CHAUBET Jean, Juste, Frédéric, Gaudens [alias « Jean COSTES » dans la Résistance]

Par André Balent

Né le 10 novembre 1900 à Burgalays (Haute-Garonne), mort en action de combat le 12 juin 1944 à Bonrepos-sur-Aussonnelle (Haute-Garonne) ; instituteur ; socialiste SFIO ; militant du SNI (Syndicat national des instituteurs) ; franc-maçon ; résistant : agent de réseaux, mouvement Franc-Tireur (chef départemental), Mouvements unis de la Résistance (MUR), Armée secrète (AS) ; créateur et chef du maquis de Saint-Lys (Haute-Garonne)

Jean Chaubet (1900-1944)

Jean Chaubet était le fils de Félicien Chaubet instituteur âgé de trente ans et de Jeanne, Marie-Rose, Natalie (sic) âgée de trente-trois ans. Il naquit dans une commune pyrénéenne de la Haute-Garonne dans le haut Comminges. Il se maria le 11 février 1924 à Toulouse (Haute-Garonne) avec Julie, Berthe, Lucie Allemant. Le couple eut deux enfants.

Instituteur à Toulouse (Haute-Garonne), Jean Chaubet adhérait, avant 1940, au Parti socialiste SFIO et au SNI. Franc-maçon, initié à la loge La Parfaite Harmonie (Grand Orient de France), il devint Orateur en 1935 et Vénérable en 1939.

Révoqué de l’enseignement par Vichy, il devint comptable puis directeur des ventes d’un commerce toulousain.

Jean Chaubet fut, dès 1940, un des premiers résistants de Toulouse. Il fabriqua des faux papiers afin d’assurer le rapatriement de prisonniers de guerre. Il rassembla autour de lui, de concert avec un autre franc-maçon socialiste, Camille Vié, d’autres résistants afin de diffuser de la propagande contre l’État français, réceptionnant Franc-Tireur et Libération. Ce groupe qui ne se livrait pas qu’à de la propagande anti-vichyssoise, il était lié, aussi, dès 1941, à des réseaux de renseignements : Nana, fondé au Pays Basque réseau des services interalliés ; Froment, intégré au réseau Brutus, en contact avec Londres. Chaubet fut, pour sa part un agent P2 du réseau Nana. Le groupe qu’il animait avec Vié renforça, courant 1943, le groupe toulousain du mouvement Franc-Tireur que le Lyonnais, un de ses principaux dirigeants mit sur pied dans la préfecture de la Haute-Garonne lorsqu’il vint se réfugier à Toulouse. Franc-Tireur dont le premier chef départemental désigné par Avinin était Louis Raymondis, s’implanta de façon conséquente à Toulouse et dans le Comminges, au sud de la Haute-Garonne, autour de Saint-Gaudens et de Bagnères-de-Luchon, la région d’origine de Jean Chaubet. Dans le cadre de ses activités résistantes, Jean Chaubet, en relation avec un collègue instituteur, socialiste et syndicaliste, Maurice Fonvieille, participa à construction du SNI clandestin de la Haute-Garonne, en même temps qu’à celle de la franc-maçonnerie dont les loges avaient été démantelées par Vichy. Sylvain Dauriac, franc-maçon qui avait côtoyé Chaubet à la loge La parfaite harmonie fut très proche de lui et le suivit lorsqu’il impulsa, en tant que chef départemental, les activités du mouvement Franc-tireur avant de jouer un rôle éminent dans la structuration de la résistance non communiste de Toulouse et de la Haute-Garonne.

Antoine Avinin, membre du directoire des MUR de la R4 (où il représentait Franc-Tireur dont il était aussi le chef régional), dut quitter Toulouse pour le Cantal en octobre 1943 et fut remplacé à ce poste par Pierre Degon (1906-1996) qui venait de la R3 (Montpellier). Ce dernier fut un proche de François Verdier alias « Forain » au point qu’il prit le pseudonyme de « Bouconne », du nom de la forêt où son camarade de clandestinité fut exécuté le 27 janvier 1944. Peu après, en décembre 1943, Jean Chaubet fut désigné chef départemental de Franc-Tireur pour la Haute-Garonne. Il avait participé à la création des MUR au plan départemental. Il travailla en étroite relation avec Degon et accéda par la suite au comité directeur de Franc-Tireur.

