Hyères (Var), 19-23 août 1944

Par Jean-Marie Guillon

Les combats pour la libération de Hyères constituent l’une des phases importantes de la bataille pour Toulon. Ils ont été marqués par la participation de soldats d’origine arménienne passés du côté de la Résistance et par l’exécution de quatorze d’entre eux par les Allemands.

Hyères (Var), monument aux morts de la Libération, cimetière de La Ritorte
Hyères (Var), monument aux morts de la Libération, cimetière de La Ritorte

Plusieurs bataillons de l’Ost-Legion, intégrés à la 242e division d’infanterie allemande, occupaient une partie du littoral varois depuis novembre 1943. Ils avaient été rassemblés en Pologne avec des soldats dits allogènes de l’Armée rouge qui avaient été faits prisonniers. Entre Le Lavandou et Carqueiranne, ces unités étaient surtout composées d’Arméniens. Depuis plusieurs mois, des contacts avaient été établis entre certains de ces éléments et les diverses composantes de la Résistance locale, par l’intermédiaire de résistants d’origine arménienne. Ils avaient été noués par les FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans-Main d’œuvre immigré) avec l’unité qui se trouvait au Lavandou dont la désertion avait été prévue pour le 14 juillet 1944 ; sa préparation avait été poussée très loin puisque les déserteurs devaient rejoindre les maquis des Basses-Alpes, via le relais du maquis FTP-MOI établi dans le Centre-Var, à La Roquebrussanne. L’opération n’avait pas eu lieu pour une raison inconnue. Avait-elle été éventée ? La chaîne de commandement avait-elle été perturbée par la répression ? On ne sait. Le 918e régiment (ex-198e) à composante arménienne était installé dans le secteur de Hyères. Son poste de commandement était situé au sud de la localité, à Costebelle. Dans ce secteur, c’était l’Armée secrète (AS) qui avait établi des contacts avec les soldats arméniens depuis février 1944. Leur désertion, après exécution de leurs cadres allemands, et leur passage dans les rangs de la Résistance avaient été préparés à l’avance. Le plan fut acté le 12 août. Trois de ces soldats désertèrent le 14 et le lieutenant Mardirossian, qui paraît être la cheville ouvrière de l’opération, fit passer le 16 des renseignements sur les défenses allemandes du littoral, mais le complot fut éventé par les Allemands qui arrêtèrent le 17 août quatre de leurs gradés, dont Mardirossian, et les fusillèrent. Ils éloignèrent de Costebelle certains éléments et désarmèrent les autres en leur enlevant leurs armes automatiques. Cette répression n’empêcha pas le passage de soldats arméniens du côté de la Résistance, après qu’ils eurent saboté des pièces d’artillerie en ôtant les culasses. Ces soldats participèrent au combat libérateur aux côtés des Forces françaises de l’Intérieur (FFI) et des unités de la 1e Division française libre (1e DFL) de l’armée B du général de Lattre de Tassigny qui avaient débarqué sur les plages des Maures à partir du 16 août. Leur rôle fut notable dans la libération de Carqueiranne où ils furent cent treize à rallier les FFI.
Le cimetière de la Ritorte à Hyères conserve les corps de quatorze soldats arméniens, présumés morts le 18 août, donc fusillés si tel était bien le cas, dont six seulement ont été identifiés. Surplombant le cimetière, leur tombe collective qui se trouve au carré Est n°1 porte l’inscription bilingue, franco-arménienne ; « Les soldats arméniens morts pour la Libération de la France août 1944 » et, à mi-pente, une grande plaque commémorative, inaugurée par la municipalité de Hyères et le Souvenir français le 21 août 2010, rend hommage à l’ensemble des libérateurs de la ville dont les soldats arméniens.

Soldat arméniens inhumés au cimetière de La Ritorte, Hyères (var)
MANASSIAN Bogdan, homme de troupe
MARDIROSSIAN Souren, officier
MATASSIAN Golia, homme de troupe
MINASSIAN Medsen, homme de troupe
OLANESSIAN Varro, homme de troupe
ZAKARIAN Kerasine, homme de troupe
8 Arméniens dont le nom est ignoré.

Les combats de la Libération à Hyères et sa région constituent l’une des phases les plus dures de la bataille de Toulon. Ils se déroulèrent principalement du 20 au 22 août, conduits, entre autres, par le Bataillon d’infanterie de marine du Pacifique (BIMP), composé en grande partie de Calédoniens et de Polynésiens, par des légionnaires et plusieurs bataillons de marche, tous composés d’anciens de la France libre. Le maquis AS Vallier, descendu du Haut-Var, assura la libération de la presqu’île de Giens. Deux cimetières divisionnaires permirent d’inhumer les tués, l’un, le n°1, dans le cimetière de Hyères, avec 154 tombes et l’autre au quartier Saint-Honoré, commune de La Londe, en direction de La Verrerie, avec 115 tombes. À ces deux ensembles, s’ajoutent quelques tombes dispersées. Au total, 283 tombes de militaires de l’Armée B ont été recensées après la Libération entre La Garde et La Londe, concernant 208 hommes de troupes, 54 sous-officiers et 21 officiers. Une centaine de soldats de la Wehrmacht furent également inhumés à Hyères. Une dizaine de FFI qui accompagnaient la progression des troupes perdirent également la vie. Vingt-neuf victimes civiles furent déplorées, presque toutes tuées par les bombardements alliés ou allemands. L’une d’elle, Madeleine Jaume, infirmière à l’annexe de l’hôpital, villa Marie des Lions, fut tuée le 19 août par des militaires qui accompagnaient cent douze otages raflés le 18 août au soir après la découverte du corps de quatre cadres allemands, probablement tués par des Arméniens. Ces otages, menacés d’être exécutés, étaient conduits à pied à Toulon où ils furent finalement libérés. Deux sous-officiers reconnus responsables du meurtre furent jugés par un tribunal militaire, condamnés à mort et fusillés à Palyvestre (Hyères), le 18 septembre 1944.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225493, notice Hyères (Var), 19-23 août 1944 par Jean-Marie Guillon, version mise en ligne le 8 avril 2020, dernière modification le 8 avril 2020.

Par Jean-Marie Guillon

Hyères (Var), monument aux morts de la Libération, cimetière de La Ritorte
Hyères (Var), monument aux morts de la Libération, cimetière de La Ritorte
Hyères (Var), cimetière de La Ritorte, Hommage aux morts de la Libération
Hyères (Var), cimetière de La Ritorte, Hommage aux morts de la Libération

SOURCES : Paul Gaujac, La bataille de Provence 1943-1944, Paris, Éd. Lavauzelle, 1984, et La guerre en Provence 1944-1945, Lyon, Presses universitaires, 1998 (rééd. 2005). ⎯ Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var. Essai d’histoire politique, Université de Provence (Aix-Marseille I), thèse de doctorat d’Etat, Histoire, 1989, 3 tomes (site internet var39-45.fr). ⎯ Gustave Roux, Heures de souffrance, d’espérance et de joie. Histoire de l’occupation de la région d’Hyères et de sa Libération, Draguignan, Imp. Olivier-Joulian, 1947, p. 77 et suiv. ⎯ Gleb Sivirine, Le cahier rouge du maquis, Artignosc, Parole éditions, 2007 (journal du maquis Vallier) ⎯ témoignages.

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