PERUCHON Clément

Par Michel Thébault

Né le 20 février 1923 à Iteuil (Vienne), décapité après condamnation à mort le 3 décembre 1943 à Wolfenbüttel (Allemagne) ; lycéen à Poitiers (Vienne) ; résistant, réseau Renard.

Clément Peruchon était le fils de Clément Peruchon, (né le 17 novembre 1898 à Iteuil, Vienne) menuisier et de Jeanne Dorlac (née le 17 janvier 1901 à La Chapelle-Bâton, Vienne). Son père, fut mobilisé en avril 1918. Il combattit dans l’infanterie, et participa au début 1920 à l’occupation de la Haute-Silésie. Il fut démobilisé le 21 mars 1921 et épousa à Iteuil le 17 octobre 1922 Jeanne Dorlac. En 1936, lors du recensement, la famille vivait rue Paradis à Ligugé où elle s’était installée en 1924 et où Clément Péruchon père était menuisier. La famille comprenait alors quatre enfants : Clément né en 1923 à Iteuil, Gisèle née en 126 à Ligugé comme sa sœur Arlette née en 1929 et Maurice né en 1931.

Clément Peruchon après sa scolarité primaire poursuivit sa scolarité à l’École Primaire Supérieure (EPS) de Poitiers de la sixième à la première avant de préparer la seconde partie du baccalauréat au lycée de garçons de Poitiers, le lycée Henri IV, dans la classe de philosophie.
Catholique fervent, il était proche du père Aimé Lambert, moine bénédictin, bibliothécaire de l’abbaye de Ligugé, et membre du réseau Renard. Très patriote et hostile idéologiquement au nazisme en contradiction, pour lui, avec les préceptes de l’Évangile, il fut au contact lors de l’année scolaire 1941 - 1942 de tout un groupe d’élèves (dont les fils de Louis Renard, Pierre Bernanose, Jacques Levrault…) manifestant tous une volonté de Résistance au gouvernement de Vichy et à l’occupant. Il s’engagea activement dans la Résistance en juin 1942 rejoignant le réseau Renard, l’un des premiers réseaux de Résistance. Louis Renard, avoué à Poitiers, y avait créé un réseau d’inspiration gaulliste, actif sur le secteur de Poitiers dans les domaines de la propagande (« Le Libre Poitou »), de la collecte de renseignements sur l’occupant et des filières de passage de la ligne de démarcation. Le réseau était en 1942 en cours de constitution et d’organisation. Recevant rapidement des responsabilités dans le réseau auprès des jeunes, Clément Peruchon participa dans l’été 1942 avec son camarade Jacques Levrault, à des missions de recherche de terrains de parachutage (en particulier le relevé d’un terrain près de Ligugé).

À la suite d’excès de zèle manifestes tant de l’administration des PTT que de la police française et du préfet, tous désireux au moment de la signature des accords Oberg/Bousquet de prouver leur pleine collaboration avec l’Allemagne, le réseau fut démantelé à la fin de l’été 1942. Les premières arrestations et les renseignements obtenus permirent à la SIPO-SD d’arrêter Clément Peruchon au domicile de ses parents, rue Paradis à Ligugé, le 30 septembre 1942 Il fut incarcéré avec tout le groupe Renard, dans la section allemande de la prison de Pierre-Levée à Poitiers. Il fut avec 28 de ses compagnons transféré à la prison de Fresnes le 12 février 1943. Ils furent ensuite déportés vers Trèves le jeudi 18 février dans un transport NN parti de la gare de l’Est ; les déportés furent placés dans des wagons de voyageurs aménagés en wagons cellulaires, accrochés au train Paris-Berlin. Sur les 39 hommes déportés dans ce transport, se trouvaient les 29 membres du réseau Renard. Après une journée de voyage, le transport parvint en gare de Trêves. Le lendemain ils prirent un autre train en direction de Reinsfeld, à 7 kilomètres du SS-Sonderlager Hinzert où ils durent se rendre à pied. Le 19 avril 1943, les rescapés du réseau Renard furent transférés à la « prison de prévention » de Wolfenbüttel (Basse-Saxe, Allemagne) pour être jugés. Clément Peruchon malade d’une angine diphtérique ne fit pas partie de ce premier transport et ne rejoignit le groupe que quelques semaines plus tard. Fin mai, onze d’entre eux dont Clément Peruchon reçurent notification écrite d’une accusation portée contre eux pour complot contre l’Allemagne et devant conduire à un procès devant le tribunal du peuple (Volksgericht). Le tribunal du peuple était divisé en 6 sénats ou chambres. L’un d’entre eux vint siéger les 12 et 13 octobre 1940 à Wolfenbüttel. A l’issue d’une procédure uniquement à charge, les dix accusés restant après la mort de Georges Duret en prison, et Clément Peruchon parmi eux, furent condamnés à mort le 13 octobre 1943 pour le motif suivant : « membre d’un groupement gaulliste en relation avec l’ennemi et portant atteinte à la sûreté des troupes d’occupation ». Clément Peruchon et Jacques Levrault furent de plus accusés d’espionnage, ce qui entraînait automatiquement la peine de mort. Ils furent décapités le 3 décembre 1943 entre 18 heures 30 et 18 heures 40 dans un bâtiment de la prison.

