GLAVAŠ Marija, ou Marie [Née PEČI Marija, dite Sonia à Paris, IVKOVIĆ Marija à Moscou, PELOŽA Marija en Espagne, GLAVAŠ Marija après la Seconde Guerre mondiale]

Par Hervé Lemesle

Née le 20 novembre 1902 à Našice près d’Osijek (Autriche-Hongrie, Croatie actuelle), morte le 6 mai 1988 à Zagreb (Yougoslavie, Croatie actuelle) ; couturière puis infirmière ; émigrée en France et en URSS, militante du Parti communiste ; volontaire en Espagne républicaine ; employée en Yougoslavie après 1945.

Marija Glavaš après 1945. Source : AJ, Belgrade, dossier personnel.

Née dans une famille ouvrière, fille de Mijo Peči et Terezija Simon, Marija Peči fréquenta l’école élémentaire pendant cinq ans puis fit un apprentissage de couturière. Elle s’engagea dans le mouvement ouvrier en 1927 à Zagreb, où elle fit la connaissance de Josip Broz dit plus tard Tito (1892-1980), qui prit la tête du Comité local du Parti communiste de Yougoslavie (KPJ) et s’opposa aux luttes de fractions qui y sévissaient depuis le début des années 1920. Dans une interview accordée à une jeune journaliste du quotidien belgradois Politika en 1975, elle décrivait ainsi son activité militante : « J’ai donné tout mon argent au Parti, pour la propagande. Et plus important encore, comme couturière j’étais "propre" aux yeux de la police, et il ne m’était pas difficile d’avoir des papiers en règle qui m’ont aidé dans mon travail illégal ».

Elle émigra en France le lendemain de la proclamation de la dictature par le roi Alexandre Ier Karađorđević le 6 janvier 1929. À Paris, elle demeura passage des Thermopyles (XIVe arr.), fut admise en 1930 dans la section yougoslave du PCF, animée alors par un autre futur volontaire en Espagne républicaine, Aleš Bebler (1907-1981). Elle militait dans la cellule de la rue Falguière (XVe arr.) et s’impliquait dans la CGTU, la Croix-Rouge et une société de chant. Sur proposition du KPJ, elle fut envoyée en décembre 1931 (janvier 1933 selon elle) à Moscou. Elle y fut bibliothécaire puis étudiante à l’Université communiste des minorités nationales de l’Ouest (KUNMZ) avec Drago Simeoni dit Drago Ivković (1900-1967), un instituteur également natif de Slavonie, qu’elle avait peut-être rencontré à Zagreb et certainement épousé à Paris et qui s’était exilé après avoir purgé huit mois de prison en Croatie. Le Comité central du KPJ lui ordonna en juillet 1936 de rentrer à Paris, où elle suivit un cours de premiers soins, tandis que Drago Simeoni gagna directement l’Espagne sous le pseudonyme de Drago Peloža.

Marija Peči quitta Paris en train en avril 1937 avec Liza Gavrić (1907-1974), et elles embarquèrent à Marseille pour Barcelone sur le Ciudad de Barcelona, torpillé un mois plus tard par un sous-marin italien. Elle évoquait plus tard cette traversée : « Je n’oublierai jamais ce voyage en bateau. Nous étions de toutes les nationalités possibles, mais nous voulions et pensions tous la même chose – aller en Espagne pour aider. Et les "stukas" allemands survolaient si bas que nous ne sortions pratiquement pas sur le pont. Nous ne nous sommes pas séparés de notre gilet de sauvetage pendant toute la traversée. Le bateau naviguait toujours près de la côte, au cas où les fascistes attaqueraient… Quand nous sommes arrivés en Espagne, nous avons appris que les Allemands avaient coulé un navire qui avait quitté Marseille le même jour que le nôtre. Il était plein de volontaires ».

Accueillie par le chef des Brigades internationales André Marty et le dirigeant du service de santé dit Cvetan Kristanov Oskar Telge (1898-1972), elle fut affectée comme infirmière à l’hôpital n°1 d’Albacete puis à Mahora, où elle travailla avec enthousiasme selon son propre témoignage publié en 1971, alors que la caractéristique rédigée en 1941 à Moscou à partir des appréciations portées en Espagne affirma qu’elle n’avait manifesté « aucun intérêt pour la lutte du peuple espagnol et pour son travail professionnel ». Dans sa déclaration au CC du KPJ rédigée à son retour à Paris en 1939, Liza Gavrić, qui n’avait pas travaillé avec elle, l’estimait « incapable ». Sa faible mobilisation fut peut-être liée à la grave blessure à la jambe de son mari Drago Simeoni, qui combattit sur le front de Madrid dans le bataillon Thälmann de la 12e BI, fut hospitalisé à Murcia, commissaire politique de l’hôpital et évacué en France mi 1937. Il est certain que son profil militant – une ouvrière passée par Moscou, stalinienne convaincue comme l’atteste son témoignage accusant un médecin d’avoir sciemment infecté des volontaires blessés – et ses liens avec Josip Broz devenu entre-temps le secrétaire provisoire du KPJ faisaient d’elle une personne de confiance. Il est même possible que son emploi comme infirmière ne fût qu’une couverture, ce qui expliquerait le fait qu’elle n’ait pas rejoint les autres volontaires à Murcia. Quoi qu’il en soit, elle fut chargée d’accompagner les cadres du KPJ venus en Espagne, l’écrivain croate August Cesarec (1893-1941) et l’ancien secrétaire à l’organisation de l’Internationale des jeunes communistes (KIM) Stjepan Cvijić (1905-1938), lorsqu’ils retournèrent en France, fin novembre 1937.

