LANDRÉ Théodore

Par Alain Dalançon

Né le 17 janvier 1863 à La Villedieu (Charente-Inférieure/Charente-Maritime), mort le 18 décembre 1958 à Rochefort (Charente-Maritime) ; chef de bureau aux Chemins de fer de l’Etat ; militant syndical et socialiste, maire de Rochefort (1935-1939).

Théodore Landré
Théodore Landré
Lors d’une réception à la mairie en 1938

Théodore Landré était issu d’une famille pauvre du nord du département : son père, Auguste, était tisserand, et sa mère, née Marie Pellevoisin, dut élever cinq enfants (3 garçons et 2 filles) dont il était le fils cadet.

Il n’avait qu’un niveau d’instruction primaire quand il effectua son service militaire en 1884-1885 au 123e régiment d’infanterie à La Rochelle (Charente-Inférieure/Charente-Maritime). Employé aux Chemins de fer de l’État, il gravit ensuite petit à petit les échelons d’une carrière administrative qu’il finit comme chef de bureau dans les années 1920.

Il épousa Louise Demenitroux, née le 1er septembre 1863 à Commentry (Allier), fille d’un homme d’équipe. Avant la Première Guerre mondiale, il adhéra au Parti socialiste SFIO et se signala surtout par son activité syndicaliste comme secrétaire de l’Association fraternelle des employés et ouvriers des chemins de fer français à La Rochelle.

Il apparut à Rochefort après la guerre. Déjà retraité, il habitait en 1926, 85 rue du Breuil, où il allait demeurer et mourir à 96 ans.

Dans la section socialiste, il était un militant expérimenté et discipliné. Il figura sur la liste socialiste de l’ex-maire Roger Hymond aux élections municipales de 1929, qui n’eut aucun élu. En revanche, il fut élu aux élections partielles de 1934 et aux élections normales de 1935, où les socialistes redevinrent majoritaires dans la municipalité. Le leader de cette majorité était le jeune professeur agrégé de philosophie de 28 ans, ancien normalien supérieur, Roger Lefèvre. Mais, trop récemment nommé à Rochefort, on lui préféra comme maire, Théodore Landré, un militant dont l’âge (72 ans) paraissait être un gage de sagesse. Le journal local Les Tablettes, très marqué à droite, le dénommait d’ailleurs « Papa Landré » : il incarnait selon lui un « socialisme pacifique », comme cela avait été le cas avec Auguste Roux. La différence entre eux, c’est que Landré était un socialiste de la SFIO convaincu, qui exerçait dans la section une sorte de magistère moral. Néanmoins Lefèvre qui fut élu député de la circonscription en 1936, donnait les impulsions à la politique municipale, avec René Poupin, le militant syndicaliste de la CGT aux PTT, ancien communiste de la CGTU. Pourtant, sans faire de longs discours, le maire Landré était bien présent.

Son mandat se déroula durant la période du Front populaire. Sa montée en 1935, son triomphe en 1936, particulièrement visibles à Rochefort, correspondirent à une période d’euphorie marquée par des manifestations dans les rues du centre et du faubourg, des rassemblements importants sur la place Colbert. Un grand panneau illuminé fut accroché au-dessus du portail de la mairie, où le slogan « Socialisme, Paix, Labeur » encadrait un buste de Marianne. L’enthousiasme ne dura cependant pas et le Front populaire fut mis en cause en 1938-1939.

