PÉPIN Albert, Léon

Par Jean-Paul Nicolas

Né le 6 octobre 1898 à Morainville (Eure), mort en déportation le 11 décembre 1944 au camp de Gross Rosen (Silésie) ; peintre vitrier employé à la Standard Franco-Américaine de Raffinage (SFAR) depuis1935 ; syndicaliste CGT ; arrêté en octobre 1942 à Notre-Dame-de-Gravenchon (Seine-Inférieure, Maritime) puis déporté en Allemagne.

Albert Pépin en famille à Cormeilles(Eure)
Albert Pépin en famille à Cormeilles(Eure)

Fils naturel d’Isidorine Pépin, la mère et l’enfant demeuraient à Lieurey (Eure), Albert Pépin fut, à ses débuts un jeune ouvrier agricole dans la région du Pays d’Auge. Arrivé au corps le 20 avril 1918, il fit son service armé à partir des derniers mois de la première guerre mondiale et fut renvoyé dans ses foyers le 7 juin 1921. En 1935, il fut embauché à la SFAR, ancienne appellation d’Esso-Standard, au sein de la raffinerie de Port-Jérôme nouvellement construite (Seine-Inférieure, Seine-Maritime). Marié et père de deux enfants, il habitait à proximité immédiate de l’usine dans la toute neuve cité Esso de Notre-Dame-de-Gravenchon, au 8, rue Maurice-Fenaille. Il était classé "affecté spécial" dans la raffinerie en cas de conflit et ainsi dispensé de mobilisation. Affilié à la CGT, il prit part au mouvement social de juin 1936 aux côtés du dirigeant Henri Messager. Le 30 novembre 1938, il ne fit pas partie du nombre des syndicalistes licenciés pour fait de grève nationale par la Standard, il conserva donc son logement dans la cité jardin de ND-de-Gravenchon. Quand vint l’Occupation, l’ancien combattant de 1918 qu’il était ne cachait pas son hostilité (parfois exprimée verbalement) aux Allemands qui patrouillaient dans la raffinerie et occupaient les maisons réquisitionnées de la cité Standard. Lors de la confiscation en 1940 des armes domestiques des Français par les autorités allemandes, il conserva son fusil de chasse dans un appentis construit contre un mur de son logement. Or, dans la promiscuité de cette cité où tout le monde s’observait, les mouchards loyaux envers l’autorité ne manquaient pas. Albert Pépin, dénoncé, fut arrêté le 22 octobre 1942 par la Feldgendarmerie. Celle-ci, bien renseignée sur le lieu de la cachette, mit immédiatement la main sur le fusil de chasse. D’abord détenu à la prison de Rouen jusqu’en février 1943 Albert Pépin fut déporté en Allemagne. C’est à Gross-Rosen, camp de concentration situé en Silésie maintenant polonaise que Albert Pépin mourut le 15 décembre 1944.
La détention d’une arme était punie par la peine de mort dès les débuts de l’Occupation, ainsi Albert Pépin aurait pu être fusillé pour détention d’armes comme Jean Baptiste Marceau et Joseph Sénécal qui travaillaient comme lui à la Standard. Il semble que l’arrestation d’Albert Pépin soit intervenue après une certaine révision par les autorités allemandes de leur "politique des otages", jugée contreproductive en raison de la forte émotion qu’elle créait parmi les Français dans la zone occupée du pays. La déportation en Allemagne, plus discrète, passait beaucoup plus inaperçue dans l’opinion et utilisait dans l’industrie de guerre allemande, la force de travail des condamnés au service du Reich et de son armement.
Après la guerre, la CGT du raffinage pétrolier honora de diverses façons ses salariés martyrs, fusillés ou déportés pendant l’Occupation. Ainsi le nom d’Albert Pépin figure sur une plaque apposée à l’Union Locale CGT de Lillebonne. Plaque en photo dans la notice d’Emile Robinet. Aux côtés d’Albert Pépin figurent les noms de Maurice Basille, Henri Messager, Georges Loison, Louis Daens et Emile Robinet.
Jusque dans les années soixante, la CGT locale de Notre-Dame-de-Gravenchon organisait chaque printemps une course cycliste qui avait pour nom le « Prix Messager-Pépin », en mémoire des deux martyrs. Après 1968, cette tradition s’est perdue.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article222002, notice PÉPIN Albert, Léon par Jean-Paul Nicolas, version mise en ligne le 15 janvier 2020, dernière modification le 10 février 2022.

Par Jean-Paul Nicolas

Albert Pépin en famille à Cormeilles(Eure)
Albert Pépin en famille à Cormeilles(Eure)
Albert à Etretat vers 1936 portant un "chapeau réclame" du journal Le Populaire et un brin de muguet à la boutonnière
Albert à Etretat vers 1936 portant un "chapeau réclame" du journal Le Populaire et un brin de muguet à la boutonnière

Sources : AD de l’Eure fiche matricule d’Albert Pépin. — BAVCC Caen lettre de demande d’attribution du titre de déporté politique. — Lettre du maire de ND de Gravenchon certifiant l’arrestation. — Entretiens et courriers en 2008 entre Jean Pépin, (fils d’Albert Pépin) et Jean Paul Nicolas.

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