BRENNER Louis, Joseph

Par Jean-Yves Guengant

Né le 21 juin 1896 à Sizun (Finistère), mort en déportation le 19 septembre 1942 à Auschwitz-Birkenau (Pologne) ; maçon puis peintre en bâtiment ; arrêté et interné pour ses « idées extrémistes ». ; déporté à Auschwitz dans un convoi de 1175 détenus le 6 juillet 1942.

Fils de Jean-Marie Brenner (1870-1943) et de Marie Hélène Plantec, (1874-1932) de Saint-Cadou, trêve de Sizun. Jean-Marie partit à Brest pour travailler à l’arsenal, où il fut ouvrier. À sa retraite, Jean-Marie et Marie Hélène habitaient au 26, rue Massillon. Jean-Marie décéda à l’hôpital-hospice de Ploudiry, où il avait été évacué. Son fils, Louis Brenner exerça le métier de maçon.
Bagarreur, il fréquentait une bande de jeunes ouvriers et apprentis, qui avaient tous la détestation de l’armée. Il fut condamné avec sursis en 1913 pour coups et blessures. En juillet 1913, il fut à nouveau condamné à deux ans de prison et dix ans d’interdiction de séjour par le tribunal correctionnel. Les tensions sociales et la lutte contre la guerre étaient alors à leur maximum. Le 26 mai 1913, des perquisitions eurent lieu au siège de la CGT et chez les dirigeants syndicalistes, à la recherche de documents antimilitaristes.
Avec plusieurs camarades brestois, apprentis et ouvriers du bâtiment, Louis Brenner s’en était pris à un soldat colonial. Le soldat avait été mis à terre et dépouillé de la somme de 20 F. Le lendemain, quatre soldats de la coloniale étaient agressés par une dizaine de jeunes gens, place de la Liberté, furent agressés, et deux baïonnettes volées. Un ouvrier de l’arsenal molesté, reconnut Brenner. Ses camarades écopèrent de peines plus légères, 10 et 6 mois de prison.
Il purgea sa peine à la centrale de Fontevrault. Il fut mobilisé le 30 avril 1915, et affecté au 3ème bataillon d’infanterie légère d’Afrique (Bat d’AF). Après un mois passé dans la « campagne contre l’Allemagne », il fut affecté au 1er bataillon d’infanterie légère d’Afrique, dans une section spéciale disciplinaire jusqu’à sa démobilisation en septembre 1919. Le bataillon était engagé jusqu’en 1919 au Maroc oriental, il prit part aux opérations de contrôle menées par la France contre les tribus hostiles au protectorat français. Emprisonné en septembre 1917, il fut condamné à un an de prison pour « vol militaire » par le conseil de guerre de Casablanca en mars 1918. Libéré en septembre 1918, il ne fut démobilisé à Brest qu’en septembre 1919, sans son certificat de bonne conduite. Il habitait à Brest dans le quartier Saint-Martin, et était maçon. Il fut amnistié en 1925 et 1929 pour les différents délits. Le 31 mars 1921, il épousait Marie Le Lous, âgée de 18 ans et employée de commerce, qui résidait également à Saint-Martin, rue Massillon. Leurs fils, Louis naissait le 28 décembre 1921.
Le couple partit s’installer à Caen, où naquit Marcelle le 30 mars 1924. Il revint à Brest et habita à Lambézellec, commune voisine de Brest où il s’était installé comme artisan peintre dans le quartier du Pilier-Rouge. Son épouse, Marie Le Lous, tenait le commerce familial de peinture au Pilier-Rouge. Au recensement de 1936, il résidait 88, rue Anatole France, et avait deux enfants, Louis, né à Brest en 1921, et Marcelle, née à Caen en 1924.
Il soutenait le journal Le Flambeau, journal anarchiste et anticlérical en 1932 et 1933, journal dont le gérant était Jean Tréguer, par souscription régulière. En novembre 1933, il participa à la souscription lancée pour sauver le journal. Il était trésorier du patronage laïque du Pilier-Rouge en 1934, aux côtés de Jean Soubigou, un membre du groupe anarchiste et le responsable du Comité juridique de la CGT finistérienne, à partir de 1930.
En septembre 1939, il fut réformé temporairement suite à une fracture du crâne survenue le 17 avril 1939, qui avait occasionné la perte complète de la vision de l’œil droit et une paralysie faciale. Sa réforme fut confirmée en avril 1940. À cette époque il aida son ami Jean Tréguer à se soustraire aux autorités maritimes en lui prêtant une maison qu’il possédait à Trézien (Plouarzel). Ce dernier dut ensuite partir à Drancy et ne revint à Brest qu’après l’armistice (voir Jeanne Mazé).
Le 3 juillet 1941, Brenner était arrêté par la police allemande, en raison de ses idées politiques libertaires et transféré au camp de Choisel, à Chateaubriant (Loire-Inférieure, aujourd’hui Loire-Atlantique). Il fut libéré après un mois et demi de détention. Mais un mois plus tard, le 21 septembre, il fut de nouveau arrêté, interné comme otage et transféré au camp de Royallieu à Compiègne (Oise). Il figurait sur une liste de personnes à arrêter pour ses "idées extrémistes"
Il fut déporté de Compiègne vers Auschwitz le 6 juillet 1942 dans un convoi de 1175 otages (composé de plus d’un millier de militants communistes et de 50 juifs) qui faisait partie, avec les exécutions d’otages communistes et juifs, des mesures de terreur destinées à mettre un terme aux actions armées (attentats et sabotages) organisées par des résistants communistes contre des officiers et des soldats de la Wehrmacht, à partir d’août 1941.
Les hommes de ce convoi, envoyé sur ordre de Dannecker, - chargé en France des « Affaires juives » au sein de la SIPO-SD et organisateur de ce transport à partir du 1er juin 1942- sont connus sous le nom des « 45000 ». Seuls 119 d’entre eux revinrent. Le 8 juillet, Louis Brenner fut enregistré sous le numéro 45300.
Le 17 juillet, il fut admis à l’hôpital du camp et en ressortit le 27 juillet. Il était signalé sur les listes du camp comme maçon.
D’après son acte de décès rédigé au camp d’Auschwitz, il serait mort le 19 septembre 1942 de « cachexie et d’entérite ». En réalité, une vaste « sélection des inaptes au travail » destinés être éliminés dans les chambres à gaz de Birkenau avaient eu lieu auparavant.
Son acte de décès, dressé en mars 1947, porte la mention « Mort pour la France ».

