DEROO Jacques, Corneille

Par Eric Belouet

Né le 5 avril 1938 à Hazebrouck (Nord), mort le 30 mai 2018 ; ajusteur, mécanicien, dessinateur, inspecteur technique, hydrolicien ; militant jociste du Nord, permanent de la JOC (1961-1964) ; syndicaliste CFTC puis CFDT, membre du conseil de la Fédération générale de la Métallurgie ; militant du PSU puis du PS ; militant du GEIST ; membre de l’ACO.

Son père, belge naturalisé français, alternait divers emplois (chauffeur d’auto, manœuvre, mineur...), militait à la SFIO et fut syndiqué à la CGT puis à la CFTC. Sa mère faisait des ménages et était très politisée, militant activement à la SFIO ; à la fin de sa vie, elle s’engagea au PSU. Tous deux étaient croyants non pratiquants et se méfiaient de l’Église en tant qu’institution. Le couple vivait à Hazebrouck et avait cinq enfants (trois garçons et deux filles) dont Jacques Deroo était le plus jeune. Celui-ci fréquenta l’école primaire publique à Hazebrouck, obtint le certificat d’études primaires, puis alla au collège technique public jusqu’en 1952. Titulaire de trois CAP (tourneur, ajusteur, fraiseur), il fut alors embauché comme ajusteur chez Delassus, à Lille (Nord), entreprise d’environ 500 salariés fabriquant des machines agricoles. Sous la pression de ses parents qui souhaitaient qu’il soit armé pour affronter la vie professionnelle, il suivit parallèlement, pendant deux ans, des cours du soir qui lui permirent de décrocher deux nouveaux CAP (forgeron et dessinateur) et un brevet d’enseignement industriel. De 1954 jusqu’au printemps 1958, il travailla à la Cotonnière de Fives (Boussac), à Marcq-en-Barœul (Nord), entreprise de 5 000 personnes dont de très nombreuses jeunes filles venues des régions minières. Il y fut alternativement mécanicien sur les métiers à tisser et dessinateur.

Dès 1950, Jacques Deroo avait adhéré à la JOC, très présente dans son quartier. Il fut responsable de la section du Rocher, à Hazebrouck, puis intégra l’équipe fédérale. Mais ce fut sur son lieu de travail, chez Boussac, que son militantisme trouva le mieux à s’exprimer. Il participa également au rassemblement international de la JOC « Rome 57 » qui, du 23 au 27 août, réunit 32 000 jocistes venus de 86 pays. Cette manifestation l’impressionna par sa dimension internationale et contribua, selon son témoignage [2008], au renforcement de sa foi. Au cours de ses six premières années de travail, Jacques Deroo, qui avait appris à la JOC qu’« un jeune travailleur vaut plus que tout l’or du monde », fut très marqué par les mauvaises conditions de travail, par l’ambiance malsaine qui régnait dans les usines et les ateliers et par les humiliations dont étaient victimes les jeunes ouvrières et ouvriers. Son militantisme jociste se doubla alors d’un engagement syndical au sein de la CFTC, d’abord chez Delassus mais surtout chez Boussac, où les jeunes savaient faire entendre leur voix et parvinrent même à déclencher une grève. De 1958 à fin 1960, Jacques Deroo fit son service militaire en Algérie (Alger, Sud-Oranais et Regane). À Bab El Oued, il prit contact avec les permanents jocistes envoyés sur place (dont Antoine Rollet* et Michel Garry) et s’efforça, pendant ses permissions, de poursuivre une action jociste en dépit des démêlés avec l’armée que cela occasionna.

À son retour dans le Nord, Jacques Deroo fur réembauché chez Boussac mais n’y resta que peu de temps. Il fut en effet rapidement sollicité pour devenir permanent de la JOC. Malgré son statut de soutien de famille (ses frères et sœurs avaient quitté le domicile familial), il accepta et prit ses nouvelles fonctions en mars 1961 au sein du secteur Nord, avec la responsabilité de l’est du département du Nord (Douai, Valenciennes, Denain, Maubeuge...). Le secteur était alors dirigé par Fernand Penin*, auquel il succéda par la suite, et l’équipe de permanents comprenait notamment Jacques Lesage*, Francis Philippe* et André Leroy*. Sur le plan national, il était rattaché à la branche « jeunes » (17-21 ans) et succéda à Jack Salinas* comme responsable national de La Jeunesse ouvrière. Son mandat terminé, il quitta la JOC en août 1964.