Clément Peruchon obtint la mention mort pour la France et mort en déportation. À titre posthume, il fut élevé au grade de capitaine de l’armée française et se vit attribuer la Médaille de la Résistance. Son nom figure sur le monument aux morts de Ligugé et sur le monument commémoratif du réseau Renard au cimetière de Chilvert à Poitiers qui comprend 11 plaques, celles des dix condamnés à mort et celle de Georges Duret. En son hommage, à Ligugé, une rue et l’école élémentaire qui s’y trouve porte son nom.

Dernière lettre de Clément Peruchon.
 
Mon cher papa, ma chère maman, mes chers petits frères,
J’aurais voulu vous écrire dans d’autres circonstances, mais la volonté de Dieu s’impose à moi ce soir et je lui suis soumis tout entier. Je l’implore de vous donner à tous tout le courage nécessaire pour supporter cette épreuve rendue plus facile peut-être pour nous par une longue séparation.
Condamné à mort avec mes camarades le 13 octobre, Dieu m’appelle à lui ce soir à 18 heures 40 et il est bientôt cinq heures. Mon cher petit papa, ma chère petite maman, vous qui m’avez tant aimé, tant choyé, vous qui vous êtes pour moi parfois même privé du nécessaire, recevez ce soir la bénédiction de votre fils qui bientôt sera entre les mains de Dieu et qui vous soutiendra de son aide, de toutes ses prières et qui sera toujours près de vous comme il l’a été depuis plus de 14 mois. Plus que jamais ayez confiance, ayez toujours la force de répéter : Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Ne maudissez pas le Seigneur : Seul il sait ce qu’il fait et les desseins de la Providence sont insondables. Je sais seulement que dans quelques heures à peine je serai près de Dieu et par conséquent près de vous encore. Je sais seulement qu’un jour nous serons à nouveau réunis et je pars pour le grand voyage d’un cœur si léger, d’une âme sereine parce que je sais qu’il n’est de séparation que les séparations apparentes. Je meurs pour une cause qui valait- nous en avons maintenant la preuve - la peine d’être défendue, pour une cause à la veille de triompher car Dieu est juste et il est bon. N’accusez personne : je suis seul responsable de ce qui m’arrive aujourd’hui et n’oubliez pas que vous demandez à Dieu chaque jour « pardonnez nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés ». Nous demandons seulement et c’est là notre volonté formelle qu’on ne sabote pas une Victoire qui est aussi notre victoire, et nous sommes sûrs que notre sacrifice ne sera pas inutile et c’est là encore ce qui doit être pour vous une grande consolation. J’aurais pu m’assurer dans le monde un avenir brillant et vous aider sur vos vieux jours. Mais ne regrettez pas cela : mon aide surnaturelle sera bien plus précieuse encore pour vous, et j’ai offert les longues souffrances passées afin que toi mon cher papa tu reviennes vraiment au Dieu de ton enfance. Merci de tes sacrifices, de toutes les sueurs. Ils seront un jour récompensés, et toi petite maman si dévouée, si charitable, si tendre, pense toujours que ton fils est toujours près de toi… mon cher petit Maurice qui pleurais le jour de mon départ, je te demande d’être le bras droit de notre cher papa et de lui faire oublier mon absence. Je sais bien que tu seras un vaillant ouvrier, un bon constructeur, un fils dévoué et noble, bâton de vieillesse de nos chers parents et si tu as un fils un jour appelle le Clément en souvenir de moi.
Je remercie tous les amis qui furent si dévoués pour moi et les supplie d’achever notre œuvre sur terre et de servir la cause pour laquelle nos tombent ce soir - les dernières j’espère. Adieu à toute ma famille et union avec tous… S’il est possible un jour de ramener mon corps : je veux être enterré à Ligugé avec mon frère. Un schiste solide et durable et les petites roses blanches du jardin. Une messe tous les ans le 3 décembre.
Mes chers parents l’heure approche, courage, toujours confiance en dieu. J’offre mon sacrifice pour votre bonheur, votre salut ainsi que le bonheur de mes chers amis français. N’oubliez pas que nous ne sommes pas séparés mais en union constante et qu’un jour nous serons tous admis à la paix de Dieu. C’est pourquoi je vous dis « au revoir » et non adieu. Celui qui vous aime et vous embrasse tous, par-delà toute l’éternité.
Votre Clément.
Vive la France.
Wolfenbüttel 3 décembre 1943

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article221841, notice PERUCHON Clément par Michel Thébault, version mise en ligne le 7 janvier 2020, dernière modification le 28 décembre 2021.

Par Michel Thébault

SOURCES : Arch. Dép. Vienne (état civil, registre matricule, recensement 1936) — SHD Vincennes GR 16 P 470360 et SHD Caen AC 21 P 129273 (à consulter) — Jean Henri Calmon La chute du réseau Renard. Poitiers 1942. Le S.S., le préfet et le résistant, Geste éditions, 2015 — Jean Henri Calmon Clément Péruchon. Étudiant, martyr du nazisme. Son journal intime 1941-1942 Éditions Le vent se lève. 2016 — Robert Bréchon Les Vies Brèves Éditions Inventaire. 2003 — site internet VRID (Vienne, Résistance, Internement, Déportation) — Mémoire des hommes — Mémorial genweb — État civil.

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