BRUGUIÈRE Jean, Gaston, Marie [pseudonymes dans la résistance : Jacques Belin, Georges Wallers, Bancellin]

Par Eric Panthou

Né le 3 janvier 1924 à Montpellier (Hérault), mort le 15 février 2002 à Montpellier ; garçon boucher ; infirmier hospitalier ; résistant au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP), camp Wodli, et de l’Armée secrète (AS).

Fils de Gaston et de Marcelle, née Pelat, Jean Bruguière était titulaire du certificat d’études. De début 1942 à janvier 1943, il était boucher à Montpellier ; comme salarié. Célibataire, il habitait 21 rue Pagès. Au début de l’année 1943, il quitta son domicile pour rejoindre la résistance en Haute-Loire. On ignore les raisons pour lesquelles il se dirigea dans cette région.

Le dossier de Résistant de Jean Bruguière se distingue par le caractère particulièrement détaillé de la description de ces actes de résistant et la multiplication des attestations, certaines se contredisant.

Il dit être entré dans la résistance en Haute-Loire, dans le secteur d’Yssingeaux, avec le commandant Soumy (Bruguière écrit “Soumis), nom de guerre de Jean Bonnissol. Ce dernier dirigeait l’Armée Secrète, bientôt intégrée dans les Mouvements Unis de la Résistance dans ce secteur du département. Durant la période où il appartient à ce camp relevant de l’Armée Secrète, Jean Bruguière est connu sous le nom de Jean Bellin. Début juillet 1943, Bruguière, qui devient alors Georges Wallers, intègre les FTP et passe sous le commandant de Robert, jusqu’à octobre 1943, avec le grade de chef de détachement le 14 août, puis le 15, à la suite de ce qu’il nomme une “dangereuse mission”, il est nommé lieutenant par le commandant Robert, en tant que chef de corps franc adjoint. Bruguière dit avoir pris sous son commandement le “sous camp Wodli”. Wodli était le nom du camp FTP créé durant l’été 1943 dans le secteur de Queyrières (Haute-Loire) et qui devint bientôt le principal camp FTP de la région couvrant la Haute-Loire, la Loire et le Nord Ardèche. Bruguière dit avoir eu 30 hommes sous ses ordres, tous Corps Francs (dans un autre dossier, il dit avoir alors eu 60 hommes sous ses ordres).

Bruguière dit que sous les ordres du commandant Robert, il participa à différents coups de mains dans la région. Il fut personnellement chargé de l’exécution d’un traître le 6 août 1943 au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire) après une enquête menée par le commandant Robert. L’homme abattu, l’inspecteur Praly, avait dénoncé plusieurs personnes, déportées ensuite.
Dans un rapport précis retrouvé à Londres, au sein de la France Combattante, il est écrit le 14 août 1943 que le policier exécuté était "un policier collaborationniste", que l’attentat a été commis le 6 août, vers 21 h, au Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire). L’inspecteur Léopold Praly, né en 1920 à Saint-Michel-de-Chabrillanoux (Ardèche), membre du service des renseignements généraux, inspecteur de police auxiliaire, milicien, détaché au Chambon-sur-Lignon, a été attaqué par 3 personnes, qui tirèrent sur lui plusieurs coups de revolver. L’inspecteur, grièvement blessé, fut transporté au Puy, où il décéda dans la nuit. Ses agresseurs se sont enfuis à bicyclette et n’ont pu être rejoints. L’inspecteur Praly était responsable de l’arrestation de plusieurs patriotes de la région du Chambon sur Lignon. »
C’est cette mission qui lui valut d’être nommé lieutenant le 14 août, d’être cité par Radio Londres, d’être cité à l’ordre de l’Armée secrète. L’attentat n’a été revendiqué par le Wodli à aucun moment.

Il dit qu’il participa à la libération de 96 détenus politiques (en réalité 80) à la prison du Puy-en-Velay la nuit du 1er au 2 octobre 1943, en précisant que cette action intervint après le départ du commandant Robert. A partir de cette date, recherché pour avoir exécuté l’inspecteur Praly, il dit avoir quitter la région. On peut douter de cette affirmation selon laquelle il a participé à l’évasion du Puy car c’est sans doute bien avant celle-ci qu’il a dû fuir la police et se réfugier à Montpellier où il prit contact avec Maurice Paget alias Serge, chef départemental des Maquis pour l’Hérault. De là, il fut envoyé à l’école des Cadres à Lasalle (Gard) chez le commandant René Rascalon et y reste deux mois environ, puis regagne Montpellier et intègre le corps franc du capitaine Vincent. Là, il effectue divers coups de mains (ravitaillement de cartes d’identités de français pour le Parti communiste , vols de cartes d’alimentation, transport d’armes, etc.) de janvier 1944 au 21 juin 1944. Ce 21 juin, vendu par un ami, la police cerna le quartier où vivent ses parents chez qui il était réfugié mais il parvint à s’enfuir par les toits. Ses parents furent arrêtés à cette occasion et sa maison pillée par le SD.

