DEROCHE Jean

Par Benoît Pouvreau

Né le 5 décembre 1931 à Dakar (Sénégal) ; architecte ; secrétaire général provisoire (1956) puis membre du bureau national de l’UEC (1956-1959).

Jean Deroche fit ses études primaires et secondaires au Sénégal, en Algérie puis au Maroc, au gré des mutations de son père Louis, ingénieur, militant communiste. Lorsque Jean Deroche lui fit part de son désir d’être architecte, Louis Deroche s’informa auprès de Roger Gilbert, architecte rencontré au sein de l’UNITEC qui lui conseilla l’atelier extérieur de Marcel Lods à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts.
En 1949, Jean Deroche gagna Paris et l’atelier Lods qui s’enrichit bientôt de l’enseignement d’André Hermant et de Louis Trezzini. Jean Deroche milita par ailleurs au sein de l’Union des jeunesses républicaines de France (UJRF), liée au PCF, où il prit des responsabilités au niveau national. Aux côtés de Serge Magnien*, il travailla rue Humblot à la renaissance de l’Union des étudiants communistes (UEC) au sein du bureau national provisoire, dans la perspective d’une refondation de l’Union des jeunesses communistes de France (UJCF) souhaitée lors du XIVe congrès du PCF au Havre en juillet 1956. Il fut ainsi secrétaire général provisoire de l’UEC lors du congrès fondateur de l’UJCF en décembre 1956 et le resta jusqu’en mars 1957, date du congrès constitutif de l’UEC. Jean Deroche resta ensuite au bureau national et s’investit dans le journal de l’Union, Clarté. Aux Beaux-Arts, il sympathisa avec Paul Chemetov, dit « Chem ». Ils renouvelèrent ensemble la maquette de Clarté et soutinrent Serge Magnien*, emprisonné en 1958 pour avoir refusé sa mobilisation en Algérie.
Pour payer ses études, Jean Deroche travailla en agence aux côtés notamment de Chemetov et de Jean Renaudie. Il fit ainsi la connaissance de Michel Steinebach, Jacques Allégret, Jacques Kalisz, étudiants en urbanisme et en architecture, également communistes, et sympathisa avec eux.
En 1959, il fut appelé en Algérie. Élève officier de réserve, il resta simple soldat pour cause de militantisme. Après vingt-huit mois en Algérie, il retrouva ses camarades, soutint en juin 1961 son diplôme d’architecte et découvrit l’Atelier d’urbanisme et d’architecture (l’AUA). Fondé par Jacques Allégret, cet atelier pluridisciplinaire était une coopérative ouvrière qui réunissait architectes, urbanistes mais aussi ingénieurs, géographes, sociologues pour s’efforcer de répondre autrement à la croissance urbaine. Allégret fut rejoint par Jean Perrottet puis par Steinebach, Chemetov et Kalisz, entre autres. Jean Deroche entra à l’AUA en 1962. Soutenu par Jean Nicolas*, architecte et membre influent du PCF, l’AUA réalisa dès 1960 ses premiers travaux en « banlieue rouge », à Vigneux, Romainville, La Courneuve. Marginal, l’AUA s’imposa bientôt par son style, mêlant brutalisme et innovation technique, et renouvela une modernité étiolée par la production de masse. Avec l’Atelier de Montrouge, l’AUA s’affirma comme une des seules sources du renouveau architectural français des années 1960 et marqua fortement les deux décennies suivantes.
Sous le sigle AUA de nombreux duos se formèrent, tels celui que constituèrent Deroche et Chemetov. Ensemble, ils construisirent beaucoup en banlieue mais aussi en province et jusqu’en Tunisie : la maison de Jacques Schalit, frère du directeur de Clarté à Clamart (1964), le foyer de personnes âgées de La Courneuve (1964), le théâtre d’Hammamet (1964), un ensemble de logements de Bagnolet (1969), le village vacances de Gassin (1970). En 1967, Deroche fut sollicité par Jean Nicolas pour assister Oscar Niemeyer à qui le PCF avait commandé son nouveau siège, place du Colonel Fabien. Il devint par ailleurs architecte conseil des villes de La Courneuve, d’Orly, de Sevran et, pour une courte période, de Villepinte. Toujours membre du PCF, il fut impliqué dans la revue La nouvelle critique, aux côtés de son frère Rémi qui maquettait « La NC ». Après 1968, il s’éloigna du PCF tout en restant dans son sillage. En 1970, il rompit son association avec Paul Chemetov. En 1976, Maria Deroche intégra l’AUA. En 1985, ils fondèrent ensemble l’atelier d’architecture et d’urbanisme Jean et Maria Deroche et s’impliquèrent fortement à Orly dont le maire, Gaston Viens*, devint un ami. Au milieu des années 1990, ils travaillèrent à la réhabilitation d’une partie de la cité des 4 000 à La Courneuve. Professeur à l’école d’architecture Paris Villemin, Jean Deroche fut fait chevalier des Arts et des Lettres par Catherine Trautmann, ministre de la Culture et de la Communication.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22365, notice DEROCHE Jean par Benoît Pouvreau, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 24 décembre 2015.

Par Benoît Pouvreau

SOURCES : ANMT, fonds Jean et Maria Deroche. — Philippe Robrieux, Notre génération communiste 1953-1968. essai d’autobiographie politique, Robert Laffont, 1977, p. 45-64, p. 109. — Pascale Blin, L’AUA : mythes et réalités. L’atelier d’urbanisme et d’architecture, 1960, 1985, Milan-Paris, Electa Moniteur, 1988. — Notice DBMOF, par Jean-Louis Cohen. — La Nouvelle critique n° 19 ; n° 46 (227) nouvelle série septembre 1971, « La maison du PCF ». — Frédérique Matonti, Intellectuels communistes. Essai sur l’obéissance politique, La Nouvelle Critique (1967-1980), La Découverte, 1999. — Notes de Jacques Girault et de Philippe Robrieux. — Entretiens de l’auteur avec Jean Deroche le 30 juin 2006.

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