DESNOTS Jacques [DESNOTS Jean, Marcel, dit Jacques, dit LE RICARD]

Par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier

Né le 28 février 1897 à La Queue-lès-Yvelines (Seine-et-Oise, Yvelines) ; serait mort vers 1944 ; cultivateur ; élu membre du comité central du Parti communiste en 1929 ; un des principaux responsables de la commission paysanne ; devenu trotskiste.

Jean Desnots
Jean Desnots

Jean Desnots fut un des principaux responsables de la politique agricole du Parti communiste au début des années 1930. Cultivateur à La Queue-lès-Yvelines, il avait l’apparence d’un instituteur avec sa petite moustache, son air réfléchi et son goût du débat théorique. Doté d’une bonne instruction (acquise vraisemblablement en autodidacte), il excellait dans les analyses économiques et sociales très documentées. Des dizaines d’articles témoignent de l’intensité de son effort intellectuel pour définir une ligne politique tenant compte de l’évolution de l’agriculture française.
Les parents de Jean Desnots étaient des petits cultivateurs à la fois propriétaires d’un peu de terre, louant aux propriétaires fonciers le complément nécessaire, le père étant occasionnellement journalier. Avant-guerre et jusque 1925, ils écoulaient les produits de la ferme et du jardin sur les marchés de banlieue, après ils les vendaient sur place. La mère, outre ses occupations à la basse-cour, faisait de la confection à domicile. Ils avaient appartenu au PC de 1922 à 1928 mais s’ils cessèrent à cette date de cotiser, en raison de leur âge et de leur isolement, ils restèrent sympathisants actifs.
Ayant grandi dans ce milieu, Desnots commença à travailler à treize ans chez ses parents puis de plus en plus comme journalier agricole ou bûcheron en hiver, enfin comme jardinier au château voisin (environ 3 F par jour). Autodidacte, il occupe tous les moments de repos à préparer le baccalauréat latin-sciences. Pendant la guerre, il fut sur le front de Champagne de 1916 à 1919. Gagné au pacifisme, il diffuse La Vague et édite un « Journal manuscrit à tendances anti-religieuses » au tirage de quatre exemplaires ! Sous-officier en 1918, il contracte un réengagement de six mois afin de pouvoir étudier l’anglais, l’espagnol et la comptabilité, matière nécessaire à l’entrée dans la maison ex-autrichienne Hardtmuth à Paris où il fut embauché en 1921 (à 500 F par mois). Il y resta jusque 1923 mais ayant adhéré entre-temps au Parti communiste, dénoncé par des cultivateurs de sa région, il fut congédié. Suspecté, il retrouva assez difficilement du travail à Paris comme placier ou représentant chez Sermajor, Winter et enfin à la Compagnie franco-belge des crayons. Il quitta volontairement ce travail après la conférence nationale d’Ivry du PC pour devenir permanent à la section agraire. Il avait adhéré effectivement au PC en 1922 à l’occasion d’une réunion de propagande, il assista quelques jours après à un congrès fédéral de Seine-et-Oise. En 1923, il militait à la 2e section de la Seine et rédigeait le journal publié par la cellule 913 constituée dans son entreprise. Début 1925, il fut élu secrétaire du 9e rayon et appelé au comité de la région parisienne le 6 juin 1926. Mais il travailla surtout à la section agraire à laquelle il avait été appelé en remplacement de Castel qui passait au Conseil paysan.
Son nom apparaît pour la première fois à la conférence nationale communiste d’Ivry le 20 octobre 1925 (« rapport sur la situation des paysans de la région parisienne »). Au Ve congrès national du Parti communiste (Lille, 20-26 juin 1926), il présenta la résolution sur la « Question paysanne ». Un tel rapport n’avait pu être confié qu’à un militant doté déjà d’une certaine expérience. Il fit la critique de la politique agraire de Renaud-Jean* et, considéra que le programme voté au congrès de Marseille (décembre 1921) était à compléter. Il représentait la ligne orthodoxe du parti face aux « déviations opportunistes » de Vazeilles et Renaud-Jean*. Il faut, déclara-t-il privilégier la structure politique et non l’organisation de masse paysanne et ne pas perdre de vue la nécessaire hégémonie du prolétariat ; d’ailleurs, contrairement aux impressions de Renaud-Jean*, les masses paysannes sont par nature moins révolutionnaires que la classe ouvrière. Desnots traitait d’illusion la croyance de Renaud-Jean* en la pérennité de la petite paysannerie : « Si on ne peut envisager la disparition complète de la petite propriété, il faut admettre que dans un temps plus ou moins proche, cette petite propriété aura perdu l’indépendance qui la caractérisait jadis et bien qu’existant juridiquement sera sous l’emprise totale du capitalisme » (compte rendu du congrès de Lille). Son autobiographie du 5 janvier 1932 faisait sans doute allusion à cette contestation lorsqu’il mentionnait une entrevue avec la commission centrale de contrôle politique « à la suite du différend Renaud-Jean*, Desnots, Girault » ; la CCCP se serait déclarée incompétente sur ce différend politique mais les résultats de l’entrevue ne lui furent pas communiqués.
