NOUGUÈS Louis [NOUGUÈS Pierre, Louis, Théophile]

Né à Paris en 1816 ; typographe ; membre actif de sociétés secrètes et de défense professionnelle ; adhérent de l’AIT ?

Ouvrier typographe au Moniteur en 1839, Nouguès, membre de la Société des Familles, avait participé trois ans auparavant à une tentative de faire évader Auguste Blanqui du Palais de Justice de Paris, lors d’un transfert. Devant la Cour des pairs, après l’insurrection du 12 mai, à laquelle il participa, à la fois avec courage et humanité, Nouguès, qui avait appartenu à des sociétés secrètes républicaines, mais prétendait n’avoir pas été membre des Saisons, donna pourtant sur cette société des détails qu’il disait tenir d’un tiers. Malgré ou peut-être à cause de ces révélations, que l’on peut interpréter de diverses manières et qui risquaient peut-être de lui coûter cher s’il avait été acquitté, Nouguès fut condamné à six ans de détention et à la surveillance perpétuelle au procès de la première série des accusés, le 12 juillet 1839, par la Cour des pairs.
Il entra à Doullens le 16 juillet et dès le 22 participait à la destruction de cloisons qui séparaient des chambres de détenus avec Philippet, Martin et Lemière et, avec eux, répondait aux chants républicains de Raisant. Mis au cachot et fers aux pieds, il furent déférés le 28 juillet, « bien qu’incorrigibles ». Il signa la lettre de plaintes des condamnés de mai du 1er octobre 1839, qu’il accompagna d’une lettre personnelle le lendemain, confirmée le 18, ce qui déçoit ses gardiens qui semblaient le voir revenu à de " meilleurs sentiments ". Il soutint Huber et dans le but d’un transfert dans une autre prison, poursuivit ses actes de rébellions, proférant même des menaces de commettre un délit de droit commun qui sont prises au sérieux. Le 19 mai, on lui attribuait " un caractère sournois et en dessous, ayant plus d’instruction que les autres et d’autant plus dangereux, dur et méchant. Menacé d’abandon par sa famille ". Il ne participa pas à l’évasion de septembre, mais signa la pétition en faveur de Lombard du 10 octobre. Il ne quitta Doullens qu’en février 1841 pour arriver au Mont- Saint-Michel, le 28 février où il fut un compagnon pour Blanqui, en butte aux attaques de Barbès et ses amis. Il fit plus tard le récit de cette épreuve. Il en sortit par remise de peine, le 10 octobre 1844, pour Avranches.

On le retrouve ensuite dans les organisations de défense professionnelle. Il contresigna, au début de mars 1848, un appel aux typographes, les invitant à ne pas détruire les nouvelles presses à vapeur. Est-ce pour répondre à un besoin de se justifier sur son rôle, qu’il entreprit l’année suivante la publication de Une condamnation de mai 1839 ? C’est bien difficile de l’affirmer. Bien que jugée par certains « peu claire », cette brochure constitue un précieux témoignage de plus sur cet univers carcéral, avec ceux de Martin Bernard, Mathieu d’Épinal, les correspondances publiées par Fulgence Girard... Nouguès ne cachait pas son amitié pour Blanqui et lui consacra un chapitre spécial. Avant de publier son ouvrage, il avait tenu à lui communiquer ce texte et Blanqui lui en fit un commentaire que Nouguès publia en annexe du livre, précisant : « Au moment de mettre sous presse, on me communique sur Blanqui, une série de notes critiques et rectificatives que je m’empresse de mettre sous les yeux du lecteur, autant pour l’attrait qu’elles peuvent lui offrir que dans l’intérêt de la vérité et de l’histoire ». Parmi les pages consacrées à Blanqui, l’une, particulièrement émouvante concerne la femme de son compagnon de détention, profondément éprouvé par la mort de sa femme et dont il fut témoin de la peine. Très touché par ce passage, Blanqui le recopia et cette copie se trouve toujours dans ses manuscrits. Malencontreusement, ce geste, si naturel, valut à Blanqui la réprobation de commentateurs qui lui attribuèrent la paternité de ce texte, preuve supplémentaire de « l’utopisme délirant du conspirateur... ».

En 1865, Louis Nouguès était toujours vivant. Il y a un article de lui dans La Presse ouvrière, petit journal de l’Association Internationale des Travailleurs publié à Bruxelles par Brismée (n° du 13 août).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225145, notice NOUGUÈS Louis [NOUGUÈS Pierre, Louis, Théophile], version mise en ligne le 30 mars 2020, dernière modification le 14 juin 2021.

ŒUVRE : Une condamnation de mai 39, Paris, Dry aîné, 1850.

SOURCES : Arch. Dép. Somme Yb 15. — Cour des pairs. Procès politiques, 1835-1848, Inventaire dressé par J. Charon-Bordas, Paris, Archives Nationales, 1984, CC 726 D 1 N 6. — Gazette des Tribunaux, juin-juillet 1839 — L. Nouguès, Une condamnation de mai 1839, Paris, Dry aîné, 1850. — Paul Chauvet, Les Ouvriers du Livre en France, de 1789 à la constitution de la Fédération du Livre, avant-propos d’E. Ehni, Paris, Marcel Rivière, 1956, p. 152 à 228. — M. Dommanget, Blanqui et l’opposition révolutionnaire à la fin du Second Empire, Paris, Armand Colin, 1960, p. 194. — M. Dommanget, Auguste Blanqui. Des origines à la Révolution de 1848. Premiers combats et premières prisons, Paris, Mouton, 1969. — L.-A. Blanqui, Œuvres I. Des origines à la Révolution de 1848, textes présentés par D. Le Nuz, Nancy, Presses Universitaires, 1993. — Note de J. Risacher.

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