POMPÉRY (de) Théophile

Par Jean-Yves Guengant

Né le 7 janvier 1814 à Couvrelles (Aisne), mort le 29 août 1880 à Rosnoën (Finistère). agronome et un éleveur  ; conseiller général, député de 1871 à 1880, siégeant dans le groupe de la gauche républicaine  ; membre de l’Association bretonne.

Portrait de Théophile de Pompéry, daguerréotype monté en médaillon, s.d., cliché E. Goffard.

Théophile de Pompéry est issu d’une famille originaire de l’Aisne. Le grand-père, François-Hyacinthe, seigneur de Salsogne et vicomte de Couvrelles, membre de l’Ordre de Saint-Louis, occupait la charge de lieutenant dans la maréchaussée à Quimper à la fin des années 1770. Son père, Louis-Charles de Pompéry, un ancien gendarme de l’Empereur, revint s’installer avec sa famille dans l’Aisne, et vécut quelques temps à Couvrelles. Après la mort de sa femme, Louis-Charles se remaria en 1825 avec Marie Saisy de Kérampuil, issue d’une grande famille de la noblesse bretonne, dont il eut quatre enfants. Théophile et Édouard furent placés en pension à Brest. Louis-Charles acquit le domaine du Parc, à Rosnoën (800 hectares), une ferme bâtie sur l’ancien manoir du Parc, face à la rivière du Faou, dans la rade de Brest.
Le recensement de 1841 indiquait que Théophile de Pompéry était le propriétaire, vivant au domaine avec son frère Henri et six domestiques. Théophile de Pompéry exploitait le domaine avec son père Louis-Charles (1787-1854), qui s’était retiré à Brest. Il suivit les expériences menées à Grand-Jouan-en-Nozay par Jules Rieffel et son école d’agriculture. Il devint un membre actif de l’Association Bretonne. Des centaines de propriétaires aisés voulaient hâter le développement agricole de la Bretagne, et former les futurs cadres de cette agriculture moderne. Sous la Seconde République, Théophile fut inspecteur de l’Association bretonne pour l’arrondissement de Châteaulin. Les Pompéry étaient devenus des éleveurs renommés de chevaux et ont un élevage de vaches bretonnes de haut niveau : les comices agricoles qu’ils créèrent au Faou – Théophile en est le premier président en 1844 – furent très vite connues au-delà du département. Théophile de Pompéry joua un rôle d’instruction, expérimenta les assolements et amendements en systématisant l’introduction des plantes fourragères et le drainage des terres.
Théophile de Pompéry soutint activement les projets de dragage du maërl – des débris d’algues mêlés de sable et de débris coquilliers – en rade de Brest. En octobre 1846, lors de la visite du ministre de la Marine à Brest, Théophile exposait « l’urgence de faire étudier sérieusement par une commission mixte de naturalistes, de marins, d’huîtriers et d’agronomes la question des richesses sous-marines que renferme notre rade, et de rechercher les moyens les plus propres d’exploiter ces précieuses productions au triple point de vue de l’intérêt de la marine, du commerce du poisson et de l’agriculture ». mais la Marine s’opposa à toute exploitation, la rade étant considérée être une zone militaire.
Théophile de Pompéry participa activement à la réflexion menée par son frère Édouard de Pompéry sur la modernisation de l’agriculture, en lui fournissant des exemples concrets, ce dernier reprit les thèses de l’assolement alterné chères à Théophile. En 1851, Théophile de Pompéry publia un premier ouvrage qui a la particularité d’être bilingue, Quelennou var labour pe gonnidègues an douar, ou le nouveau guide du cultivateur breton. Il dédia cet ouvrage « Aux cultivateurs de la commune de Rosnoën et du canton du Faou ».
« J’ai cru atteindre plus sûrement le but, et rendre mon ouvrage plus compréhensible, pour la classe à laquelle je le destine spécialement, en plaçant une traduction bretonne en regard du texte français ; c’est d’ailleurs un moyen d’aider à la propagation de la langue française et d’en faciliter l’intelligence aux habitants des campagnes. »
Théophile de Pompéry suivit Édouard dans son engagement fouriériste, notamment lorsque ce dernier rejoignit le journal La Phalange en 1842. Théophile de Pompéry participa à la structuration du groupe finistérien en 1844, et il aida Édouard de Pompéry à se présenter aux élections à l’Assemblée constituante dans le Finistère, en avril 1848. Théophile de Pompéry fut lui-même élu conseiller général du Faou, poste qu’il occupa jusqu’en 1880. Conseiller général du Finistère sous la Seconde République, il protesta contre le coup d’État du 2 décembre 1851, mais se rallia au régime après avoir constaté le succès du plébiscite. Le sous-préfet de Châteaulin obtint de Théophile de Pompéry un courrier dans lequel ce dernier reconnaissait le nouveau gouvernement, condition sine qua non pour continuer à se présenter aux élections du Conseil général :
« Je ne serai jamais systématiquement hostile à un gouvernement, je ne comprends pas l’opposition systématique. Il n’y en a plus depuis la grande manifestation du 20 décembre [le plébiscite en faveur de Louis-Napoléon Bonaparte] J’adhère complètement et sans réserve au gouvernement du Prince Louis Napoléon ; c’est en ce sens que j’ai prêté le double serment, de conseiller général et de membre de la Chambre d’agriculture ».
