint par la mort de son père tué au front en 1918, par les souffrances nées de la guerre, Pierre Delon participa avec enthousiasme à toutes les actions antimilitaristes et pacifistes, notamment à celles organisées par le Comité d’entente des Jeunesses communistes, Jeunesses anarchistes et Jeunesses syndicalistes en 1921 contre le rappel des réservistes puis contre l’occupation de la Ruhr. Il poursuivit son activité militante au régiment, dans le camp retranché de Metz et contre la guerre du Maroc. Syndiqué dès 1920 - à quinze ans donc, il fut également militant actif des Jeunesses communistes et siégea un moment, en 1927, au bureau de la 4e Entente.
À son retour de l’armée, il continua à militer sur le plan politique mais c’est surtout vers l’action syndicale qu’il s’orienta nettement. Devenu employé de bureau (coursier, téléphoniste, dactylo), il travailla dans une entreprise occupant trois cents employés dans les salaires étaient médiocres. En dehors de quelques adhérents CFTC, deux seulement étaient syndiqués : l’un unitaire (Chambre syndicale des Comptables), l’autre confédéré (Chambre des Employés). Delon forma alors une petite section CGTU avec deux ou trois nouveaux adhérents et édita quelques tracts, sans aucun résultat d’ailleurs. Un grand débat eut lieu en 1930 à la Chambre syndicale des comptables, teneurs de livres et employés aux écritures affiliés à la CGTU Pierre Delon mit Gilhodes* en minorité et fut élu secrétaire. En décembre, il devint secrétaire de la Fédération unitaire après la démission de Ch. Doucet et fut théoriquement permanent, après avoir quitté une place récente où il gagnait beaucoup plus, et il n’y eut jamais assez de ressources à la Fédération pour le payer régulièrement. Aussi, en 1932, il conserva son poste mais chercha du travail. Il fut membre de la Commission exécutive de la CGTU de 1931 à 1933 et conserva son poste de secrétaire à la Fédération Unitaire des Employés de 1930 à 1936. Il fut chômeur, occupa quelques emplois précaires puis, en 1933, fut élu au secrétariat de la 20e Union régionale des syndicats unitaires, chargé de la banlieue est et dirigea l’activité revendicative, de nombreuses grèves et eut, pour l’Union régionale en général, la responsabilité des Assurances sociales et de la lutte antifasciste. À ce dernier titre, il s’occupa du Mouvement Amsterdam - Pleyel dont il devint le secrétaire régional en 1934. Il fut enfin, en mai 1935, candidat communiste aux élections municipales dans le quartier de la Roquette, XIe arr., où il recueillit 1 305 et 2 715 voix sur 7 305 inscrits. Épuisé - il n’avait pratiquement pas de salaire - il dut cesser son activité. En juillet, les syndicats soviétiques lui offrirent un séjour dans une maison de repos et il passa cinq semaines au Caucase puis, à son retour à Moscou, il participa au travail de l’Union professionnelle de l’ISR (Internationale syndicale rouge) dont il avait été élu secrétaire à une conférence illégale tenue à Berlin en mars 1931.
Rentré à Paris le 3 octobre 1935, toujours secrétaire fédéral mais aussi chômeur, Delon tint divers petits emplois puis Vaillant-Couturier, rédacteur en chef de l’Humanité, lui demanda d’assurer la rubrique « Vie sociale » du journal.
À nouveau candidat communiste aux élections municipales en février 1936 dans le quartier du Mail, IIe arr., il le fut encore dans ce même arrondissement aux élections législatives d’avril. En tête des candidats de gauche au premier tour avec 2 229 voix sur 11 637 inscrits (19,2 %) et 10 378 votants, il bénéficia au second tour du désistement du socialiste Delecambre, du néo-socialiste Dacqmine et du radical-socialiste. Avec 4 057 voix sur 10 285 votants, il ne fut devancé que de 27 voix.
Au congrès de Strasbourg où fusionnèrent, à Pâques 1936, les deux organisations jusque-là rivales des Employés, il fut élu secrétaire (non-permanent) de la nouvelle Fédération de la CGT, (seul ancien « unitaire » du secrétariat), O. Capocci*, étant secrétaire général. Il conserva cette fonction dans les années suivantes tout en se rangeant, à la veille du congrès confédéral de Nantes, à l’automne 1938, parmi les signataires de la motion dite de la Vie ouvrière sur laquelle s’étaient regroupés les anciens « unitaires ». Mais il en fut révoqué le 2 septembre 1939, avec l’ensemble des responsables communistes, alors qu’il était sous les drapeaux.
