WACKENIER Pierre Louis, Arthur.

Né le 24 juillet 1929 à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme) ; relieur puis ouvrier de fabrication ; JOC ; CFTC-CFDT Michelin ; PSU.

Pierre Wackenier est le quatrième enfant de parents d’origine belge. Lui-même a été naturalisé français en 1945 à l’âge de seize ans. Son père, Maurice, né à Ypres (Belgique) était menuisier. Sa mère, Maria, elle aussi de nationalité belge née également à Ypres (Belgique) était mère au foyer à charge d’une famille nombreuse puisqu’elle eut dix enfants. Son père comme sa mère, mariés religieusement, étaient croyants et très pratiquants. D’ailleurs Pierre Wackenier eut trois frères prêtres et fut lui-même enfant de choeur.
Ayant commencé sa scolarité à l’école Michelin il poursuivit ses études jusqu’au brevet élémentaire. Pierre Wackenier a grandi dans une cité du quartier Saint-Jacques à Clermont-Ferrand, au sein d’une famille chrétienne très ouverte sur le monde alentour. Comme l’influence familiale l’y invite, à 17 ans, il entre à la JOC (Jeunesse Ouvrière Chrétienne)-section Saint-Jacques. Comme jociste, il a été pendant cinq ans tour à tour responsable de quartier des adolescents de quinze -seize ans, responsable d’un groupe aîné (jeunes gens âgés de vingt à vingt-cinq ans) toujours sur le quartier Saint-Jacques, puis au niveau du département, responsable fédéral de l’enfance populaire (aujourd’hui Action Catholique de l’Enfance) : Des responsabilités qui l’ont mis en contact avec des jeunes de quartier ouvrier parfois en difficulté.
Pierre Wackenier entre dans la vie active en 1946 comme ouvrier dans un atelier de reliure. À l’âge de vingt-quatre ans il rencontre Suzanne, elle aussi d’un milieu ouvrier et catholique, et comme lui, militante à la JOC. Pierre Wackenier l’épouse en 1953, elle était alors vendeuse place Dellile à Clermont-Ferrand puis elle devient mère au foyer à la naissance de leur première fille Maryse dés 1954. Une seconde fille Sophie naît en 1970.
À vingt-cinq ans, marié, père de famille, il avait déjà une expérience de l’engagement dans une association et s’était déjà frotté à la prise de responsabilités dans le cadre de l’action catholique. Parmi les modèles qui l’ont influencé, une place est à faire à son grand-père, également ouvrier-imprimeur, un temps indésirable en Belgique pour ses idées, obligé de travailler quelque temps à la semaine en France avant de pouvoir revenir s’installer à Ypres comme imprimeur. Mais, à 26 ans, Pierre Wackenier étouffe dans son travail qu’il juge trop « tranquille ». Il prend la décision de rentrer chez Michelin comme manœuvre en 1955.
Ce fut un changement de cap dans sa vie. Selon ses propres mots il découvre alors « la jungle, la loi de l’argent, l’écrasement de l’homme, l’arrivisme et la lâcheté ». L’usine est différente de ce qu’il avait imaginé. Touché physiquement, il vit alors une période difficile de deux ans marquée par le dégoût, l’abattement et l’anxiété. Il puise alors dans ses convictions religieuses pour s’accrocher et surtout prend la décision d’adhérer à la CFTC en 1955. Il s’intègre alors dans une équipe militante minoritaire mais très dynamique. Homme de gauche, revendiquant son appartenance au mouvement ouvrier, Pierre Wackenier entend également agir en chrétien. L’équipe qu’anime alors Charles Tissier lui semble en phase avec ces deux formes d’espérance. Néanmoins, il vit parfois difficilement le décalage entre sa pensée et celle du plus grand nombre. Ainsi s’il n’a jamais « lâché » l’Église, il considère que la plupart de ceux qu’il a rencontrés dans l’Église sont du côté de l’argent, de l’ordre établi, du confort. Pour lui l’Église s’est égarée et reniée, ce qu’il résume dans la devise « la religion le dimanche, l’argent la semaine ». En fait c’est l’action, le cheminement du Christ qui ont eu sur lui une profonde, influence, c’est pourquoi il a toujours pensé qu’on ne peut être un homme « c’est-à-dire se créer » si l’on ne milite pas, si l’on ne s’engage pas.
