Ruines, aujourd’hui Ruynes-en-Margeride (Cantal), 10 juin 1944

Par Eric Panthou, Patrick Bec

Le 10 juin 1944, lors de la bataille du Mont-Mouchet entre maquisards et armée allemande, 26 civils (dont deux femmes et un enfant) sont fusillés à Ruynes-en-Margeride par la SS Polizei Regiment 19.

Au petit matin du 10 juin, les troupes allemandes contre-attaquent après avoir regroupé leurs forces contre le maquis du Mont-Mouchet.

Le samedi 10 juin 1944 vers midi, le détachement allemand de reconnaissance n° 1000 Aufklärungsabteilung, trois compagnies d’Azerbaïdjanais, probablement deux compagnies du 19e régiment SS de Police de l’ordre, soit 800 à 900 hommes, sous le commandement du chef de bataillon Enns, a quitté Saint-Flour pour monter à l’assaut du maquis du Mont-Mouchet. (Martres)
Dans « A nous, Auvergne ! », Gilles Lévy et Françis Cordet donnent un compte-rendu très précis du passage à Ruines, devenu -Ruynes-en-Margeride en 1962 - de la colonne allemande :
« A 14 heures, des coups de feu éclatent sur la route de Saint-Flour (...) ; le jeune Boulet tout essoufflé arrive en criant : "Les Allemands sont là." Les premières victimes civiles, René Claude et Henri Rousseau, viennent d’être abattues sous les yeux du jeune Boulet à moins de deux kilomètres de là. Une colonne allemande d’environ 250 hommes atteint le bas de la côte qui mène au bourg de Ruynes-en-Margeride. Le garde champêtre Vital Boulet donne à son tour l’alarme. Les hommes jeunes et valides se terrent dans les ravins proches. La colonne aborde le village selon des ordres précis. Les Allemands vont s’y livrer à un véritable massacre.
Deux maisons flambent déjà ; dans la première deux enfants malades sont jetés hors du lit. Mme Simone Barlier est abattue dans son jardin ; un peu plus loin c’est le tour de Dominique Tanari, réfugié marseillais de soixante-quatre ans, qui coupe son bois. De toutes les maisons les hommes sont poussés au hasard jusqu’à la fusillade. Avenue de la gare, tombent le percepteur Lucien Fabre et Louis Munery (vingt-cinq ans), gendre du propriétaire de l’hôtel. Plus loin, l’instituteur Jean Chalvet, arraché à son école, est emmené avec Emile Drigout (quarante ans) et le garde-voie Adrien Cosson ; ils sont fusillés à l’entrée d’un pré. Autour de la place de l’église tombent Marcel Bénézit, professeur au lycée de Montpellier, deux gardes-voies Pierre Chabrier et Florimond Delin et un enfant de huit ans, Elie Barrier. Le long de la rue principale le spectacle est le même : "terroristes, terroristes " est le seul prétexte invoqué et jeté comme une injure. Les cadavres s’égrènent le long du chemin bordant la ferme Roche, où sont poussés le forgeron François Achalme, le postier Marius Bénézit, le boulanger Félix Blanquet (soixante-quatorze ans), le plombier Alexis Coq, Emile Kaizer, chef de secteur à la compagnie hydro-électrique, Francis Séronie receveur des contributions indirectes, Raymond Lecomte chef de district et deux jeunes étudiants, Robert Pichon et Georges Cayron. Guillaume Pichon, le père de Robert, agonisera deux jours. » (Lévy-Cordet).

Seul Marcel Bénézit était résistant venu avec sa famille se réfugier à Ruisnes. Parmi eux se trouvaient une femme et trois enfants, âgés respectivement de 8, 16 et 18 ans.

Leurs noms sont gravés sur la plaque apposée dans l’église de Ruynes en "hommage aux victimes de Ruines sauvagement assassinés par les Allemands le 10 juin 1944", ainsi que sur le monument commémoratif des fusillés, à la mémoire des 26 martyrs de la commune. Ce monument est l’œuvre du sculpteur cantalien Louis Chavignier, originaire de Montboudif, et a été inauguré le 1er octobre 1950.

La commune est décorée de la Croix de guerre 1939-1945.

Liste des victimes :

ACHALME François
BARRIER Jean
BÉNÉZIT Marcel
BÉNÉZIT Marius
BLANQUET Félix
CAYRON Georges
CHABRIER Pierre
CHALVET Jean-Joseph
CLAUDE René
COQ Alexis
COSSON Adrien
DELIN Florimond
DRIGOUT Émile
FABRE Lucien
GALAUD Jean
KAISER Émile
LECOMTE Raymond
MUNÉRY Louis
PICHON Guillaume
PICHON Robert
ROUSSEAU Henri
SÉRONIE François
TANARI Dominique
TRUYOL GOMILA Gabriel
TUFFÉRY Jean
VIZADE épouse BARLIER Simone

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article221577, notice Ruines, aujourd'hui Ruynes-en-Margeride (Cantal), 10 juin 1944 par Eric Panthou, Patrick Bec, version mise en ligne le 27 décembre 2019, dernière modification le 29 janvier 2022.

Par Eric Panthou, Patrick Bec

SOURCES : Eugène Martres, Le Cantal de 1939 à 1945 - Les troupes allemandes à travers le Massif Central, Cournon, De Borée 1993 . — Gilles Lévy, Francis Cordet, A nous, Auvergne !, Presses de la Cité, 1974. — Jean Favier, Lieux de mémoire et monuments du souvenir. Cantal, 1940-1944, Aurillac, Association des Maquis et Cadets de la Résistance du Cantal, 2007 . — Pierre Chassang, Le pays de Ruynes en Margeride .— État civil (AD 15) . — MémorialGenWeb .— http://www.memospace.fr/fr/sites/27432-monument-commemoratif.

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