JOULIN André, René, Constant

Né le 28 juin 1899 à Beaufort-en-Vallée (Maine-et-Loire) et mort à Draveil (Essonne), le 1er juillet 1978 ; mécanicien ; déporté communiste.

Fils de Constant Joulin, mécanicien, âgé de 46 ans, et de Clémentine Baudrier, sans profession, âgée de 30 ans, reconnu comme enfant légitime après le mariage de ses parents, le 3 octobre 1904, marié à Paris Xe arrondissement le 30 avril 1932 avec Paulette, Augustine, Madeleine Faucher, couturière. Ajusteur à la Société anonyme des avions Caudron à Issy-les-Moulineaux (Seine) au moment de son arrestation. Il faisait partie depuis 1936 de la cellule Renault. Arrêté le 16 juin 1942 par le brigadier chef Rouchy et le gardien Sainte-Marie pour distribution de tracts communistes (en infraction au décret-loi du 26 septembre 1939), il fut conduit au commissariat puis écroué trois jours plus tard à la prison de la Santé.
Cet emprisonnement concluait la première des deux grandes vagues d’arrestation qui furent menées aux usines Renault à la fin du printemps et au début de l’été 1942. À la suite d’une lettre anonyme évoquant la diffusion de tracts au sein des ateliers, l’inspecteur de police adjoint Roger Rouchy, bras droit du commissionnaire divisionnaire Ludovic Saint-Royre et brigadier chef de la première division, opéra une surveillance étroite de l’usine en compagnie des inspecteurs Paul Brocquesolle et Robert Richard. À cette occasion, ils acquirent la certitude qu’une dizaine d’ouvriers de Renault et de la société des avions Caudron avaient reconstitué des cellules au sein de ces entreprises. Le 9 juin, Roger Prevost, OS chez Renault, fut trouvé en possession de La Vie ouvrière. Appréhendé deux jours plus tard, il révéla aux policiers que les tracts lui avaient été remis par un autre OS de l’entreprise, Eugène Cardot. Arrêté le même jour, ce dernier informa la police qu’il avait reçu deux exemplaires de La Voix ouvrière des mains de Léon Brasselet, rectifieur chez Renault ; il ajouta qu’il en avait remis un à Prevost et l’autre à Eugène Lemouton, compagnon, en les priant de les faire circuler dans l’usine. Une fois interpellé (13 juin), Brasselet révéla que les tracts lui avaient été donnés par Marcel Bouchet, lui aussi rectifieur dans cette société. Le processus de dénonciation en cascade se poursuivit comme dans d’autres affaires concernant différentes usines de la région parisienne. Bouchet, qui avait déjà été interpellé la veille avec Maurice Thorel, chef d’équipe à l’atelier 200, fit connaître « après plusieurs réticences » que ces tracts circulaient dans l’atelier depuis la reprise du travail à l’été 1940, au lendemain de l’Armistice. Il reconnut également avoir été sollicité peu après l’exode par Thorel de conserver des tracts communistes dans son placard et de les faire circuler au sein de son entourage. Interrogé à son tour, Maurice Thorel commença par nier les faits, mais la police trouva dans son placard d’atelier une dizaine d’exemplaires de L’Humanité clandestine portant la même date (22 mai 1942) que les numéros de La Vie ouvrière saisis au début de l’enquête. Au cours de cet interrogatoire, Thorel affirma que le matériel lui avait été remis par un dénommé « Martin » par l’entremise d’un ancien camarade, André Joulin. Les policiers trouvèrent en outre dans les affaires de Thorel un ticket de métro sur lequel étaient inscrites les dates de rendez-vous que celui-ci avait convenues avec « Martin », alias Chaumont ; mais l’identité réelle de ce contact ne put être établie malgré les différentes surveillances effectuées par la brigade entre le 16 et le 18 juin aux stations de métro indiquées par Thorel.
