LAUMONIER Manuel dit Antin

Par Daniel Grason

Né le 5 novembre 1920 à Levallois-Perret (Seine, Hauts-de-Seine), mort le 7 août 2008 à Argenteuil (Val-d’Oise) ; modeleur mécanicien ; syndicaliste CGT ; communiste ; déporté à Sachsenhausen (Allemagne).

Fils de Paul et de Blanche née Hautefeuille, Manuel Laumonier célibataire vivait chez ses parents 56 rue de l’Agriculture à Bezons (Seine-et-Oise, Val-d’Oise). Entré dans la Résistance il disposait d’une chambre 30 boulevard du Havre à Colombes (Seine-Hauts-de-Seine). Jusqu’au 1er décembre 1942 il exerça son métier de modeleur-mécanicien chez Hartmann 16 rue de Strasbourg à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine).
Il fut arrêté par des inspecteurs de la BS2 le 17 décembre 1942 vers 14 heures à l’angle des rues Danjou et du Vieux-Pont-de-Sèvres à Boulogne (Seine, Hauts-de-Seine). Robert Brignoli dit "Chapier" se présenta aussi à ce rendez-vous et fut interpellé.
Emmenés dans les locaux des Brigades spéciales à la Préfecture de police, les deux résistants furent interrogés sans ménagement. Manuel Laumonier affirma dans un premier temps ne pas connaître Brignoli, puis il expliqua qu’il l’avait rencontré lors d’un rendez-vous gare Saint-Lazare. Ne voulant pas aller travailler en Allemagne, il lui avait demandé de l’héberger. Fouillé, il était porteur d’un carnet où étaient notés différents rendez-vous.
Manuel Laumonier était inconnu des différents services de police, ainsi que des archives judiciaires. Lors de la perquisition du domicile de ses parents les inspecteurs saisissaient : une carte du Secours populaire année 1937, et des papiers manuscrits sur lesquels figuraient différentes adresses. Dans sa chambre à Colombes que Briand avait mis à sa disposition rien ne fut saisi.
Il retraça son parcours, il fit connaissance de "Menars" qui travaillait dans une usine voisine de la sienne à Courbevoie. Celui-ci lui aurait dit que s’il était désigné pour aller travailler en Allemagne, il avait une « combine » pour le « faire passer de l’autre côté ». Manuel Laumonier aurait compris « qu’il lui offrait des facilités pour passer la ligne de démarcation. »
Pressentiment « Vers le 25 novembre, j’ai appris que je devais partir en Allemagne, je me suis adressé à "Menars" que je savais pouvoir rencontrer boulevard Voltaire à Asnières. » Lors du rendez-vous il lui conseilla de prendre des vêtements et de quitter son domicile. Il logea quarante-huit heures au Mécanic Hôtel à Courbevoie, puis à l’hôtel Plaisance, enfin dans un établissement près du pont de Charlebourg.
Nouveau rendez-vous avec "Menars" au métro Brochant dans le XVIIe arrondissement. Nouvelle rencontre avec "Renard" qui cette fois selon Manuel Laumonier était très pressé. Enfin le 17 décembre 1942 il devait voir « Menars » rue Danjou à Boulogne, des policiers l’appréhendèrent.
Emmené dans les locaux des Brigades spéciales, il fut interrogé, probablement battu. Il affirma d’emblée : « Jamais il n’a été question pour moi de militer où de rentrer dans une organisation terroriste. Ni "Menars", ni "Renard" n’ont fait allusion à cela. »
Interrogé sur Robert Brignoli alias "Chapier", il répondit : « Je ne connais rien de Brignoli, si ce n’est son surnom "Chapier". J’ai vu Brignoli en compagnie de "Renard" la première fois que "Menars" m’a présenté à ce dernier à ce dernier. Mais étant donné les cloisonnements qui existent à l’organisation, je ne connais pas le rôle de "Chapier".
« Je ne sais pas que "Chapier" devait venir au rendez-vous de "Renard".
Les questions se succédèrent, Manuel Laumonier cita de nouveau "Renard" puis "Raymond". Un inspecteur joua l’étonnement « vous dites que vous avez reçu un surnom. Vous ne pouvez donc prétendre, comme vous le faites, que vous pensiez simplement, en entrant en relation avec d’autres individus qui eux-mêmes cachaient leur véritable nom sous un pseudonyme, obtenir un moyen de passer la ligne de démarcation. Qu’avez-vous à répondre ? »
Il rétorqua : « J’ai pensé qu’il s’agissait d’une mesure de sécurité pour que "les autres" ne puissent pas me reconnaître. En outre, si j’ai employé l’expression « cloisonnement de l’organisation », c’est parce que j’ai entendu prononcer cette phrase par des policiers. »