Jean Chaubet avait été nommé dans la prévision de la Libération, membre du CDL de la Haute-Garonne et président des commissions départementales militaire et d’épuration. Jean Chaubet développa aussi une action clandestine en relation avec le capitaine Louis Pélissier alias « Carton » lié à l’AS et au groupe Morhange (Voir : Taillandier Marcel ; Combatalade Jacques). Dans ce cadre, il prit en charge la direction du service de renseignements interallié Richard. Cette proximité avec les hommes du groupe Morhange permet de comprendre pourquoi, Chaubet choisit le château de Gagen, à Bonrepos-sur-Aussonnelle, près de Saint-Lys, pour installer le maquis qu’il avait entrepris de constituer. Ce château, avec la complicité de son propriétaire, Marcel Grizoul (ou Grisoul) et de son régisseur, l’Alsacien Henri Wolsfeld, avait été mis à la disposition du groupe Morhange qui en avait fait une de ses bases.

Dès l’automne 1943, Jean Chaubet recruta des hommes pour former un maquis, dès le débarquement allié, un maquis. Cette formation armée, dépendant de l’AS était composée aux trois quarts de membres du mouvement Franc-Tireur. Le reste provenant de du groupe toulousain de France au combat, organisation dépendante du Parti socialiste clandestin, commandée par Eugène Viguier. Il y avait aussi quelques FTPF légaux. Ce recrutement qui se poursuivit au printemps 1944 permit de rassembler essentiellement des résidents de Toulouse : employés municipaux, de la cartoucherie, de l’usine chimique ONIA (la future AZF), des républicains espagnols. Il y avait aussi un groupe issu de Blagnac, commune suburbaine de Toulouse. 600 hommes devaient initialement être recrutés. Seuls160 d’entre eux put effectivement gagner le maquis de Saint-Lys. L’initiative de Jean Chaubet suscita de vifs débats au sein des MUR devenus MLN. Raymond Badiou, Paul Debauges, Jean-Pierre Vernant étaient hostiles à ce rassemblement d’hommes qu’ils jugeaient prématuré et qui, surtout, était situé dans un endroit peu propice à l’organisation d’une défense en cas d’attaque. Mais ils reçurent l’appui de Pierre Degon alias « Bouconne » qui, d’ailleurs, se joignit au groupe. Finalement Chaubet et Viguier obtinrent aussi l’accord de Serge Ravanel chef des Corps francs de Libération de la R4 et, bientôt, chef des FFI de la R4.

Dès le 7 juin, des hommes recrutés pour joindre le maquis implanté près de Saint-Lys, quittèrent leur domicile. Certains se rendirent à Saint-Lys à bicyclette. D’autres prirent le train de la ligne à voie étroite d’intérêt local de la Compagnie des chemins de fer du Sud-ouest de Toulouse (gare Roguet, aujourd’hui disparue) à Boulogne-sur-Gesse (Haute-Garonne). Une gare de cette ligne desservait Saint-Lys. Le 8 juin, ils étaient à pied d’œuvre. Jean Chaubet, chef du maquis, installa son état-major au château de Gagen : Pierre Degon, Camille Vié, André Vergnaud, Eugène Viguier, André Bousquairol, étudiant en médecine, Lévêque. Le château de Gagen se situe sur le territoire de la commune de Bonrepos-sur-Aussonnelle, à proximité de la RD 67 qui relie Saint-Lys à L’Isle-Jourdain et du croisement de cette dernière avec la RD 68 qui relie Fonsorbes à Bonrepos-sur-Aussonnelle. Au su du château de Gagen se trouvent la ferme de la Riscle et, au-delà le château du Candelé. C’est un paysage de plaine vallonnée, à la limite d’un coteau. Les champs, délimités par des haies qui rendaient difficile les mouvements d’unités combattantes étaient entrecoupés de forêts. D’autres maquis étaient déjà implantés dans le secteur (Saint-Thomas, Sainte-Foy-de-Peyrolières. Le château de Gagen se trouvait par ailleurs près d’un terrain destiné à la réception de parachutages. Lieu de rassemblement, les hommes qui s’y trouvaient étaient en train d’être dirigés vers d’autres cantonnements, dès le 11 au château de Candelé, à proximité de Gagen, et vers Mérenvielle (Haute-Garonne), commune limitrophe du Gers, transfert qui ne put s’effectuer du fait de l’attaque allemande. Le 12, il ne restait plus qu’une trentaine d’hommes à Gagen, dont l’état-major du maquis.

