DERIGNY Alfred

Par Yves Le Maner

Né le 17 mai 1877 à Anor (Nord), mort le 15 janvier 1951 à Fourmies (Nord) ; ouvrier textile, puis employé municipal, enfin commerçant ; syndicaliste et militant socialiste du Nord ; secrétaire de l’Union locale CGT de Fourmies (vers 1906-1931) ; maire de Fourmies (1931-1941), conseiller d’arrondissement puis conseiller général.

Orphelin de père à l’âge de trois ans, Alfred Derigny* fut élevé par sa mère qui ne disposait que de son modeste salaire d’ouvrière textile. Suivant la tradition familiale, il devint ouvrier rattacheur dans une filature de Fourmies (Nord) dès sa sortie de l’école primaire et s’engagea, alors qu’il était dans sa dix-huitième année, dans les rangs du POF et dans ceux de la CGT naissante (1895). Son active participation aux grèves du textile qui se multiplièrent dans les premières années du nouveau siècle fut à l’origine de licenciements répétés et il se vit frappé d’une quasi-interdiction d’embauche par le patronat du textile de l’Avesnois. Son ami Ernest Coppeaux*, maire socialiste de Fourmies le fit alors entrer comme employé municipal au service de l’État civil (1907), emploi qu’il occupa jusqu’en 1918, date à laquelle son élection au conseil municipal le contraignit à abondonner ses fonctions ; il ouvrit alors un café, puis un commerce d’alimentation qui le mirent à l’abri sur le plan matériel.
Élu secrétaire de la puissante « Chambre syndicale ouvrière de l’Industrie textile de Fourmies » (créée en 1900) en 1906, il devait exercer cette fonction jusqu’en 1931 avec une seule interruption, de 1914 à 1919, due à la guerre ; il en fut ensuite le président jusqu’en 1940. Alfred Derigny assura entre ces mêmes dates (1906-1914 et 1919-1931) le secrétariat de l’Union locale des syndicats et de la Bourse du Travail de Fourmies qui, en tant qu’organisations, n’adhérèrent à la CGT qu’en 1919.
N’ayant pas été mobilisé en 1914 en raison de son appartenance aux services auxiliaires, il resta à Fourmies pendant toute la durée de la guerre et reprit son action syndicale et politique dès les lendemains de l’Armistice ; il faisait alors figure de leader incontesté des organisations ouvrières des centres textiles de la Thiérache et de l’Avesnois. Membre de la commission administrative de l’Union départementale CGT du Nord, il se montra toujours favorable à la négociation lors des conflits et il opta donc pour le camp majoritaire lors du congrès de l’UD réuni à Lille le 26 juin 1921 qui préluda la scission syndicale. Derigny conserva son poste à la CA de l’UD confédérée jusqu’en 1931. Ses responsabilités à la tête du syndicat du textile de Fourmies l’amenèrent à participer à de nombreux congrès de la Fédération CGT du Textile : congrès professionnel de Tourcoing (1906), congrès de Saint-Dié (1907), de Troyes (1908), de Lyon (1909), de Roubaix (1911), de Fourmies (1912), de Limoges (1913), etc. Présent à tous les congrès de l’UD entre 1906 et 1931, il fit à plusieurs reprises partie de la commission de contrôle, ainsi lors du congrès extraordinaire de décembre 1920 et au cours de son dernier congrès syndical en décembre 1931. Malgré sa profonde hostilité envers le Parti communiste, il accepta à plusieurs reprises des actions communes avec la CGTU lors des grèves du textile de l’Avesnois et de le Thiérache, utilisant la nette suprématie numérique des troupes confédérées pour éviter tout débordement.
L’activité syndicale d’Alfred Derigny* fut doublée d’un engagement politique au sein du Parti SFIO. Longtemps dans l’ombre d’E. Coppeaux, il prit la tête de la section socialiste de Fourmies (environ deux cents adhérents) à la mort de ce dernier en 1931 et assuma la continuité de ses mandats. Membre du conseil municipal, adjoint au maire de Fourmies depuis décembre 1918, il en devint maire en juin 1931. Entré au conseil d’arrondissement en tant que représentant du canton de Trélon, il abandonna ce mandat en 1931 pour prendre la succession de Coppeaux au conseil général pour le même canton ; il fut réélu à ce poste en 1934 et 1937.
Dès les premiers jours de l’invasion allemande de mai 1940, Derigny quitta Fourmies avec le cadastre et se rendit à Saint-Brieuc (Côtes-du-Nord) où il établit pour quelques semaines le siège officiel de la mairie de Fourmies. Revenu dans sa ville à la fin du mois de juin 1940, il tenta de rester à la tête de la municipalité, mais il fut finalement démis de son mandat par un décret du ministre secrétaire d’État à l’Intérieur en date du 15 octobre 1941. Hostile à toute forme de violence, il ne prit pas part à la Résistance armée ce qui entretint une certaine polémique à la Libération. Placé à la tête de la délégation spéciale chargée d’administrer Fourmies par un décret préfectoral d’octobre 1944, il ne fut pas élu lors du scrutin d’avril 1945, mais il réintégra le conseil municipal en 1947 et exerça les fonctions de premier adjoint jusqu’à sa mort survenue en 1951.
Alfred Derigny était titulaire de la Légion d’honneur.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22358, notice DERIGNY Alfred par Yves Le Maner, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 25 octobre 2008.

Par Yves Le Maner

SOURCES : Arch. Nat. F7/13567 et F7/13609. — Arch. Dép. Nord, M 154/177, M 154/279, M 595/38B et M 595/40. — M.-F. Talon, mémoire de maîtrise, Lille III, 1974, op. cit.

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