KIFFERT René

Par Jean-François Lassagne

Né le 6 juin 1924 à Fontoy (Moselle), mort le 25 septembre 2014 ; mineur de fer à Mancieulles (Meurthe-et-Moselle) ; militant de la CGT ; délégué mineur ; membre du bureau de la Fédération régionale des mineurs de fer et de sel de Lorraine ; président de la Société de secours minière de Tucquenieux ; administrateur de la Caisse Autonome Nationale (CAN) ; administrateur de la CRIREP et de l’ARRCO ; membre du Parti communiste français ; maire de Mancieulles ; député suppléant.

Son père Emile Kiffert était né à Fontoy (Lorraine annexée) en 1889. Fils et petit-fils de carrier, il devint mineur de fer à la mine de Fontoy, d’où il fut licencié à la suite d’une sévère altercation avec la direction. Dès lors, interdit d’embauche dans les mines et usines de Moselle, il trouva un emploi de livreur, avant d’être embauché à la mine de fer de Mancieulles en Meurthe-et-Moselle grâce à un ami porion. Après son décès en 1936 à la suite d’une double pneumonie liée à son travail, et aux suites du gazage subi durant la première guerre mondiale dans l’armée allemande, son épouse dut quitter la cité de la mine avec ses enfants, et René Kiffert abandonner le cours complémentaire pour entrer à la mine à 14 ans, au puits de Saint-Pierremont à Mancieulles, animé d’un fort sentiment d’injustice et de révolte. D’ailleurs, dès son premier mois de travail il participa à une grève et sa mère fut convoquée par la direction. Il se syndiqua à la CGT le 17 novembre 1938. Durant la guerre il participa à la Résistance, puis s’engagea dans les forces françaises en 1944, et combattit jusqu’en Allemagne. A son retour, il devint le chauffeur d’Albert Balducci, secrétaire du syndicat des mineurs de fer de Meurthe-et-Moselle, et d’Adrien Bermand, qu’il accompagnait dans les puits de mines où il mettait sur pied de nouvelles sections syndicales. En 1947, année de son adhésion au Parti communiste, la plupart des mineurs du puits Saint-Pierremont ayant rejoint Force ouvrière à l’issue de la scission, le syndicat lui demanda de réintégrer la mine, avec mission de reconstruire la CGT. Face à lui se trouvait alors le délégué FO Albert Storaye, maire de Mancieulles. Secrétaire du syndicat dont le président était Dirs Corradi, il se mit à l’ouvrage et le renforça jusqu’à ce qu’il devienne majoritaire. Dès 1951 la CGT obtint 3 sièges lors des élections contre un seul pour FO. Puis il fut élu président de la société de secours minière (SSM) du bassin de Tucquegnieux en 1951. Il le demeura jusqu’en 1953 quand, comme Albert Balducci*, Dirs Corradi et Jean Stella, il fut révoqué pour des raisons politiques. Mais il y fut régulièrement et très largement réélu, et retrouva sa présidence, grâce à son activité au service du développement de cette sécurité sociale et à sa proximité avec les mineurs. Cette même année 1953, il devint conseiller municipal d’opposition à Mancieulles avec trois autres camarades.
Les 30 septembre et 1er octobre 1950, s’était tenu à Bouligny (Meuse), le congrès constitutif de la Fédération régionale des mineurs de Fer de l’Est de la CGT, rassemblant tous les mineurs de fer de Lorraine avec le syndicat régional des mineurs de Meurthe-et-Moselle, et le syndicat des mineurs de Moselle, organisés auparavant par département. Elle fut présidée par Jean Stella, Albert Balducci en étant le secrétaire général, et comprenait 14 syndicats de bassins et 60 sections syndicales. La même année, la jeune Fédération publia le premier numéro de son journal syndical « La Sous-Sol Lorrain », où les articles de René Kiffert côtoyèrent ceux de ses camarades des autres puits. Dès le second congrès qui se tint en 1953 à Audun-le-Tiche en Moselle, il intégra le secrétariat comme secrétaire non permanent. A la suite d’un accident du travail, un bloc de minerai l’ayant atteint au dos, la direction le muta à la régie du puits avec un salaire moindre. Marié en 1946, il avait alors quatre enfants et la vie ne fut pas facile. De plus, travaillant en poste du matin, de 6 à 14 heures, il consacrait le reste de ses journées au syndicat puis à la Fédération, et donc peu présent au foyer. Son épouse Carolina Sernesi était née le 1er février 1925 à Mancieulles, d’un père italien lui-même mineur. Elle perdit sa mère en 1929, puis fut élevée par sa grand-mère qui mourut peu après. Leur père se remaria et les 7 enfants du couple connurent la misère, même si le père accordéoniste n’hésitait pas à jouer dans les bals pour arrondir les fins de mois. Il mourut accidentellement à 64 ans, et Carolina Kiffert en juin 2017.
En 1959 René Kiffert fut élu délégué mineur avec 83% des voix au puits de Saint-Pierremont, mais laissa à son camarade Julien Masson, avec qui il avait été élu, le poste de premier délégué mineur, jusqu’au départ à la retraite de ce dernier en 1963. C’est alors qu’il occupa lui-même le poste, qu’il conserva jusqu’à sa retraite en 1969. Cette période lui permit aussi de soulager les finances familiales avec un meilleur salaire. Président de la Société de secours minière de Tucquegnieux, il devint également administrateur de la Caisse autonome nationale (CAN), ainsi qu’administrateur de caisses complémentaires à la CRIREP à Metz et à l’ARRCO, après le départ à la retraite de Jean Stella en 1966, puis par la suite, vice-président de l’Union régionale de l’Est. Il fut actif pour la reconnaissance de la sidérose comme maladie professionnelle, actée par décret le 18 février 1967. Le 23 septembre 1977, il fut élu secrétaire général des pensionnés du fer et sel de Lorraine.
En 1959, après six ans dans l’opposition, sa liste communiste gagna les élections municipales avec notamment Julien Masson, et il devint maire de Mancieulles. Réélu la seconde fois avec 75 % des voix, il conserva son mandat jusqu’en 1995. Confronté à la poursuite des fermetures de mines particulièrement avec la fin de l’activité minière à Mancieulles en 1978, il dut faire face à l’accumulation des difficultés qui en découlèrent, notamment financières (fin des redevances minières), mais également démographiques avec une baisse sensible de la population qui passa de 2100 habitants en 1975 à 1474 en 1990. Il se battit sans compter pour récupérer la salle des fêtes de la mine laissée à l’abandon pendant 7 ans, avant d’être cédée à la municipalité avec d’autres bâtiments pour le franc symbolique. Elle fut alors rénovée grâce au travail bénévole des militants de la CGT et du Parti communiste. Pour la commune de Mancieulles, René Kiffert participa au Syndicat du Contrat de Rivière du Woigot (CRW).
Il fut le suppléant de Jean Bertrand, le maire communiste d’Auboué, élu député à l’Assemblée Nationale du 12 mars 1967, jusqu’au 30 mai 1968. René Kiffert mourut le 25 septembre 2014. Le 4 décembre 2018, un hommage lui fut rendu dans sa ville, par les maires de Mancieulles et du Val de Briey, et la CGT des mineurs qui lui a dédié une plaque commémorative dans l’espace qui porte désormais son nom.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225100, notice KIFFERT René par Jean-François Lassagne, version mise en ligne le 17 avril 2020, dernière modification le 19 avril 2020.

Par Jean-François Lassagne

SOURCES : Entretien avec Jean-Marc Kiffert ; collection du Sous-Sol Lorrain ; archives du CRL.

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