Trésorier de la Fédération unitaire de l’agriculture de 1926 à 1928, il siégea comme suppléant à la commission exécutive de la CGTU après le congrès de Bordeaux (septembre 1927). En mars 1929, à la Ve conférence communiste de la Région parisienne, les délégués votèrent l’impression et la publication de son intervention. Desnots s’était fait connaître par ses nombreux articles publiés dans La Voix paysanne et les Cahiers du Bolchevisme où il analysait l’évolution des structures agraires et la différenciation des classes sociales à la campagne. Entré au comité central à l’issue du congrès de Saint-Denis (31 mars-7 avril 1929), il supplanta pendant quelques années les autres responsables paysans. Comme tout le comité central il fut inculpé lors du « complot » en 1929. À partir de 1931 il devint administrateur délégué de l’UPT et à la permanence de la CGPT et de la Voix paysanne. Il faisait partie également de La Libre-pensée prolétarienne. Sa compagne, fonctionnaire syndiquée au ministère des Finances, fille de commerçants décédés, était sympathisante du PC. Il représenta, en 1932, la CGPT (Confédération générale des paysans travailleurs) et la Fédération unitaire de l’agriculture au congrès des paysans contre la guerre, à Grevenbroich (Allemagne). La même année le VIIe congrès du Parti communiste français ne le réélut pas au comité central. Permanent, il avait été candidat aux élections législatives d’avril 1928 dans la circonscription de Mantes (Seine-et-Oise) où il recueillit 1 821 voix au premier tour et 278 au second, sur 18 476 inscrits.
Il rompit avec le Parti communiste en 1934, lors de l’exclusion de Doriot dont il partageait les conceptions en faveur du front unique. Il se sépara cependant de l’ancien dirigeant communiste pour se rapprocher de la tendance trotskiste, Groupe bolchevik-léniniste et, le 10 février 1935, La Vérité, organe du GBL, publia sous la signature de Le Ricard un article sur les paysans. Attaché à l’unité ouvrière, il ne rejoignit pourtant pas les trotskistes favorables à cette perspective mais milita à Front social fondé par Gaston Bergery. Dans une lettre à Léon Trotsky, datée du 12 juillet 1936, Desnots déclara que son passage au Front social « a été uniquement dicté par le souci de neutraliser chez une centaine de camarades les poisons bourgeois que distillait Bergery ». Était-il également membre du Parti SFIO ? Il assista au congrès national extraordinaire de Limoges (28-29 septembre 1935) et en fit le compte rendu dans La Vérité du 11 octobre 1935.
Il fut exclu de l’organisation de Bergery quand il participa, en décembre 1935, au lancement du journal La Commune et qu’il signa, en janvier 1936, la déclaration du comité pour la IVe Internationale. Rédacteur et administrateur de La Commune paysanne, il assista à la conférence des 7 et 8 mars 1936 qui fonda le Parti communiste internationaliste dirigé par Pierre Frank* et Raymond Molinier*. Rapporteur sur la situation politique, il participa à la rédaction de son programme et fut élu à son comité central. Il représenta son parti aux élections législatives du 26 avril à Argenteuil (Seine). Au début de juin, il participa à la fondation du Parti ouvrier internationaliste qui regroupa pendant quelques mois les tendances rivales qui déchiraient le mouvement trotskiste. Membre de son comité central et de son bureau politique, il participa au comité de rédaction de son organe La Lutte ouvrière. Les luttes internes s’aiguisant, Jean Desnots se rendit avec Raymond Molinier*, le 16 juillet 1936, à Honefoss en Norvège pour rencontrer Trotsky qui réitéra sa condamnation politique de l’ex PCI. Encore membre pour quelque temps du POI - le bureau politique du parti l’attaqua publiquement le 15 août dans La Lutte ouvrière - il assista aux États-généraux de la paysannerie tenus les 12 et 13 septembre à Châteauroux, puis fit une tournée dans l’ouest de la France.
Lors de la rupture d’octobre 1936 à l’intérieur du POI, Jean Desnots fut élu au comité central du PCI reconstitué dont il devint responsable de la presse et de l’intervention en direction des paysans. Il participa régulièrement aux activités de son parti jusqu’en 1938. Auteur d’une brochure À ton tour, paysan, il développait ses conceptions aussi bien lors de stages des pionniers rouges, comme ce fut le cas à Noël en 1936 ou à Pâques en 1937, que dans des meetings de métayers, comme dans la Seine-Maritime en septembre 1937. Mandaté par son parti, Desnots adhéra au Parti socialiste ouvrier et paysan de Marceau Pivert*, dès sa création en juin 1938. Il anima, à partir de juillet, une activité de tendance opposant notamment le défaitisme révolutionnaire au pacifisme intégral de certains responsables du Parti. Dans le même temps, il apporta au PSOP la perspective d’un programme paysan que le nom du parti impliquait nécessairement. Le 26 août 1938, l’organe du PSOP, Juin 36, publia un texte de Jean Desnots définissant la politique paysanne du Parti. Lors du Ier congrès de cette formation, réuni du 27 au 29 mai 1939 à Saint-Ouen, il fut l’un des porte-parole de la tendance trotskiste.
Sous l’occupation allemande, Jean Desnots adhéra au Rassemblement national populaire de Déat, dès sa création. Il rompit à cette époque avec le mouvement trotskiste. Desnots participa au Front social du travail et au Centre paysan. Il signa de nombreux articles dans l’Atelier de 1942 à 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article22509, notice DESNOTS Jacques [DESNOTS Jean, Marcel, dit Jacques, dit LE RICARD] par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier, version mise en ligne le 25 octobre 2008, dernière modification le 7 septembre 2016.