Après avoir travaillé quelques temps à Paris pour le KPJ, Marija Peči partit en février 1938 pour une mission confiée par Ivan Srebrenjak – dit Antonov, un cordonnier de Slavonie lui aussi passé par Moscou et devenu agent des services secrets de l’Armée rouge (GRU) – en Italie, où Drago Simeoni séjournait également. Elle se rendit ensuite à Zagreb comme courrier du CC chargée de transmettre des consignes concernant le recrutement et l’envoi des futurs volontaires au cadre du Parti communiste de Croatie (KPH) récemment créé Ognjen Prica (1899-1941) et au responsable du Secours rouge Stevan Galogaža (1893-1944). Elle revint à Paris puis rentra définitivement à Zagreb fin 1938, mais son époux ayant été arrêté à son retour au pays puis assigné à résidence à Vukovar (Slavonie), elle l’y rejoignit. Le couple parvint à retourner à Zagreb en 1940, mais lui étant invalide et elle malade, ils ne rallièrent pas les partisans de Tito en 1941. Marija Peči s’impliqua toutefois activement dans le mouvement de résistance clandestin, cachant des militants recherchés, participant à des réunions clandestines, collectant du matériel médical et des faux papiers.

Après la Libération, Marija Glavaš, qui avait rompu avec Drago Simeoni et eut une fille avec son nouvel époux Šime Glavaš, un employé de commerce, soigna des blessés pendant un an puis travailla dans l’administration du 6e rayon du KPH à Zagreb jusqu’en 1948, quand elle fut déclarée inapte au travail à cause d’un ulcère. Pensionnée à partir de 1952, elle resta active dans la Ligue des communistes de Yougoslavie (SKJ, nouveau nom du KPJ à partir de 1952), la Ligue socialiste du peuple ouvrier de Yougoslavie (SSRNJ), mouvement de masse contrôlé par la SKJ, et la Ligue des syndicats de Yougoslavie (SSJ) et la direction du Front des femmes antifascistes (AFŽ). En 1975, elle reçut la journaliste de Belgrade dans son appartement situé dans le quartier de Dubrava au nord-est de Zagreb « comme toutes les grands-mères du monde » : elle lui offrit d’abord à boire et à manger, puis parla avec fierté de ses petits-fils en montrant leurs photographies, et poursuivit la discussion en évoquant la météo, ses varices, ses insomnies. Elle aborda modestement son activité militante dans l’entre-deux-guerres « comme les choses les plus simples du monde ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article221248, notice GLAVAŠ Marija, ou Marie [Née PEČI Marija, dite Sonia à Paris, IVKOVIĆ Marija à Moscou, PELOŽA Marija en Espagne, GLAVAŠ Marija après la Seconde Guerre mondiale] par Hervé Lemesle, version mise en ligne le 17 décembre 2019, dernière modification le 6 janvier 2022.

Par Hervé Lemesle

Marija Glavaš après 1945. Source : AJ, Belgrade, dossier personnel.
Avec Drago Simeoni en 1937 à Albacete
En 1975 à Zagreb (source : Politika)

ŒUVRE : « Sedam mjeseci u Albaseti » [Sept mois à Albacete], in Čedo Kapor et alii, Španija 1936-1939 [L’Espagne], Belgrade, Vojno-izdavačko zavoda, 1971, vol.3, pp.249-250.

SOURCES : RGASPI (Moscou), 495.270.4339, questionnaire de Marija Peči pour entrer au VKP(b) du 30 mars 1933 ; 545.6.1529 caractéristiques n°824 (Marija Peloža) et 825 (Drago Peloža) du 19 mai 1941. – Archives de Yougoslavie (AJ, Belgrade), 724.Šp.VIII-G15 (Marija Glavaš) et S31 (Drago Simeoni), dossiers personnels, questionnaires et autobiographie sans date. – Slobodanka Ast, « Naše Španjolke 1936-1939. 5 Jedna obična baka » [Nos Espagnoles. Une grand-mère ordinaire], Politika, 12 mars 1975. – Anija Omanić, « Žene učesnice u Španskom ratu sa područja bivše Jugolavije » [Les femmes des territoires de l’ancienne Yougoslavie engagées dans la guerre d’Espagne] in Č. Kapor, Za mir i progres u svijetu [Pour la paix et le progrès dans le monde], Sarajevo, SUBNOR BiH, 1999, pp.135, 137 et 139. – Avgust Lešnik et Ksenja Vidmar Horvat, « The Spanish Female Volunteers from Yugoslavia as Example of Solidarity in a Transnational Context », The International Newsletter of Communist Studies, vol. XX/XXI (2014/2015), n°27-28, p.45. – Ingrid Schiborowski et Anita Kochnowski (éd.), Frauen und der spanische Krieg 1936-1939. Eine biografische Dokumentation, Berlin, Verlag am park, 2016, p.133, version actualisée en ligne.

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