JÉGADEN Emile

Par Maryvonne Jegaden-Moal, Serge Tilly

Né le 5 janvier 1921 à Plougasnou (Finistère) ; résistant mouvement Libé-Nord ; arrêté par des militaires de l’armée allemande ; déporté ; militant CGT ; décédé le 28 avril 2014.

Fils de Jean Jegaden et de Maryvonne Clech, agriculteurs à Mesgouëz en Plougasnou, à 5 km environ du bourg. Jusqu’en 1947, célibataire, demeurait chez ses parents et exerçait le métier de cultivateur.
La famille Jegaden était proche de la SFIO, elle avait un lien de parenté avec François Tanguy-Prigent, Emile était son cousin germain.
En fin d’année 1943, Emile Jegaden, sa soeur Yvonne Jegaden et son frère Yves Jegaden rejoignirent la Résistance au sein du Le mouvement Libé-Nord organisé en plusieurs groupes à Plougasnou sous le commandement du docteur Léon Le Janne, "commandant Noël".
Le 3 juillet 1944, un responsable du mouvement Charles Bescont se rendit à Mesgouëz en Plougasnou en vue d’une réunion en lien avec la résistance.
Vers 22h30, des militaires de l’armée allemande encerclèrent le quartier effectuant une opération de police, ils se rendirent chez la famille Jegaden et arrêtèrent plusieurs résistants dont Charles Bescont, Yvonne Jegaden, Yves Jegaden, Isidore Masson et Emile Jegaden, ainsi que des voisins de la famille Jegaden, Joseph Prigent et son frère Marcel (voir pièce jointe).
Le 4 juillet 1944, Charles Bescont, Yvonne Jegaden, Yves Jegaden et Isidore Masson furent condamnés à la peine de mort par le tribunal militaire allemand et exécutés le jour même à Ruffelic en Plougasnou.
Ces arrestations seraient consécutives à une dénonciation.
Au cours des interrogatoires au camp militaire allemand de Ruffelic - situé en bordure de mer en zone interdite - ils furent sauvagement martyrisés avec l’aide de l’autonomiste Hervé Botros du kommando de Landerneau (Finistère).
Joseph Prigent et son frère Marcel furent libérés quelques jours plus tard après avoir été également martyrisés.
Charles Bescont, Yvonne Jegaden, Yves Jegaden, Isidore Masson et Emile Jegaden menèrent diverses actions contre l’ennemi, en particulier, la récupération d’armes parachutées, le recueillement de renseignements sur les troupes d’occupation installées dans le secteur. Ils dépendaient du maquis de Plourin-les-Morlaix (Finistère) ; quand celui-ci fut infiltré après une dénonciation, ils se replièrent au maquis de Saint-Laurent à Plouégat-Guérand (Finistère) pour les uns, au maquis de Kerionec à Saint-Jean-du-Doigt (Finistère) pour les autres.
La famille Jegaden recueillit un pilote canadien Gérald Racine dont l’avion de chasse de la RAF fut abattu au-dessus de l’île de Batz le 31 mars 1944, dont les restes tombèrent à Pen-al-Lan, en Carantec, Gérald Racine réussit à s’extraire en parachute de son appareil. Il atterrit à Plougasnou et fut ensuite exfiltré vers l’Angleterre par le réseau "Var" – opération SCARF -. Le réseau « Var » était basé à Guimaëc (Finistère).
Les FFI de Plougasnou furent en relation étroite avec le maquis FTP de Plouégat-Guérand (Finistère), participant ensemble à la Libération du secteur.
Après la Libération du secteur, le 13 août 1944, les corps de Charles Bescont, Yvonne Jegaden, Yves Jegaden et Isidore Masson furent découverts dans une fosse à Ruffelic en Plougasnou.
Emile Jegaden fut transféré à la maison d’arrêt de Pontaniou à Brest, avant d’être incarcéré au camp de Struthof (Bas-Rhin) en Alsace, dans les territoires occupés, catégorie NN – Nacht und Nebel - matricule 22749. Il fut déplacé dans un des kommandos du camp, à Schömberg, dans le Bade Wurtenberg, au sud de l’Allemagne. Il fut ensuite évacué de ce kommando par une marche forcée organisée par les nazis - marche de la mort -. Il parvint en cours de route à s’évader à Mittenwald (Allemagne) à la frontière autrichienne d’où il fut libéré le 28 avril 1945 par les troupes de l’armée américaine.
