RESCHITZ ou REŠIĆ Ottilia [dite RESCHITZ-ZANONI Ottilia]

Par Hervé Lemesle

Née le 24 février 1903 à Pula en Istrie (Autriche-Hongrie, puis Italie et Yougoslavie, Croatie actuelle), morte le 26 mars 1975 en Italie ; émigrée en Argentine et en Espagne ; internée en France ; établie en Italie après 1945, militante du Parti socialiste.

Ottilia Reschitz en Espagne avec sa fille aînée Sonia et dans ses bras sa cadette Aida ; source : A. Cantaluppi et M. Puppini.

Fille de Nicolo Reschitz et de Giovanna Stachul aux origines slaves, Ottilia Reschitz grandit à Trieste, où son père socialiste fut l’un des fondateurs du mouvement ouvrier, actif dans le monde coopératif et syndical. Après la Première Guerre mondiale, elle vécut à Gorizia (Italie) chez sa sœur, épouse du dirigeant du syndicat du bâtiment Clemente Doljac, et fit la connaissance du cheminot véronais Arturo Zanoni (1897-1967), membre du Parti socialiste italien (PSI) depuis 1914, persécuté par les fascistes et licencié en 1922 pour son activisme politique et syndical. Les deux couples partirent en 1923 en Argentine, où Ottilia Reschitz et Arturo Zanoni se marièrent en juin 1924 à Buenos Aires et eurent une première fille nommée Sonia. Arturo Zanoni trouva du travail dans les chemins de fer et poursuivit son activité militante comme cadre du syndicat des métallos, étant selon certaines sources membre du Parti communiste d’Argentine (PCA) et secrétaire de la section argentine du Secours rouge international. Son adhésion au communisme est douteuse, car il milita ensuite jusqu’à la fin de sa vie au Parti socialiste, tout en étant un partisan précoce d’une unité d’action avec le PC, dans lequel son épouse militait apparemment. Quoiqu’il en soit, il fut expulsé d’Argentine pour sa participation à un « mouvement insurrectionnel » ; les pressions de ses amis socialistes empêchèrent le retour de la famille en Italie fasciste et permirent leur départ pour l’Espagne.

Arrivés en octobre 1933 à Vigo (Galice), Ottilia Reschitz, Arturo Zanoni et la petite Sonia s’installèrent à Madrid, alors que la droite catholique conservatrice (Confédération espagnole des droites autonomes, CEDA) était revenue au pouvoir, remettait en cause les réformes lancées par les républicains modérés depuis le rétablissement de la République en 1931, et réprimait l’opposition de gauche. Arturo Zanoni fut d’ailleurs arrêté suite à l’écrasement de l’insurrection déclenchée en octobre 1934 par l’aile gauche du Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) et la Fédération anarchiste ibérique (FAI) avec le soutien du Parti communiste d’Espagne (PCE). Le rôle d’Ottilia Reschitz pendant la guerre d’Espagne est mal connu ; il se cantonna vraisemblablement à la collecte et à la distribution d’aide à l’arrière, tandis que son mari partit au front, d’abord sur celui de la Sierra Guadarrama au nord de Madrid comme chef de section dans le bataillon Octobre du 5e régiment sous les ordres du socialiste milanais Fernando De Rosa (1908-1936), puis à Guadalajara comme commandant de la 42e brigade dans la 12e division dirigé par le mécanicien communiste bolognais Nino Nannetti (1906-1937). Lorsque l’avocat républicain toscan Randolfo Pacciardi (1899-1991) quitta l’Espagne, Arturo Zanoni, promu major, le remplaça à la tête de la 12e BI de novembre 1937 à mars 1938, quand il fut destitué pour incompétence suite à la déroute de Caspe ; il devint chef de département dans une usine de munition en Catalogne.

Ottilia Reschitz quitta apparemment l’Espagne avec ses deux filles après la démobilisation des BI en septembre 1938 et s’établit dans le Sud de la France, où Arturo Zanoni la rejoignit en janvier 1939. Ils furent internés à Privas (Ardèche), puis à leur libération s’installèrent à Toulouse. Il y entra dans la Résistance avec des réfugiés espagnols et fut arrêté en 1941 ; interné à Noé (Haute-Garonne) puis au Vernet (Ariège), il fut livré aux Allemands qui le déportèrent à Dachau, tandis qu’Ottilia Reschitz demeura avec ses enfants à Toulouse.

Après la capitulation allemande, Arturo Zanoni y retrouva sa famille et retourna début 1946 en Italie. Le couple milita au PSI, puis suite à la scission de 1947 adhéra au Parti socialiste des travailleurs italiens (PSLI) favorable à l’union avec le Parti communiste italien (PCI) ; le PSLI ayant fusionné en 1952 avec le Parti socialiste unitaire (PSU) prit en 1964 le nom de Parti socialiste démocrate italien (PSDI). Arturo entra en 1949 au secrétariat national du syndicat des cheminots affilié à la Confédération générale italienne du travail (CGIL), et en devint ensuite le secrétaire-adjoint jusqu’à sa mort en 1967 à Rome. Ottilia Reschitz périt huit ans après.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article221258, notice RESCHITZ ou REŠIĆ Ottilia [dite RESCHITZ-ZANONI Ottilia] par Hervé Lemesle, version mise en ligne le 17 décembre 2019, dernière modification le 4 janvier 2022.

Par Hervé Lemesle

Ottilia Reschitz en Espagne avec sa fille aînée Sonia et dans ses bras sa cadette Aida ; source : A. Cantaluppi et M. Puppini.

SOURCES : « Lutto per l’antifascismo. Morto il compagno Arturo Zanoni », Avanti, 23 mars 1967. – Marino Buducin et Mihael Sobolevski (dir.), Naši Španjolski dobrovoljci [Nos volontaires espagnols], Rijeka, Centar za historiju radničkog pokreta i NOR Istre, Hrvatskog primorja i Gorskog Kotara, 1988, pp.294-296. – Alvaro Lopez et alii, La Spagna nel nuestro cuore 1936-1939, Rome, AICVAS, 1996, pp.389 et 505. – Avgust Lešnik et Ksenja Vidmar Horvat, « The Spanish Female Volunteers from Yugoslavia as Example of Solidarity in a Transnational Context », The International Newsletter of Communist Studies, vol. XX/XXI (2014/2015), n°27-28, pp.46-47. – Augusto Cantaluppi et Marco Puppini, Sin haber empuñado un fusil jamás : Antifascistas italianas en la guerra civil española, Cuenca, Universitad de Castilla-La Mancha, 2016, pp.111-113. – Ingrid Schiborowski et Anita Kochnowski (éd.), Frauen und der spanische Krieg 1936-1939. Eine biografische Dokumentation, Berlin, Verlag am Park, 2016, p.126, version actualisée en ligne. – Andrea Torre (coord.), Data Spanish Civil War. Oggi in Spagna, domani in Italia, 2015-2018, (Ottilia Reschitzen) et (Arturo Zanoni).

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