Les interrogateurs voulaient conclure « vous n’avez aucun papier au nom d’Antin. En résumé, il ne s’agit pas d’un nom d’emprunt que vous avez reçu, mais bien d’un nom de guerre. Expliquez-vous ? »
Manuel Laumonier répondit : « En effet, je n’ai jamais employé ce surnom autrement qu’avec "Menars" et "Renard". Il concluait : « Je dois reconnaître que jamais ni l’un ni l’autre ne m’ont parlé de me faire passer la ligne de démarcation. »
Et l’interrogatoire se poursuivit. Manuel Laumonier déclara avoir connu "Menars" par l’intermédiaire de Roger Moncelet ou Poncelet rue des Champarons » à Colombes. Les objectifs de l’organisation lui avaient été énoncés par "Menars". Il avait « appelé cette organisation Front national pour l’indépendance de la France. Il s’agissait, d’après lui, de former des combattants susceptibles d’aider à un débarquement des troupes anglaises. Ces combattants devaient être constitués en groupe dont le but était de commettre des attentats. Il ne m’a pas caché qu’il s’agissait là d’une organisation communiste. »
Les inspecteurs qui interrogeaient Manuel Laumonier étaient en possession de renseignements sur lui. À la suite de documents saisis ils savaient qu’il possédait une arme. « Où l’avez-vous dissimulé ? » Il répondit qu’un revolver à barillet devait effectivement lui être remis, mais étant en mauvais état il était en révision chez un armurier.
Sur son carnet figuraient des notes dont deux matricules. Il ne se souvenait plus les noms de ceux qui étaient concernés. Les noms de trois entreprises avaient été notés par lui lorsqu’il cherchait du travail.
Il fut incarcéré le 21 décembre 1942, puis livré aux Autorités allemandes. Manuel Laumonier fut ensuite emprisonné. Il était le 24 janvier 1943 dans le convoi de 1466 hommes essentiellement communistes qui partit de la gare de l’Est à destination de Sachsenhausen en Allemagne. Dans d’autres wagons 230 femmes à destination d’Auschwitz (Pologne), lors d’un arrêt à Halle, les wagons des femmes furent décrochés pour prendre la direction de la Pologne. Cent quatre-vingt une d’entre-elles y mourront.
Les prisonniers arrivèrent le lendemain au camp, la plupart seront affectés au kommando de travail des usines Heinkel. Ce fut le cas de Manuel Laumonier, ce camp de travail où alternaient les blocks de déportés et les halls de fabrication du constructeur d’avions Ernst Heinkel comptera jusqu’à 8 000 détenus en 1944.
Le camp fut libéré le plus de 60% des hommes étaient vivants. Il n’en était pas de même des femmes déportées à Auschwitz, seules 21 % d’entre-elles échappèrent à la mort. Habitant en dehors du ressort de la Préfecture de police, il ne fut pas convoqué pour témoigner sur les conditions de son arrestation et de son interrogatoire.
Manuel Laumonier a été homologué combattant des Forces françaises de l’intérieur (FFI) et Déporté interné résistant (DIR).
Il travailla à l’usine Chausson à Asnières (Seine, Hauts-de-Seine). Manuel Laumonier fut délégué CGT, membre du Parti communiste. Il entretenait des liens militants forts avec Henri Chassepot qui lui aussi avait été déporté.
En février 1960 en compagnie de trois autres militants : Marcel Guyomard qui vivait à Aubervilliers, Lucien Destrez et Guy Glacet d’Argenteuil il fut interviewé dans l’hebdomadaire de la CGT La Vie ouvrière. Pendant deux mois chaque jour, dans les usines du groupe Chausson, s’étaient tenus des réunions d’équipes ou d’ateliers. Manuel Laumonier s’exprimait au nom des outilleurs, il rappelait que « Les réunions étaient animées, plus vivante pendant le mouvement ».
Il milita jusqu’à son départ en retraite. Manuel Laumonier mourut le 7 août 2008 à Argenteuil (Val-d’Oise).

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225222, notice LAUMONIER Manuel dit Antin par Daniel Grason, version mise en ligne le 31 mars 2020, dernière modification le 17 avril 2021.

Par Daniel Grason

SOURCES : Arch. PPo. GB 114 BS2, 77 W 3116-306505. – Bureau Résistance GR 16
P 341811. – Livre-Mémorial FMD, Éd. Tirésias, 2004. – État civil acte n° 708 N sources INSEE site Match ID. – Chausson : une dignité ouvrière, Bernard Massera, Daniel Grason, préface de Michel Verret, Éd. Syllepse, 2004.

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