MANHÈS Frédéric-Henri [Henri, André alias Frédéric]

Par Daniel Grason

Né le 9 juin 1889 à Etampes (Seine-et-Oise, Seine-et-Marne), mort le 24 juin 1959 à Nice (Alpes-Maritimes) ; résistant, membre des Forces françaises libres (FFL) ; déporté à Buchenwald (Allemagne) ; Compagnon de la Libération.

Frédéric-Henri Manhès
Frédéric-Henri Manhès

Fils d’Alexandrine née Peruaux et de Félix, horlogers, Henri Manhès était bachelier, de la classe 1909 il participa à la guerre de 1914-1918 et la termina la comme commandant de compagnie avec le grade de lieutenant. Décoré de la Croix de guerre 1914-1918, blessé cinq fois, il fut cité à sept reprises, Officier de la Légion d’honneur à titre militaire. Il fut réformé et pensionné à 20%. Marié, le couple était sans enfant.
Il entra dans l’édition aux Messageries Hachette devint directeur commercial chez Tallandier, puis directeur commercial jusqu’à la fin 1933, puis entra dans l’industrie alimentaire, adhéra aux Croix de Feu.
Il alla en Espagne en 1936, assista au début de la guerre civile, de retour en France, il entra dans l’équipe de Pierre Cot, ministre de l’Air du gouvernement de Front populaire, Il y fit la connaissance de Jean Moulin. Il suivit des cours de l’École des officiers de réserve de l’infanterie et 1935 et 1936, le 1er novembre 1937 il a été admis à servir dans l’Armée de l’Air.
Commandant d’unité à la Base aérienne de Villacoublay, puis à Saint-Cyr, il fut promu au grade de commandant le 15 juin 1939. Dès la déclaration de guerre, il organisa la Défense de la base et de la région.
Début 1940, il sollicita sa mutation dans l’armée de Terre pour exercer un commandement au front. Sa demande a été rejetée. Il posa sa candidature pour effectuer des missions spéciales au-delà les lignes. Pendant les mouvements de repli de la Base du 10 au 24 juin 1940, il assura l’évacuation du maximum de matériel avant l’arrivée des avant-gardes motorisées allemandes.
Il demanda sa démobilisation dès l’annonce de l’armistice et l’obtint le 12 août 1940. Dès septembre il prit contact avec Jean Moulin. Il adhéra dès la fin 1940 au mouvement « Ceux de la Libération ». Il signa son engagement dans les Forces Françaises Libres (FFL) début avril 1941, accompagna Jean Moulin en Espagne en septembre 1941 qui rejoignit l’Angleterre. À son retour en janvier 1942 il travailla à ses côtés en zone non occupée jusqu’en mai.
Frédéric-Henri Manhès avec Pierre Meunier et Robert Chambeiron prendront contact avec « Ceux de la Résistance », « La Voix du Nord », « Libération nord », l’« Organisation civile et militaire », et des mouvements d’obédience maçonnique. Il créa un réseau d’action, de renseignements et d’évasion qui deviendra le réseau Frédéric des Forces françaises combattantes (FFC) très proches des gaullistes.
Le 27 janvier 1943 il partit pour Londres depuis les environs de Lons-le-Saulnier dans le Jura, et fut nommé délégué du Comité national français pour la zone occupée. Il revint en France le 14 février.
Il devint fondé de pouvoir de la société des Brevets A.B. il habitait officiellement à Bargemon dans l’arrondissement de Draguignan dans le Var, et disposait d’un bureau au 143 rue de Rome dans le XVIIe arrondissement, il vivait à l’Hôtel de l’Ouest dans la même rue.
Il fut interpellé le 3 mars 1943 à 9 heures 30 par cinq inspecteurs de la BS1. Fouillé, il était porteur d’une somme de cent cinq mille francs. Interrogé sur la provenance de cette somme, il refusa de donner une explication.
Concernant son engagement dans la résistance, il déclara : « Je n’ai jamais eu ni autrefois, ni maintenant à m’occuper de politique. Je n’ai appartenu à aucun moment à aucun groupement. »
« Je ne suis pas communiste. Je suis gaulliste de cœur. »
« Qu’entendez-vous par être gaulliste de cœur » lui demanda l’interrogateur. Il rétorqua : « j’entends par là que la France ne sera heureuse que lorsque l’occupation aura cessé et qu’elle sera redevenue libre et indépendante. Je pense également que le Général de Gaulle est l’homme qui est capable de permettre à la France d’atteindre ce but. » Il reconnut qu’il connaissait Robert Masspacher, mais affirma ignorer l’engagement de celui-ci au parti communiste.
Le 3 avril 1943, Frédéric-Henri Manhès fut livré au SD allemand du 84, avenue Foch à Paris (XVIe arr.). Incarcéré à la prison du Cherche-Midi administrée par les allemands puis à Fresnes, il f:ut questionné jusqu’à l’automne. Condamné à mort le 3 novembre 1943, il ne fut pas exécuté grâce à l’action de sa femme.