Il rejoint alors le Bousquet-d’Orb (Hérault) et le camp FTP de Vernazoubres, sous les ordres du commandant Janvier (il eut aussi comme chef Gérald Suberville qui fit pour lui une attestation en janvier 1951). Là, il prit le commandement de la 4ème Compagnie (4303) et participa à l’attaque du 17 août aux portes de Bousquet-d’Orb où Bruguière a, avec 21 hommes sous ses ordres, arrêté une compagnie motorisée allemande. Puis, du 17 au 22 août, il participe aux combats de Magalas, Colombière et du Col de Peytafi. Il fut blessé par un éclat de grenade à Bédarieux.
Après cette date, sa compagnie rejoignit Montpellier et il entra aux Milices Patriotiques le 15 octobre 1944. Puis, il fut nommé à l’état-major de la Police militaire qui devint bientôt le 5ème Bureau, au service des Recherches (16ème Région militaire), sous les ordres du Servigne.
La Commission d’homologation des titres de résistance pour le Gard refusa d’émettre un avis pour ce qui concerne la période du 13 juin au 30 juillet 1944 où Bruguière aurait appartenu aux Milices Patriotiques de Mialet. La commission estima les attestations vagues quant aux dates et émanant d’inconnus.

Le 24 avril 1945, il fut nommé aspirant FFI par la Commission régionale et fut démobilisé le 5 juillet 1945.

Il reçut la Croix de guerre avec citation de la Brigade pour avoir arrêté une compagnie allemande le 17 août 1944.

La commission départementale de validation du titre de FFI ne reconnut finalement que son passage au camp Wodli sous les ordres du commandant Robert, pour sa période en Haute-Loire. Et dans un dossier qu’il remplit en 1954, Bruguière ne fit put état de son passage dans le maquis de l’AS à Yssingeaux.
Au final, il fut homologué FFI pour la période du 15 octobre 1943 au 26 août 1944 par la Commission régionale. Ses services en Haute-Loire n’ont donc pas été retenus comme relevant de la résistance armée. Contradictoirement avec cette dernière décision, datée du 18 mai 1951, Bruguière dispose d’un certificat d’appartenance aux FFI qui stipule qu’il a servi au camp Wodli du 1er juillet au 15 octobre 1943, puis au maquis de l’Armée Secrète et R3, dans l’Hérault, du 16 octobre 1943 au 30 mai 1944, puis au maquis FTP Vernazoubres dans l’Hérault du 1er juin au 26 août 1944.
Le commandant Vial-Massat fournit une attestation sur l’activité de Bruguière, alias Georges Wallers, au Wodli, sans préciser néanmoins qu’il avait eu ici des responsabilités comme chef. Marius Biosca fournit également une attestation, en tant que commandant Roberte, se présentant comme ancien responsable FTP pour la Loire, Haute-Loire, Rhône, Corrèze et Dordogne.

Jean Bruguière fut homologué lieutenant FFI par arrêté du 2 juillet 1952.

Pour Bruguière, le commandant Robert était Marius Biosca, à qui il délivra une attestation qui s’assimile plutôt à un récit héroïque qu’à l’énoncé des faits et responsabilités dans la résistance constituant normalement les attestations.
Dans une lettre à Raymond Vacheron, datant de 1992, Henri Julien, membre du trio de direction du camp Wodli en juillet 1943, a des propos très durs à l’encontre de l’ouvrage de Marius Biosca concernant sa période dans la région de la Haute-Loire. En outre, il qualifie l’attestation faite par Bruguière pour Biosca, publiée dans l’ouvrage, comme une attestation de complaisance.

Fin 1945, il se présente comme lieutenant, chef de corps francs FTP Région de Montpellier. Il habite alors rue Gustave à Montpellier. Il voulut intégrer l’armée mais malgré ses bons services, on jugea sa formation militaire et son instruction générale insuffisantes.
Marié le 30 octobre 1945 avec Reine Amand, il était père de 3 enfants, un fils aîné et deux filles. Il était infirmier aux hospices de Montpellier. Après avoir été diplômé en 1954, il devint infirmier psychiatre à la clinique psychiatrique de Font d’Aurelle à Montpellier, habitant alors 11 rue Hippolyte. En juillet 1954, Bruguière fit des démarches pour être affecté dans un Service de Santé de l’Armée, avec prise en compte de ses qualifications mais aussi de ses titres de résistant. En 1955, après enquête sur sa moralité et son passé de résistant, il fut intégré comme caporal-chef de réserve au Service de santé des armées.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article224285, notice BRUGUIÈRE Jean, Gaston, Marie [pseudonymes dans la résistance : Jacques Belin, Georges Wallers, Bancellin] par Eric Panthou, version mise en ligne le 14 mars 2020, dernière modification le 30 octobre 2021.

Par Eric Panthou

SOURCES : SHD Vincennes GR 16 P 93852, dossier Jean Bruguière. — Marius Biosca, Déporté politique 77 818 : De la résistance à Dachau, Nîmes : Impr. Richelieu, 1947, 97 p. — François Boulet : http://www.environnementpatrimoinemazet.fr/fichiers_site/a5907deb/contenu_pages/500ansmontagnerefuge.pdf. — Généanet.

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