DEPAQUIT Serge

Par Claude Pennetier

Né le 3 août 1929 à Paris (XIe arr.) ; ingénieur ; secrétaire administratif de l’UEC (1957-1961), puis dirigeant du PSU.

Serge Depaquit était fils d’un dessinateur industriel et d’une ménagère, « vaguement catholique » ; son grand-père maternel avait été charpentier à Quimper où sa grand-mère tenait une crêperie. Du côté paternel, les grands-parents étaient ouvriers du bois et lingère. Le grand-père fut tué dans les tranchées de Verdun. La grand-mère bascula plus tard du côté de la droite anti-parlementaire et présenta même le petit Serge au colonel de la Rocque pour qu’il lui fasse la bise. Son père était athée, mais Serge Depaquit fut baptisé et fit sa première communion sans avoir la foi.

Son père adhéra au Parti communiste à la Libération. Serge Depaquit fit ses études à Paris. La modestie des revenus de la famille excluait une entrée au lycée, mais l’enseignement technique lui permit d’obtenir un niveau scolaire équivalent. Il entra à l’École professionnelle d’optique, puis fut admis par concours à l’École supérieure d’optique en 1949, obtenant la qualification d’ingénieur.

C’est dans cette école supérieure qu’il adhéra au PCF, en 1949, à l’incitation d’un de ses professeurs, en formant une cellule avec deux élèves et le professeur. Il rejoignit l’année suivante l’UJRF et fut responsable du XVe arr., avant d’entrer à la direction fédérale aux côtés de Paul Laurent* pour qui il eut de l’estime, puis au comité national de l’UJRF. Sa participation aux festivals de la jeunesse à Berlin l’enthousiasma, à Bucarest et Varsovie un peu moins. Marié le 29 mai 1954 avec Paquita Mendez à Paris XVe arr, il fut envoyé, en 1955, comme permanent, à Prague, pour entrer au secrétariat de l’Union internationale des étudiants dirigée par Jiri Pelikan, un « type très intelligent, très intéressant » (les citations viennent de l’entretien accordé à Aude Portalis, op. cit.). Il y resta pendant deux ans, à l’époque de la création de l’UEC, mais aussi à celle du XXe congrès du PCUS et des événements de Hongrie. Selon son témoignage, il devint dans la capitale de la Tchécoslovaquie, un « communiste libéral », désireux de « changer le Parti » afin qu’il tire toutes les leçons de la dénonciation du stalinisme.

À son retour en France, le parti le mit d’office à l’Union des étudiants communistes comme secrétaire administratif, pour « tenir la baraque ». Il était un peu plus vieux que les dirigeants étudiants, selon une pratique courante dans le monde communiste : « en fait c’est moi qui dirigeais l’UEC » dit-il. Il conserva cette fonction jusqu’en 1963. Très influencé par Laurent Casanova*, il fut partisan d’une politique plus offensive dans la dénonciation de la Guerre d’Algérie et, sans être l’homme d’une fraction, il fit équipe avec le secrétaire général Philippe Robrieux*, ce qui se traduisit notamment par l’organisation le 17 octobre 1957 d’une manifestation de rue contre la guerre, la première, après celles des rappelés de 56, qui ait été directement politique. Il fut le porteur d’une direction « libérale » (on disait à l’époque « italienne ») qui visait à contraindre la direction du PCF à un compromis. La chute de Nikita Khrouchtchev, en octobre 1964, mit fin à cet espoir. Toute cette période fut également celle d’un rapport très étroit avec des dirigeants communistes mis à l’index (Maurice Kriegel Valrimont, le « libérateur de Paris », Jean Pronteau, ancien président du groupe communiste à l’Assemblée Nationale) ainsi qu’avec des intellectuels communistes dissidents éminents (Jean-Pierre Vernant, Jorge Semprun, ancien responsable communiste espagnol).