Il fut rapatrié en France par la Croix Rouge Française passant comme beaucoup de déportés par l’hôtel Lutécia situé à Paris 6ème où il retrouvera son père qui prévenu de son retour était venu l’accueillir, apprenant dans ces circonstances la mort d’Yvonne et Yves, ses frère et sœur fusillés par les allemands le 4 juillet 1944.
Hébergé et soigné par ses parents pendant de longs mois pour une longue et difficile convalescence nécessaire pour récupérer partiellement des maltraitances subies dans les camps de concentration nazis .
Quelques jours avant son mariage, sa mère Maryvonne Clech-Jegaden décéda de chagrin et d’épuisement.
Emile Jegaden épousa le 13 mai 1947 à Plougasnou, Louise Carn également originaire de Plougasnou,
Comme la plupart des déportés Emile Jegaden va se murer dans le silence et se tourner vers la vie.
Après le mariage, le couple quitta Plougasnou pour rejoindre Paris et rechercher un emploi, ils eurent deux enfants ; une fille, Maryvonne née le 1er mai 1948 et un fils, Patrick né le 16 avril 1954.
Son premier emploi fut au sein de la CGA, (Confédération Générale de l’Agriculture) créée sous l’occupation en 1943 par François Tanguy-Prigent qui devint une organisation syndicale agricole en mars 1945. Elle regroupait essentiellement des militants socialistes et radicaux. Son travail l’amenait à se déplacer à travers la France. Pour des raisons familiales, il quitta cet emploi et intégrera l’Assistance Publique de Paris, à l’hôpital Lariboisière au poste d’agent hospitalier. Il suivi plusieurs formations internes et termina sa carrière au poste de secrétaire administratif - chef de groupe à l’hôpital Fernand Vidal à Paris 10ème.
Il était adhérent au parti socialiste.
Son expérience concentrationnaire, ses convictions politiques tournées vers l’humain le conduisirent rapidement à rejoindre la Confédération Générale des Travailleurs - CGT -. Il sera actif pour la défense du droit des travailleurs. Militant syndical, il deviendra permanent à la bourse du travail située à Paris 10ème et cela jusqu’à son départ à la retraite.
Il adhéra à la FNDIRP dès sa création en 1945, y restant fidèle jusqu’à son décès.
En 2007, il adhéra à l’AFMD - Les Amis de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation - association fille de la Fondation pour la Mémoire de la Déportation, apportant à ces deux associations son soutien moral et financier.
Ce n’est qu’en 2005 qu’il acceptera de témoigner sur son parcours concentrationnaire auprès des élèves des établissements scolaires du secondaire.

Lors de ces rencontres, Emile Jegaden disait aux élèves : "aimez la vie, la vie est belle, engagez-vous, mais réfléchissez bien à vos engagements, engagez vous pour le bien, un engagement tourné vers la défense des droits de l’homme, le bien-être de l’humanité".

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225276, notice JÉGADEN Emile par Maryvonne Jegaden-Moal, Serge Tilly, version mise en ligne le 3 avril 2020, dernière modification le 14 avril 2020.

Par Maryvonne Jegaden-Moal, Serge Tilly

congrès CGT,</br>Sydicat du Personnel</br>de l'Assistance Publique,</br>à la tribune Emile Jegaden<br/>
congrès CGT,
Sydicat du Personnel
de l’Assistance Publique,
à la tribune Emile Jegaden

SOURCES
Arch. Dép. des Côtes d’Armor 5W16 ; Arch. Dép. du Finistère 200W79, 81, 82 ; "Un cross sous la mitraille", Guy Peron, imprimerie PAM à Brest (Finistère) ; SHD Service Historique de la Défense à Vincennes (Val-de-Marne) ; Familles.

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