La police comprit toutefois assez rapidement que André Joulin était « le cerveau agissant » de cette reconstitution de cellules au sein de Renault et de sa filiale. Le rôle prépondérant joué par Joulin n’a rien de surprenant, les ouvriers professionnels de l’industrie aéronautiques ayant souvent été à l’avant-garde des luttes politiques et sociales dans l’entre-deux-guerres et surtout après 1936, chez Caudron comme dans les autres usines française du secteur. Le rapport de Rouchy du 10 juin 1942 précise : « Les renseignements recueillis aux usines Caudron confirment que pendant la période de 1936, Joulin fut très actif. Pendant la guerre, il fut affecté spécial et son activité se manifesta surtout en décembre 1939 à l’atelier et ensuite en dehors de l’usine. »
Lors de la perquisition effectuée en juin 1942 à son domicile, 19 rue de la Gaîté Paris XIVe, les documents suivants furent saisis : une carte de visite au nom de Bernard Rousseau portant une adresse manuscrite, des morceaux de papiers comportant des adresses, une carte de membre actif de la Ligue française pour la défense des droits de l’homme et du citoyen au nom d’André Joulin. La police l’avait en outre appréhendé en possession d’un compte rendu d’une réunion syndicale qui avait eu lieu quatre jours plus tôt, le 12 juin, rue Victor-Griffuelhes à Boulogne.
Déjà, pendant la drôle de guerre, en décembre 1939, Joulin avait été suspecté, « à la suite de renseignements confidentiels » (transmis par la direction de la Société des avions Caudron ? Par des indicateurs de police ? Une autre source ?) d’avoir organisé à l’intérieur de l’usine « une sorte de syndicat plus normalement appelé ”Cellule” ». Il avait été assisté dans cette entreprise par Riche, Aulard et Girard, « tous connus comme militants communistes dangereux. » Les deux premiers furent arrêtés pour propagande communiste, quant à Aulard, laissé en liberté, il donna aux enquêteurs de la BS1 le nom de Louis Cluet. Ce dernier, arrêté lors de la seconde grande vague d’arrestations menée chez Renault entre la fin juin et le début juillet 1942, allait mourir deux ans plus tard dans le KL de Bergen-Belsen.
Le 2 décembre 1942, André Joulin fut condamné à 18 mois d’emprisonnement et 1 200 francs d’amende pour infraction au décret-loi du 16 septembre 1939. Transféré successivement aux centrales de Poissy et de Melun, il fut déporté à Buchenwald à une date encore indéterminée (à l’expiration de sa peine précise son épouse en 1945) et enregistré sous le matricule 38760. Il fut affecté à Schönebeck à une vingtaine de kilomètres au sud de Magdebourg. Les détenus de ce kommando, ouvert le 19 mars 1943 et qui compta jusqu’à 1 600 personnes environ dont 500 Français, travaillaient pour la firme Junkers à la fabrication de pièces d’avion. André Joulin est noté comme libéré ou décédé, sans plus de précision, à la date du 5 mai 1945 (le camp avait été libéré la veille par les troupes américaines).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article224730, notice JOULIN André, René, Constant, version mise en ligne le 22 mars 2020, dernière modification le 19 avril 2021.

SOURCES : ADML, État-civil, naissances 1891-1900, Beaufort-en-Vallée. — AN Z/4/66 dossier 455. André Joulin et alii. AN Z/6/109 dossier 1590. Ministère public c/Ludovic Saint-Royre et Roger Rouchy. AN Z/6NL/246 dossier 5927. Ministère public c/Paul Brocquesolle. Site internet de la Fondation pour la mémoire de la déportation .– Livre Memorial : http://www.bddm.org/liv/details.php... : https://asso-buchenwald-dora.com/le.... Laurent Dingli, Entreprises dans la tourmente – Renault, Peugeot 1936-1940, Tours, Presses universitaires François Rabelais, 2018.

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