Par Jean-Michel Brabant, Claude Pennetier

Jean Desnots
Jean Desnots

ŒUVRE : Brochures : La lutte de classe au village, Paris, 1932. — Le Pain cher, Fédération de Paris du PC, s.d. (1926). — Projet de programme pour le congrès du PSOP, 1939. — À ton tour paysan, 1937. — La Défense paysanne par le Front ouvrier et paysan, s.d. — Articles : Collaboration à La Voix paysanne. — Tribune paysanne du Bulletin hebdomadaire de la presse. — Collaboration aux Cahiers du Bolchevisme : « Pour continuer la discussion », août 1928 ; « Le redressement du parti français à travers la crise agricole », décembre 1929. — Collaboration à Juin 36 (6 janvier 1939). — La Commune, 1936-1937. — La Vérité, 1937. — Dans La Vérité (Revue du PCI.), n° 5, 1939, une étude sur les problèmes agraires en France. — J. Desnots publia à partir de 1936 La Commune paysanne, journal mensuel de 4 p. domicilié à La Queue-lès-Yvelines. Il existait encore en septembre 1938 (n° 13). — L’Atelier, nombreux articles de mai 1942 au 5 août 1944 (n° 186). — La France socialiste, 1941.

SOURCES : Arch. Nat. F7/13090, F7/13091, F7/13093, F7/13628. — Arch. PPo. carton 45. — Arch. A. Marty (Jean Maitron), B XVI. — Archives du Komintern, RGASPI ou, 495 270 851. Autobiographie du 5 janvier 1932. Fiche de police (517 1 846) (1929). — Cahiers du Bolchevisme, 1926-1932. — L’Humanité, 18 mars 1929. — Journaux cités à ŒUVRE. — L’Atelier, 24 juillet 1943. — A. Vassart, Mémoires, op. cit., chap. IV, p. 23. — La crise de la section française de la LCI (1935-1936), Paris. — J. Rabaut, Tout est possible ! Paris, 1974. — J.-P. Joubert, À contre-courant : le pivertisme, thèse pour le doctorat de sciences politiques, Grenoble, 1972. — J. Pluet-Despatin, Les étapes du mouvement trotskiste en France de 1929 à 1944, thèse de IIIe cycle, Paris I, 1975. — S. Ketz, De la naissance du GBL à la crise de la section française de la LCI (1934-1936), mémoire de maîtrise, Paris I, 1974. — Notes de J. Girault et M. Dreyfus.

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