Durant sa mandature, Théodore Landré géra en « bon père de famille » une ville qui avait du mal à retrouver son souffle après la fermeture de l’arsenal en 1926 et où les finances n’étaient guère brillantes. La base aéronavale s’étendit. L’aviation populaire s’implanta, donnant des perspectives d’emploi et de carrière à de nombreux jeunes. Le jeudi 30 juillet 1936, après avoir traversé la ville nuitamment, en empruntant la rue Édouard Grimaux, le premier hydravion de l’usine Lioré et Olivier s’envola de l’aérodrome de la Beaune pour rallier Villacoublay où eurent lieu ses premiers essais officiels. La nationalisation des industries aéronautiques militaires avec la création de la SNACSO ouvrit de nouveaux espoirs, rapidement déçus, car le patron, Marcel Bloch, futur Marcel Dassault, ne s’intéressait guère à son développement à Rochefort, et n’y fit fabriquer que des pièces de ses avions en n’augmentant pas le nombre des salariés.
La municipalité obtint aussi du ministre de la Marine, William Bertrand, le député radical-socialiste voisin de Marennes, la réinstallation de l’École des fourriers à Rochefort. Elle se préoccupa de la jeunesse en apportant son aide au développement du centre aéré des pupilles de la CGT de la route du Breuil et le maire Landré était coprésident avec Lefèvre du comité de parrainage d’un groupe espérantiste créé en mars 1937. La Ville rénova aussi les locaux de la salle des fêtes du foyer, rue du 4 septembre, pour mettre en œuvre la politique de Léo Lagrange, sous-secrétaire d’État aux Sports et aux loisirs. Au tissu déjà fourni d’associations sportives rochefortaises, la Fédération sportive et gymnique du travail CGT en ajouta une autre : le Réveil ouvrier rochefortais, déclarée officiellement le 2 août 1937. La composition de son bureau ne laissait pas de doute sur son orientation : tous ses membres étaient militants du Parti socialiste SFIO, dont le président Salaneuve, conseiller municipal qui allait devenir un des principaux artisans du développement de l’office d’HBM puis HLM. Seule nouveauté dans les constructions, l’achèvement de la maternité en 1939 à côté de l’hôpital Saint-Charles mais qui n’ouvrit pas à cause du début de la guerre. La municipalité avait pourtant des projets nombreux dans ses cartons, qu’elle n’eut pas le temps ni les moyens de réaliser, mais qui le furent bien plus tard après la guerre : nouvel hôpital civil, cars urbains, autogare à la porte Lesson, pont sur la Charente pour remplacer le transbordeur devenu inadapté.

Fin août 1939, Théodore Landré fit adopter le budget complémentaire pour l’année, et partit se soigner en cure. Le 3 septembre 1939, jour de la déclaration de guerre, le préfet Giaccobi exigea de tous les maires d’être présents. Landré répondit par télégramme qu’il ne savait pas quand il pourrait revenir. Le préfet le suspendit immédiatement. Derrière cet acte d’autorité du préfet radical se cachait sûrement d’autres raisons : règlement de comptes après le refus de la prise en compte le 4 août 1939 des conclusions du jury d’honneur lavant l’adjoint Doignon, appartenant à l’USR (Union socialiste républicaine, le nouveau parti de l’ancien député Edouard Pouzet) d’accusation de prises d’intérêts ? Ou manque de collaboration de la municipalité au moment de l’expulsion en septembre 1937, des marins réfugiés républicains espagnols ?

Théodore Landré fut contraint à la démission mais resta conseiller municipal. Le préfet désigna à sa place un délégué spécial parmi les conseillers élus : le radical Delphin Mesnard, ancien président du Tribunal de commerce. Le député Lefèvre, mobilisé, ne semble pas avoir vraiment soutenu le maire démis de ses fonctions.
Théodore Landré siégea épisodiquement jusqu’à la fin de la mandature de cette municipalité, en décembre 1940-janvier 1941. Une page se tournait alors dans l’histoire du pays et de la ville. Landré disparut totalement de la scène et ne réapparut pas à la Libération : il avait 82 ans en 1945.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article223943, notice LANDRÉ Théodore par Alain Dalançon, version mise en ligne le 6 mars 2020, dernière modification le 30 septembre 2020.

Par Alain Dalançon

Théodore Landré
Théodore Landré
Lors d’une réception à la mairie en 1938

SOURCES : Arch. Dép. Charente-Maritime, état civil, registre matricule, nombreuses cotes dans la série M. — Arch. mun. Rochefort, dont délibérations municipales. — Les Tablettes des deux Charentes années 1925 à 1939. — A. Dalançon, « Le Front populaire à Rochefort, Roccafortis n° 58, septembre 2016 ; « La fin du Front populaire à Rochefort », Roccafortis, n° 60, septembre 2017.

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