Le 12 juin, 1944, en fin d’après-midi, surgit, à proximité de Gagen, une colonne de la division blindée Das Reich. Celle-ci, formée de trois compagnies cantonnées jusqu‘au 10 juin au matin dans des villages du sud de Toulouse Les 9e, 10e, 11e et 12e compagnies du 3e bataillon du régiment SS Deutschland de la division blindée SS Das Reich ont quitté les villages où elles stationnaient, au sud de Toulouse, en Haute-Garonne, dans les basses vallées de l’Ariège et de son affluent, la Lèze. Leur mission de destruction de maquis et de répression des populations civiles commença au petit matin d’un samedi pluvieux. Le 10 juin leur action meurtrière s’exerça en Comminges (Haute-Garonne), marginalement en Couserans (Ariège) et, le 11 juin, en Bigorre (Hautes-Pyrénées). Le 10 juin, ils s’étaient livrés à des massacres et de civils supposés être complice des maquis et exécuter sommairement ou dans des actions de combat des maquisards de l’AS, des FTPF ou du Corps franc Pommiès (ORA). Le bilan de la journée avait été particulièrement lourd : en premier lieu, 41 victimes civiles Le massacre de vingt-sept d’entre eux à Marsoulas (Haute-Garonne) fut l’événement le plus meurtrier de la journée. Cette tuerie se rajoute à d’autres, de civils également, à Martres-Tolosane (5), Saint-Michel (2), Mazères-sur-Salat (3), trois communes de Haute-Garonne ; Betchat, Fabas, Mercenac (4), communes ariégeoises. Les résistants (nous rajoutons aux combattants des personnes qui aidaient activement le maquis de Mazères de l’AS et payèrent de leur vie leur engagement), de leur côté, eurent 17 victimes : 1 à Marsoulas (FTPF), 3 à Martres-Tolosane (2 du Corps franc Pommiès — CFP — de l’ORA, une personne ayant aidé le maquis de Betchat (FTPF) ; Mazères-sur-Salat (2 membres du CFP, 3 du maquis de Betchat, FTPF) ; Saint-Michel (Haute-Garonne) (2 combattants du maquis de Mazères de l’AS, 2 agents actifs de ce maquis) ; Laffite-Toupière (1 membre du CFP) ; Betchat, Fabas, Mercenac (2 membres du maquis de Betchat des FTPF). Le bilan du 10 juin avait donc été très lourd (58 victimes, civils et résistants). Le 11 juin la colonne SS avait poursuivi ses exactions dans les Hautes-Pyrénées, massacrant 58 personnes : 26 à Bagnères-de-Bigorre, 20 à Pouzac, 13 à Trébons. Le 12, elle prit la direction de Toulouse en empruntant un autre itinéraire, plus au nord, qui supposait un trajet au sud-est du Gers. Elle quitta ce département après avoir traversé le bourg de L’Isle-Jourdain. Par Saint-Lys et Muret (Haute-Garonne), la RD 12 les ramenait vers leurs cantonnements des basses vallées de l’Ariège et de la Lèze. Ce n’est pas par hasard que les SS attaquèrent le château de Gagen, cantonnement du maquis de Saint-Lys. Ils connaissaient apparemment le lieu car, la veille une voiture conduite par un militaire allemand avait été attaquée par des résistants d’un autre maquis, celui de Mangane. Or, les Allemands ont attaqué sans hésiter le maquis de Saint-Lys. Disposaient-ils de l’information avant leur départ, ce qui justifierait qu’ils aient un détour, pour leur retour, par le Gers. Ou ont-ils glané des informations auprès de civils locaux pendant leur passage dans le secteur ? Ou, encore, ont-ils été informés par des « traitres » présents dans les rangs du maquis ? Toutes ces hypothèses ont été formulées. Ils ignoraient cependant que le transfert des hommes du maquis de Gagen vers le Candelé était déjà bien avancé.

Bien informés, les SS de la 11e compagnie du 3e bataillon du régiment Deutschland de la division Das Reich commandée par le capitaine Hollmann attaquèrent Gagen, en pénétrant dans l’allée du château. Leur dispositif permettait de bloquer les issues qui auraient permis aux hommes présents dans le château de se replier vers Saiguède ou la ferme du Riscle (où ils avaient mis en batterie des mitrailleuses) ou encore celle de Tourneris où était postée une de leurs autochenilles. Ces deux derniers points bloquaient les possibilités de repli vers Fontenilles, Fontorbes, Bonrepos-sur-Aussonnelle et Saint-Lys. Les Allemands avaient aussi investi la ferme de Cambrai, sur le chemin du Candelé.

Les maquisards présents à Gagen furent surpris. Ils essayèrent de se replier vers le Candelé en se réfugiant dans un premier temps dans les bois proches. Un groupe comprenant Eugène Lozes, André Bousquairol, Abel Autofage, Lucien Lafforgue, André Cavagnol, Joseph Vié, Bordes, Rucosa et Séguela couvrait la retraite du gros de l’effectif, parmi lesquels Jean Chaubet. Les cinq premiers furent tués. Les fugitifs se déplaçaient en petits groupes qui couraient vers le Candelé. L’un d’entre eux fut intercepté. Jean Chaubet ainsi que Joseph Vié et Jean Micoud furent à leur tour tués. Les maquisards eurent aussi des blessés. Le Candelé fut attaqué par les Allemands qui ignoraient que se trouvait là le gros des effectifs du maquis. Ils détruisirent par le feu une partie des bâtiments du Candelé qu’ils pillèrent au préalable. La plupart des maquisards se cachaient dans les environs et eurent la vie sauve. Seul Léonce Gonzalez trouva la mort dans sa fuite vers Saiguède*, dans le territoire de cette commune.

