Par Dominique Petit
Né le 7 mai 1853 à Brest-Recouvrance (Finistère) ; peintre ; concierge ; anarchiste parisien.
Suite à l’indication d’un cambrioleur blessé au cours d’une opération nocturne et qui, transporté à l’hôpital, avait déclaré habiter 1 boulevard Brune (Paris XIVe arr.), les agents de police s’étaient installés le 12 ou 13 mars 1894, dans un débit de vins et avaient passé deux nuits sur le talus des fortifications, couchés sur un tas de paille, derrière une guérite du télégraphe.
Ils surveillaient une chétive masure située à l’angle formé par le boulevard et par la ligne du chemin de fer de Bretagne. Elle n’avait pas de façade sur le boulevard. Une petite porte bâtarde, grossièrement peinte en vert, s’ouvrait pendant la journée à l’aide d’une ficelle qui faisait fonctionner le loquet. Pendant la nuit, les locataires de ce bizarre immeuble réintégraient, leur domicile sans éveiller le concierge Emile Charlier ; chacun avait sa clef. Séparée de la voie, du chemin de fer par un maigre jardinet, ou plutôt par une étroite bande de terrain qui restait inculte, cette maison était éclairée par de petites fenêtres treillagées, assez semblables à celles des prisons.
Le 18 mars 1894, les agents faisaient irruption dans cette bâtisse, qui servait de repaire à une bande de malfaiteurs soupçonnés d’être affiliés aux anarchistes. Bellotti et Charlier, ainsi que Marie Milanaccio et Victorine Bellotti, étaient mis en état d’arrestation, une souricière fut mise en place, qui permit ensuite l’arrestation de Léon Ortiz.
L’habitation où avait été arrêté Léon Ortiz se trouvait près de la porte de Vanves, au numéro 1 du boulevard Brune. La voie du chemin de fer de l’Ouest traversait à cet endroit le boulevard et bordait d’un côté la maison. La porte branlante donnait accès à une allée très mal entretenue. A droite s’élevait une masure décrépite. Vingt mètres plus loin se dressait une habitation d’aspect assez propre, et de la hauteur d’un étage. C’était la demeure des compagnons. Un balcon en bois, servant de couloir, donnant sur une cour, pavée d’une façon rudimentaire. La maison était ainsi distribuée : quatre fenêtres donnent sur le balcon. Un premier logement avec deux fenêtres était habité par la veuve Milanaccio. L’autre, composé de deux pièces, par Emile Charlier et sa femme. Mais ce dernier logement était étrangement divisé. Une seule pièce servait aux deux époux, la porte de la seconde avait été condamnée de telle façon qu’on n’y pouvait entrer que par la fenêtre, laquelle portait un cadenas. Or, la police trouva dans cette pièce une certaine quantité d’objets volés : argenterie, bijouterie, couvertures de luxe, etc. Le locataire habituel de ce taudis était Ortiz.
Quand Charlier fut accusé de vol, il nia de toutes ses forces. « Mais, dit-il aux magistrats, il est facile de voir que cette chambre, qui renferme des objets volés, n’est point dans mon appartement. » Cela convainquit fort peu les policiers, qui trouvèrent singulier qu’un locataire fût dans l’obligation de réintégrer son domicile par la fenêtre.
Charlier, lui, était le principal locataire de la maison ; il avait sous-loué aux compagnons sans se préoccuper de leurs théories. Il fut mis sous les verrous, mais sa femme, contre laquelle aucune preuve de complicité n’avait été établie, était laissée en liberté.
Le 28 mars, Charlier, était confronté avec Chiericotti, par le juge d’instruction Meyer, il ne fit pas de difficultés pour déclarer que celui-ci était un des compagnons qui fréquentaient le n° 1 du boulevard Brune. Ces bonnes dispositions lui valurent probablement un non lieu car on ne le retrouvait pas dans les inculpés du « procès des trente » autour d’Ortiz.
Charlier figurait sur l’état récapitulatif des anarchistes au 31 décembre 1894, il demeurait 1 boulevard Brune ; sur celui du 31 décembre 1896, son adresse était 1 bis boulevard Brune et il était présent sur sur celui de 1901. Il était signalé disparu du département de la Seine depuis novembre 1901 et avait été inscrit à l’état vert n°4 des anarchistes disparus et/ou nomades.
Son dossier à la Préfecture de police portait le n°266.225.
Par Dominique Petit
SOURCES :
Archives de la Préfecture de police Ba 1500 — Les anarchistes contre la république de Vivien Bouhey. Annexe 56 : les anarchistes de la Seine — La Gazette nationale 19 mars 1894 — La France 19 mars 1894 — Le Petit journal 19 et 20 mars 1894 — Journal des débats 20 et 29 mars 1894 — État signalétique confidentiel des anarchistes disparus et des anarchistes nomades, n°4, avril 1904 — Note Rolf Dupuy.