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article222811, notice BRENNER Louis, Joseph par Jean-Yves Guengant, version mise en ligne le 11 février 2020, dernière modification le 14 mai 2020.

Par Jean-Yves Guengant

SOURCES : Claudine Cardon-Hamet, Triangles rouges à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 », éditions Autrement, Paris, 2005. — « Déportés politiques à Auschwitz, le convoi du 6 juillet 1942 dit des « 45000 » - Articles historiques, notices biographiques et témoignages, publiés par Claudine Cardon-Hamet, historienne :https://politique-auschwitz.blogspo.... — Archives départementales du Finistère, état-civil, Saint-Cadou, Sizun, 5 E 286/2, recensement des classes militaires, 1916, 1 H 27, registre matricule 2911, 1 R 1560, Bureau de Brest n° 2501 à 3000. Recensement de la population de Lambézellec, 6 M 368, 1936.
Archives de Brest Métropole, registre des décès, quartier de Lambézellec, 1946-1947, 11 E3 – 014. Brest centre, 3 E366-11, liste électorale Lambézellec, 1K/L8, 1935-1938. — La Dépêche de Brest, 28 avril 1913, L’Ouest-Éclair, 30 juillet 1913, Le Cri du Peuple (dir. E. Goude), Le Flambeau (dir. J. Tréguer)

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