Sous-lieutenant des Forces françaises combattantes, Jean Chaubet fut homologué, à titre posthume, capitaine des FFI. Toujours à titre posthume, il fut élevé au grade de grand officier de la Légion d’Honneur et décoré de la médaille de la Résistance et de la Croix de Guerre 1939-1945.

Le 30 novembre 1945, sur décision du conseil municipal, une rue de Toulouse prit le nom de Jean Chaubet. À Burgalays, son village natal, une plaque commémorant sa mémoire fut apposée, en présence de sa fille, Jeanne Chaubet-Bardon, sur le bâtiment de l’école (il était né dans le logement de fonction de son père) lors de la cérémonie du 11 novembre 2011. Son nom figure sur le monument commémoratif érigé à la sortie du village de Bonrepos-sur-Aussonnelle, vers Saint-Lys. Sur cette plaque est gravée, avec les noms, l’inscription suivante : « Le maquis de Saint-Lys à ses camarades des Corps francs de Libération morts au combat du 12 juin 1944 ». Une plaque y a été apposée à sa base avec leurs noms et l’inscription suivante : « Aux victimes civiles de la barbarie nazie du 12 juin 1944 ». Le nom d’André Chaubet figure également sur le monument aux morts de Saint-Lys appartenant à toutes les catégories de victimes de la Seconde guerre mondiale, parmi lesquelles celles du maquis de Saint-Lys (on y a rajouté ultérieurement les morts de la guerre d’Algérie). Une stèle a été érigée sur le lieu même où Jean Chaubet fut abattu (voir la photographie ci-jointe). Enfin son nom figure sur le monument aux morts du quartier toulousain de Bonhoure, Guilhemery, côte de l’Hers. À Toulouse une école du quartier Bonhoure porte son nom. Un cercle laïque toulousain (association loi 1901) a pris le nom de Jean Chaubet.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article222109, notice CHAUBET Jean, Juste, Frédéric, Gaudens [alias « Jean COSTES » dans la Résistance] par André Balent, version mise en ligne le 17 janvier 2020, dernière modification le 27 mars 2022.

Par André Balent

Jean Chaubet (1900-1944)
Bonrepos-sur-Aussonnelle (Haute-Garonne), stèle érigée en forêt, sur le lei où fut tué Jean Chaubet le 12 juin 1944

SOURCES : Arch. dép. Haute-Garonne, 1 E 12, état civil de Burgalays, 1900-1909. — Patrice Castet, Pierre Coll, Pierre Léoutre, Lucien Sabah (éd.), Antimaçonnisme et Résistance dans le Midi toulousain : de la persécution à la reconstruction des loges (1940-1945), Ramonville – Saint-Agne, Association Mémoire acte, 2016, 544 p. [pp. 245-250]. — Jean Estèbe, Toulouse 1940-1944, Paris, Perrin 1996, 356 p. [p. 171, p. 276]. — Michel Goubet, « Chaubet Jean ‘‘Costes’’ 1900-1944 » ; « Debauges Paul ‘‘Ducarre’’1903-2002 » ; « La résistance particulière des francs-maçons [en Haute-Garonne] » ; « Le mouvement Franc-Tireur [en Haute-Garonne] » ; « Le maquis et le combat de Saint-Lys 12 juin 1944 » in La résistance en Haute-Garonne, CDROM, Paris, AERI (Association pour des études sur la résistance intérieure), 2009. — Elérika Leroy, Mémoires de rues, guide de la Résistance à Toulouse à travers les plaques de rues et les stèles commémoratives du centre-ville, Toulouse, Mairie de Toulouse, 2006, 99 p. [pp. 62-63]. — Guy Penaud, La « Das Reich » 2e SS Panzer Division, préface d’Yves Guéna, introduction de Roger Ranoux, Périgueux, La Lauze, 2e édition, 2005, 558 p. [pp. 395-397, p. 542]. — Philippe Viguier, Le maquis de Saint-Lys 1944, sl., sd [1985]. — « Cérémonie du 11 novembre et pose de la plaque Jean Chaubet », Le Petit Burgalaysien, décembre 2011, p. 6. — Site MemorialGenWeb consulté le 17 janvier 2020.

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