Théophile de Pompéry pensait qu’une industrialisation de l’agriculture bretonne nécessitait la maîtrise des assolements et des défrichements : les cultures fourragères seraient le socle du développement de l’agriculture bretonne. En 1861, il obtint de l’assemblée départementale la création d’une prime d’assolement pour les cultivateurs, estimant que « c’est la mauvaise agriculture qui fait déserter les campagnes, parce qu’elle occupait peu de bras. Le moyen d’étendre fructueusement les opérations culturales et d’accroître la richesse agricole en fixant au sol le manouvrier rural, c’est de généraliser les assolements alternes, basés sur la culture des racines fourragères et des prairies artificielles » le nombreux bétail permettra de produire de grandes masses de fumier pour augmenter la fertilité du sol.
Il favorisa l’enseignement de l’agriculture et la diffusion des techniques parmi les simples cultivateurs. Il s’attaqua à deux grandes questions - la pression foncière (le sol est devenu une marchandise avant d’être un outil de production) - la difficulté à mobiliser des capitaux afin d’accompagner la modernisation des campagnes.
Il proposait pour moderniser l’agriculture bretonne de maintenir une forte population rurale, des paysans propriétaires et des équipements identiques à ceux des villes (hôpitaux, dispensaires, bureaux de bienfaisance). La pierre angulaire de sa politique était l’enseignement agricole, qui favorise le maintien des paysans et l’émergence d’une élite rurale. En 1872, il quitte l’Association bretonne, où à son avis plus rien de constructif se fait.
En 1871, il est le seul conseiller général du Finistère à s’opposer à la création d’un dépôt de mendicité départemental. Il estime préférable de continuer l’assistance dans les communes. Le système répressif, outre son incapacité à résoudre le problème de la mendicité (plusieurs dizaines de milliers de mendiants sont recensés en Finistère, soit environ 10 % de la population) a, selon lui, pour inconvénient de disperser les mendiants dans les campagnes. Il lui opposa l’instruction primaire et la lutte contre l’ivrognerie, qu’il pensaite être à l’origine de la déchéance de nombreux parents.
À la fin de l’Empire, Théophile de Pompéry participa à l’organisation des républicains dans le département. Il échoua aux élections de février 1871, mais conquiert, lors d’une élection partielle le 2 juillet 1871, un siège de député du Finistère. Il œuvra au sein de la gauche républicaine, de tendance modérée. Il échoua aux sénatoriales de 1876, sur la liste républicaine, comprenant Armand Rousseau - fils de Louis Rousseau, ancien saint-simonien, Penquer, et Morvan. Réélu en 1876, il signa la motion de défiance au président Mac-Mahon qui entraîna la dissolution de la chambre des Députés puis la victoire des républicains en 1877. Sept députés finistériens sur dix avaient signé la défiance au président, ancrant le département dans le camp républicain.
Malgré une campagne de dénigrement des monarchistes, il fut réélu, pour un troisième mandat, en octobre 1877. La politique ne l’intéressait que dans la mesure où elle faisait progresser ses thèses sur la modernisation de l’agriculture. Son action à la Chambre porta en effet essentiellement sur cette question. Il combattit également pour la répression de l’ivrognerie, qu’il considère comme l’une des plaies les plus graves de la population rurale bretonne. On aimait à se moquer de ce député, un aristocrate rouge et un homme qui parlait le breton ! Au Conseil général, où il siégea jusqu’à sa mort en 1880, il fut membre de la commission de l’agriculture. Il défendit le développement économique des campagnes et l’amélioration des populations les plus fragiles, les « filles-mères » rejetées par la société, les orphelins, pour lesquels il réclama des structures d’accueil et le développement de l’enseignement gratuit et laïque.
Quelques jours avant sa mort, alors qu’il était très malade, il se fit transporter à l’assemblée départementale pour le vote du président : la gauche républicaine l’emporta, et son ami Auguste Penquer, maire de Brest, fut élu président. Il décéda à Rosnoën le 29 août 1880. Une statue, représentant un personnage féminin portant couronne de laurier et tenant une gerbe de blé et un outil agricole, fut érigée en 1884 sur le champ de foire du Faou. Elle a été commandée par son frère Édouard de Pompéry et porte l’inscription suivante :
« À LA MEMOIRE DE M.M. DE POMPERY INITIATEURS EN CE PAYS DU PROGRES AGRICOLE 1830-1880 PAR LEUR FILS ET FRERE EDOUARD COMICE DU FAOU 1884 ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article221575, notice POMPÉRY (de) Théophile par Jean-Yves Guengant , version mise en ligne le 27 décembre 2019, dernière modification le 27 décembre 2019.

Par Jean-Yves Guengant

Portrait de Théophile de Pompéry, daguerréotype monté en médaillon, s.d., cliché E. Goffard.
Statue à la mémoire des frères Edouard et Théophile de Pompéry (1883)
Oeuvre de Mathurin Moreau (1883). Le Faou, place des Foires. Cliché H. Moreau
En fonte de fer peint et dorée, de grandeur nature, placée sur un socle carré en granite à stylobate et corniche.

SOURCES  : Jean-Yves Guengant, Pour un nouveau monde, les utopistes bretons au XIXe siècle, éditions Apogée, Rennes, 2015. — L. le Gall, « Le 2 décembre 1851 dans le Finistère, un coup d’Etat évanescent ? », Revue d’histoire du XIXe siècle, 22-2001, « Autour de décembre 1851 ». — Congrès de l’Association bretonne. — Archives nationales, Fonds Fourier e t Considerant. — Rapports du conseil général du Finistère, Alphonse Lion, Quimper, 1861, p. 122. — Théophile de Pompéry, De l’émigration des populations rurales dans les villes ; réponse à la question posée au programme du Congrès de Saint-Brieuc, Association bretonne, 1853.

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