L’adhésion à la CFTC puis à la CFTC/CFDT à partir de 1964 l’amène à accepter de nombreuses responsabilités et toute sa vie est marquée par cet engagement auprès des salariés de la Manufacture française des pneumatiques. Michelin c’était alors cinq usines pour quatre sections syndicales toutes regroupées dans le syndicat Michelin, le seul juridiquement reconnu.. Dans le cadre de cet engagement syndical, Pierre Wackenier a occupé bon nombre de fonctions : responsable des délégués du personnel, responsable à la formation dans le cadre des journées d’étude organisées par la CFDT. Parmi les terrains sur lesquels il est intervenu : les questions d’hygiène et de sécurité. Il a été membre du comité d’hygiène et de sécurité chez Michelin puis responsable CFDT de ce comité, membre de la commission fédérale des produits toxiques, membre du comité technique régional de prévention, puis national et enfin membre du comité central de coordination. Un poste de responsabilité dans la prévention des accidents du travail lui a été proposé, après un temps de réflexion, il a accepté mais la direction n’a pas donné suite. En 1969, désigné comme délégué syndical chez Michelin, il accepte une lourde responsabilité car il y avait seulement deux délégués pour vingt-cinq milles employés.
Comme syndicaliste, Pierre Wackenier a participé à diverses luttes devant servir à abattre « la citadelle du paternalisme » que l’entreprise Michelin représentait à ses yeux : batailles juridiques comme les procès CFTC/CFDT contre la direction pour la reconnaissance des droits du comité d’entreprise de 1957 à 1965, mouvements de grève... Résultat de cette action syndicale Pierre Wackenier a reçu cinq blâmes durant ces trente ans chez Michelin. Par exemple dans le cadre de ses responsabilités syndicales le 11 novembre 1969 : il reçoit une blâme ainsi formulé : « Le 4 novembre 1969 à 8h30, vous avez distribué des tracts de votre organisation syndicale sur les bureaux des employés de Cataroux. Votre chef vous a prié de reprendre ces tracts... Nous n’admettrons pas le renouvellement de tels faits ». Le combat syndical pour la dignité humaine passe également par des actions au quotidien auprès du personnel. C’est ainsi que Pierre Wackenier a été amené à prendre la défense d’un ouvrier handicapé mental licencié pour vol et a ainsi pu obtenir sa réintégration..
Comme représentant des salariés au Comité d’établissement, Pierre Wackenier a été membre de quatre commissions mises en place par l’organisme pour contrôler la gestion des œuvres sociales : celle des écoles Michelin jusqu’à la passation à l’éducation nationale en 1967-1968, celle de la clinique des neuf Soleils, celle de l’Association sportive Montferrandaise, anciennement Michelin (à ce titre, il a d’ailleurs été membre du comité directeur de l’ASM ), celle des colonies de vacances.
Au plan politique, comme d’autres militants chrétiens, Pierre Wackenier adhéra en premier lieu à l’UGS (Union de la Gauche Socialiste) puis au PSU (Parti Socialiste Unifié) en 1960, parti né de la fusion entre l’UGS, le PSA (Parti Socialiste Autonome) et Tribune du communisme. Bien que très pris par son action syndicale il représente le PSU en tant que suppléant aux législatives de 1973 contre Valéry Giscard D’Estaing,, puis aux cantonales en septembre de la même année face au même homme.
Une grande partie de la vie de Pierre Wackenier fut ainsi marquée par un engagement de tous les instants au sein de la CFDT puis dans une action plus générale pour la lutte contre tout ce qu’il ressentait comme une injustice pour l’homme. Cette injustice, aujourd’hui, il la vit en son sein propre comme victime atteint d’une maladie reconnue professionnelle le 8 janvier 1997 et née d’un contact prolongé avec des produits contenant de l’amiante.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article222638, notice WACKENIER Pierre Louis, Arthur. , version mise en ligne le 6 février 2020, dernière modification le 7 avril 2021.

SOURCE : Entretien réalisé le 7 avril 1999 avec Pierre Wackenier. — Pol Echevin, Echec au roi. Charles Tissier, 40 ans de combat, Paris, les éditions ouvrières, 1985

rebonds ?
Les rebonds proposent trois biographies choisies aléatoirement en fonction de similarités thématiques (dictionnaires), chronologiques (périodes), géographiques (département) et socioprofessionnelles.
Version imprimable