Il était le 22 janvier 1944 dans le convoi de 2005 hommes (49,5% rentrèrent) parti de Compiègne et arriva le 24 à Buchenwald. L’historien André Sellier souligna dans la présentation de ce convoi que : « Le transport comprend diverses personnalités dont un dirigeant important de la Résistance, futur Compagnon de la Libération, le colonel Frédéric-Henri Manhès qui s’impose auprès des responsables communistes du camp. » Il présida le « Comité des intérêts français », le vice-président était Albert Forcinal, le secrétaire Marcel Paul. Robert Darsonville, Maurice Jattefaux, Eugène Thomas et Louis Vautier étaient membre du bureau.
Dans son ouvrage La zone grise ? Olivier Lalieu a relaté le rôle très important, très souvent méconnu de Frédéric-Henri Manhès à Buchenwald. Olivier Lalieu a cité le nom de Manhès dans quatre-vingt treize pages et celui de Marcel Paul dans cent trente-trois dans un ouvrage qui en compte quatre cents treize avec les annexes. L’action et le rôle de ces deux hommes pour le respect des détenus français marquèrent durablement la mémoire résistante au-delà de Buchenwald.
Dans son ouvrage 1945 La découverte, Annette Wieviorka souligna : « c’est avec l’arrivée du résistant communiste Marcel Paul, en mai 1944, qui devient l’interlocuteur des dirigeants allemands, que le parti communiste français s’organise véritablement à Buchenwald et qu’il rassemble d’autres courants de la Résistance dans le Comité des intérêts français. Désormais, le Comité est à présent dans l’organisation de résistance du camp et peut protéger certains détenus. »
Le 11 avril 1945 dans l’après-midi, l’armée américaine conduite par le général Patton libérait Buchenwald. Le Comité militaire clandestin international l’accueillit. Le Comité des intérêts français était composé de : Henri-Frédéric Manhès, Albert Forcinal, Marcel Paul, Robert Darsonville et Jean Lloubes représentaient les Français au sein de ce comité.
Un des résistants témoigna le 12 mai 1945 devant la commission d’épuration de la police, il révéla qu’un des inspecteurs de la BS1 contre rémunération fournissait des renseignements sur les agissements et fonctionnement des BS1 et BS2 […] il toucha environ vingt mille francs. Quand Pierre Brossard fut arrêté, l’inspecteur a été interrogé par le commissaire Fernand David. L’inspecteur Q… livra immédiatement et sans contrainte l’heure et les rendez-vous. Le commissaire Fernand David a été condamné à mort et exécuté en 1945.
Frédéric-Henri Manhès a été homologué au titre des Forces françaises combattantes (FFC), et Déporté interné résistant (DIR). Il mourut le 24 juin 1959 à Nice, il fut inhumé au cimetière du Montparnasse à Paris (XIVe arr.).
Frédéric-Henri Manhès était Commandeur de la Légion d’Honneur, Compagnon de la Libération (décret du 19 octobre 1945), Croix de Guerre 1914-1918 (cinq citations), Croix de Guerre 1939-1945 (deux citations), Médaille de la Résistance, Médaille des Evadés, Croix du Combattant 1914-1918, Croix du Combattant Volontaire 1914-1918, Croix du Combattant 1939-1945, Croix du Combattant Volontaire de la Résistance, Médaille de la Victoire (dite Interalliée), Médaille Commémorative de la Grande Guerre, Médaille Commémorative de la Guerre 1939-1945, Médaille Commémorative des Services Volontaires dans la France Libre, Croix de guerre 1914-1918 (Belgique), Croix de Guerre Tchécoslovaque.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article221515, notice MANHÈS Frédéric-Henri [Henri, André alias Frédéric] par Daniel Grason, version mise en ligne le 24 décembre 2019, dernière modification le 25 mars 2022.

Par Daniel Grason

Frédéric-Henri Manhès
Frédéric-Henri Manhès

SOURCES : Arch. PPo. 77 W 3101, 77 W 3113. — Bureau Résistance GR 16 P 295538. — Annette Wieviorka, 1945 : La découverte, Éd. du Seuil, 2015. — Dictionnaire historique de la Résistance, Sous la direction de François Marcot, avec la collaboration de Bruno Leroux et Christine Levisse-Touzé, Éd. Robert Laffont, 2006, pp. 116-117 « Ceux de la Résistance » et pp. 460-461 Lecompte-Boinet Jacques (la rencontre avec Manhès). — Olivier Lalieu, La zone grise ? La résistance française à Buchenwald, préface de Jorge Semprun, Éd. Tallandier, 2005. — Jean-Christophe Notin, 1061 Compagnons. Histoire des Compagnons de la Libération, Éd. Perrin, 2000. — Pierre Durand, Les Français à Buchenwald et à Dora, Éd. Sociales, 1977. — Site internet « Les compagnons de la Libération ». — Site internet « Musée de la Résistance 1940-1945 ».

PHOTOGRAPHIE : Arch. PPo. GB 159

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