Mobilisé comme sergent au 402e régiment de DCA, Delon fut fait prisonnier en juin 1940 mais s’évada en juin 1943 grâce à de faux certificats de réforme et rejoignit aussitôt la Résistance. Il devint responsable de l’interrégion Nord-Pas-de-Calais du Front national et des FTP avec rang de colonel - voir Léa Toussenel. Il dirigea la Libération de Lille et organisa la republication du quotidien communiste Liberté.
Pierre Delon fut conseiller municipal communiste du 4e secteur de Paris de 1945 à 1948. Il était secrétaire général du journal l’Humanité en 1945.
À la Libération, il reprit ses fonctions de secrétaire à la Fédération des Employés, permanent à compter seulement de mai 1946.
La scission de sa Fédération eut lieu officiellement le 4 janvier 1948. Une majorité se prononça à la CE pour l’adhésion à Force Ouvrière mais, parmi les syndiqués, les forces étaient sensiblement égales. En quelques mois, comme ce fut très souvent le cas dans le privé, près de la moitié des adhérents abandonnèrent les syndicats. Le patronat en profita et, en mars 1948, les grands magasins supprimèrent les deux jours de repos consécutifs, si chers aux employés et vendeuses de commerce. Delon proposa aussitôt aux deux autres Fédérations (FO et CFTC) une action commune qui fut acceptée. Délégations et meetings présentèrent et firent adopter des motions condamnant toute atteinte au droit de grève, problème posé alors au Parlement et le mouvement contre la suppression des deux jours de repos consécutifs fut victorieux.
Pierre Delon fut secrétaire général de la Fédération CGT des Employés d’avril 1950 à 1966 ; il renonça alors à ce titre et fut nommé président. En 1955, il était entré à la CA de la CGT avant de passer, en 1967 et jusqu’en 1969, à sa Commission de contrôle financier ; de 1959 à 1969, il avait représenté la Confédération au Conseil économique et social. Pour se consacrer à plein temps à ses activités syndicales, il avait démissionné en avril 1948 du conseil municipal de Paris où il avait été élu en avril 1945. Par ailleurs, il siégea jusqu’en 1969 au conseil général de la Fédération syndicale mondiale (FSM) où il avait contribué à créer une Union internationale des Employés.
Pierre Delon avait épousé le 21 mars 1931 à Paris, XVe arr. Paulette Maurin dont il divorça le 31 octobre 1947. Il se remaria le 22 avril 1948 à Neuilly-sur-Seine avec Simone Patry née le 9 juillet 1916 à Pantin. Son fils André, professeur, mourut dans un accident de voiture le 5 juillet 1964. Dans les dernières années de sa vie, Pierre Delon vivait à Gentilly avec Louise Dachicourt*.
Fervent de l’unité d’action et de l’unité syndicale, P. Delon a su, tout au long de sa carrière militante et en dépit des circonstances, garder le contact avec les différents courants syndicaux.
Par Yves Lequin, Jean Maitron, Claude Pennetier
ŒUVRE : Collaboration à L’Humanité (1935-1937 et après 1946), au Peuple et à Antoinette (nouvelles). — Quelques chansons et poèmes, s.d. — Assurances Sociales, 1930. — Les Employés, 1934. — L’Évolution du Commerce, 1945. — Le ravitaillement de Paris, 1945. — Un siècle de lutte des employés, 1950. — Ce que j’ai vu en URSS, 1951. — Le syndicalisme chrétien en France, 1955, nouvelle édition 1965. — Les grandes grèves de 1957, 1957. — Les employés, de la plume d’oie à l’ordinateur, 1969. — Les conquêtes ouvrières (en collaboration) 1971. — Les travailleurs du Bâtiment dans la Résistance, 1972.
SOURCES : Arch. Nat. F7/13722. — Arch. PPo. 300, février 1935. — Arch. Ass. Nat., résultats électoraux. — Arch. Jean Maitron. — La Vie ouvrière. — Interview de P. Delon par Jean Maitron et lettre, décembre 1981. — G. Bourgeois, thèse de IIIe cycle, 1983, Nanterre.