Il cessa d’être permanent et fut recruté par Jean Jérôme* dans une entreprise impliquée dans le commerce Est-Ouest (Pologne, URSS, Chine) pour le compte du PCF. Jean Jérôme lui avait demandé de rejoindre, pour des raisons de sécurité politique, une cellule de hors cadres qui se réunissait chez Maurice Bouvier-Ajam, ce qu’il ne fit pas. Il continua au contraire à organiser chez lui, aux Gobelins, des rencontres avec des militants de l’UEC afin de suivre les derniers feux jusqu’au « sabordage » de 1964. Il garda une hostilité durable aux maoïstes et à Louis Althusser* à la fois par désaccord politique de fond et pour avoir fait le jeu de la direction du parti dans son entreprise contre la direction de l’UEC. Malgré les divergences, il n’avait pas le même rejet pour les créateurs de la JCR qui avaient au moins le mérite d’être clairement antistaliniens (« Je les connaissais bien, je les aimais bien ») et particulièrement pour Alain Krivine*. Ils se retrouvèrent d’ailleurs au Comité Vietnam national lancé avec quelques amis et qui fut présidé par Laurent Schwartz*. Depaquit participa avec intensité aux opérations contre l’ambassade américaine et au cassage des vitrines de l’American express, qui jouèrent un rôle important dans le processus qui conduisit à Mai 68.

Dès le début du mouvement de mai, il fut du petit groupe qui se retrouvait au siège du PSU avec Daniel Cohn-Bendit*, Jacques Sauvageot*, Alain Krivine*et Jean-Pierre Vigier pour tenter de donner forme aux luttes. Dans le même temps, le PCF prononça son exclusion en son absence. Selon son témoignage, il pensa vite que faute de l’existence d’une alternative politique crédible au régime gaulliste, le mouvement n’avait aucune chance de déboucher à court terme sur une nouvelle donne gouvernementale et qu’il connaîtrait donc assez rapidement une fin dans sa forme initiale, ce qui pour autant n’enlevait rien à sa signification profonde, là étant l’essentiel. Il gardait l’idée d’un grand mouvement de jeunes et participa à la mise en place du Comité d’initiative pour un mouvement révolutionnaire (CIMR) qui connut un petit succès puis déclina rapidement. Avec des anciens communistes (Victor Leduc*), il constitua le Centre d’initiatives communistes (CIC) qui entra finalement au PSU en 1973 et rejoignit l’aile gauche du parti (Michel Mousel* et Charles Piaget*) dans son action contre la direction animée par Michel Rocard* et qui fut d’ailleurs mise en minorité. Il devint secrétaire de la région parisienne du PSU et remplaça Huguette Bouchardeau* à la tête du PSU lorsque celle-ci devint ministre de l’environnement. Il resta à ce poste jusqu’au congrès de Bourges (XVe congrès) du 14 ou 16 décembre 1984 où la majorité sortante composée de deux courants se divisa, la plus faible étant engagée dans une démarche d’adhésion au PS. Ceci se traduisit, faute de perspective, par l’explosion du parti. La minorité hostile à la participation gouvernementale demeura seule en piste pour le maintien d’un parti exsangue et qui devait d’ailleurs disparaître rapidement. Il milita ensuite dans diverses associations et mouvements : la Fondation pour l’autogestion (avec Pierre Héritier*), le Forum de la gauche citoyenne (avec Dominique Taddéi), Fondation Copernic (avec Jacques Kergoat*) et ADELS (Association pour la démocratie et l’éducation locale et sociale) dont il est vice-président.

Serge Depaquit travailla au CNRS, à l’Institut d’astrophysique, sur la cosmologie. Il était marié avec une employée d’EDF, veuf, et père d’une fille.

Loin de l’image convenue du soixante-huitard, ce militant attaché à la morale et à la rigueur politique, est une figure majeure des bouleversements politiques des années soixante.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22310, notice DEPAQUIT Serge par Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 21 décembre 2015.

Par Claude Pennetier

ŒUVRE : Renouveler la démocratie, oui mais comment, ADELS, 2005, 153 p.

SOURCES : Aude Portalis, Les dirigeants de l’Union des étudiants communiste : essai d’analyse prosopographique, mémoire de maîtrise, Paris 1, 2001. --- Philippe Robrieux, Notre Génération communiste (1953-1968), Robert Laffont, 1977. — Hervé Hamon et Patrick Rotman, Génération, les années de rêves, Seuil, 1987. — Témoignage de Serge Depaquit, juin 2008. — État civil.

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