Jacques Deroo entra alors comme mécanicien chez Poclain, au Plessis-Belleville (Oise), entreprise de 5 000 salariés fabriquant des pelles hydrauliques. Après seulement deux ans, il fut promu inspecteur technique après-vente pour l’international et, pendant quatre ans, passa un tiers de son temps à l’étranger (Scandinavie, États-Unis, Canada...). Cela ne l’empêcha pas d’assumer d’importantes responsabilités syndicales dans l’entreprise : responsable de la section CFDT, délégué syndical et délégué du personnel.

Très attaché à ses racines, Jacques Deroo quitta Poclain pour revenir dans le Nord où il fut embauché comme hydrolicien chez Usinor, à Dunkerque, où il vit son salaire divisé par quatre. Il resta dans cette entreprise de 12 000 personnes jusqu’à sa retraite anticipée, en 1993, en pleine crise de la sidérurgie. Là encore, il fut très actif sur le plan syndical. Devenu responsable de la section CFDT d’Usinor peu de temps après son arrivée, il assuma également des responsabilités nationales. Il siégea au conseil de la Fédération générale de la Métallurgie (FGM-CFDT) et fut l’un des responsables nationaux de la branche « sidérurgie » avec, entre autres, Jacques Chérèque, Georges Granger et Pierre Robert*. De son action syndicale au cours de cette période, Jacques Deroo retenait quelques aspects principaux : les conseils d’atelier, une perception automatique de la cotisation, la lutte contre les accidents mortels, la classification des infirmières, la politique industrielle et, surtout, le passage à la cinquième équipe, dont il fut le principal artisan et qui permit de faire passer le temps de travail de 42 heures à 33,3 heures de moyenne. Jacques Deroo fut désigné par sa fédération pour signer, en 1981, l’accord national qui mettait un terme à ses dix années de lutte pour obtenir cette mesure. Après son départ d’Usinor, la FGM lui confia une mission de deux ans sur les nouvelles technologies et le syndicalisme, en lien avec l’Institut national du travail, qui le conduisit à visiter 36 entreprises en France et plusieurs autres à l’étranger. Cette mission donna lieu à la rédaction d’un rapport sur la syndicalisation.

Sur le plan politique, Jacques Deroo, sensible aux idées de Michel Rocard*, milita au PSU de la fin des années 1960 jusqu’aux Assises du socialisme (1974), puis rejoignit le PS où il militait toujours en 2008 au sein de la section de Dunkerque. De son départ de la JOC jusqu’au début des années 1970, il participa à l’ACO.

Jacques Deroo s’était marié en 1979 avec Véronique Bouilly, professeur et militante du SGEN-CFDT. Trois enfants naquirent de cette union (1979, 1984 et 1986). La naissance de leur premier enfant, trisomique, marqua le début d’un nouvel engagement de Jacques Deroo et de son épouse qui, à partir de ce moment, ne cessèrent de se battre pour que tous les enfants, jeunes et adultes porteurs de trisomie 21 (et de surcroît tous les handicapés) puissent être scolarisés, avoir une vie sociale et travailler en milieu ordinaire.

À cette fin, ils créèrent vers 1980 dans le Nord une association départementale appelée Groupe d’étude et d’insertion sociale des personnes porteuses de Trisomie 21 (GEIST 21). Depuis cette date, cette association s’efforce de regrouper les parents d’enfants trisomiques avec des professionnels de santé et d’éducation. Elle obtint la mise en place de structures d’adaptation en milieu scolaire et de structures d’accompagnement pour favoriser la vie professionnelle et sociale en milieu ordinaire.

Il fut fut nommé Chevalier de la Légion d’Honneur, le 31 décembre 1990 (promotion du travail) du fait des responsabilités syndicales exercées durant toute sa vie professionnelle tant au niveau local que national et international.

Au niveau national, Jacques Deroo fut un temps administrateur et vice-président de la FAIT 21 (devenue « Trisomie France » en 2006), la fédération regroupant les différents GEIST 21 départementaux. Véronique Deroo, qui fut la présidente présidente de l’association GEIST puis Trisomie 21 Nord , se vit décerner la Légion d’honneur en 2008.

Jacques Deroo était toujours militants du Parti socialiste lorsqu’il mourut le 30 mai 2018.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22371, notice DEROO Jacques, Corneille par Eric Belouet, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 13 septembre 2019.

Par Eric Belouet

SOURCES : Arch. JOC (SG), fichier des anciens permanents. — Témoignage de Jacques Deroo, 21 mars 2008. — Message de Véronique Deroo du 12 septembre 2019.

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