HAŸ Alain [HAY Alain]

Par Bernard Massera

Né le 21 octobre 1949 à Neuilly-sur-Seine (Seine, Hauts de Seine) ; ouvrier fraiseur ; militant CFDT à la SNECMA Gennevilliers (Hauts-de-Seine) (1974-2004), délégué syndical central SNECMA CFDT (1991-2004), secrétaire de l’Inter CFDT SNECMA (1997-2003), secrétaire du SMNS-CFDT (2001-2009).

Fils unique de Raymond Haÿ, marin pêcheur puis ouvrier spécialisé (OS) en mécanique chez Velosolex à Courbevoie (Seine, Hauts-de-Seine), et de Huguette Coret, blanchisseuse puis OS chez Solex carburateurs. Au moment de sa naissance, ses parents mariés en 1948, habitaient une petite chambre, rue Louis Blanc à Courbevoie, qu’ils quittèrent pour louer un deux pièces à Rueil-Malmaison (Seine-et-Oise, Hauts-de-Seine).

Alain Haÿ fit ses études primaires à l’école Jules Ferry de Rueil-Malmaison et commença l’enseignement secondaire dans cette même ville au Collège des Bons Raisins. Peu disposé pour des études « théoriques », il entra à quatorze ans au Collège Technique de la rue des Godardes à Rueil-Malmaison dans la section mécanique auto. En septembre 1966, sans avoir obtenu le CAP, il fut embauché comme aide mécanicien dans un garage Citroën de cinq ou six ouvriers à Villeneuve-La Garenne (Seine, Hauts-de-Seine). Les conditions de travail y étaient difficiles et le salaire minimum. En 1969 il enchaina deux contrats de six mois comme ouvrier spécialisé (OS) à l’usine Vélosolex de Courbevoie. Le salaire y était nettement plus intéressant et les heures supplémentaires payées.

En 1969 il trouva, par l’intermédiaire d’un oncle, un emploi pour six mois d’archiviste chez Otis à Argenteuil (Val-d’Oise).

En octobre 1970, il reprit sa formation au Centre de formation professionnel pour adulte Yves Bodiguel, à Issy les Moulineaux (Hauts-de-Seine), dont la Fédération générale de la métallurgie (FGM-CFDT) assurait la gestion par délégation. Il en ressortit avec un CAP de fraiseur. Il trouva aussitôt du travail comme intérimaire en mai et juin 1971 puis trouva un emploi de fraiseur à « Optique de Levallois », petite entreprise d’une cinquantaine d’ouvriers avec un comité d’entreprise. Dès sa première paie, il fit remarquer qu’il « gagnait moins que ce qu’il dépensait ! ». A Noël de la même année Alain Haÿ se retrouva licencié. Le 25 janvier 1972 il trouva un emploi de fraiseur à la SNECMA de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), pour un travail posté.

En 1974, Alain Haÿ se lia avec un collègue de travail, Éric Guiton, membre du Parti communiste marxiste-léniniste de France (PCMLF-Humanité Rouge) qui se trouvait être compagnon de travail et ami de Vidal Majdar, un « établi » syndiqué à la CFDT. Alain Haÿ prit sa carte à la CFDT où Vidal Majdar l’invita à militer « parce que ça ne prend pas beaucoup de temps ! ». Il se porta candidat aux élections des délégués du personnel, à une place sur la liste où il n’avait pas d’espoir d’être élu, ainsi qu’au Comité d’hygiène et de sécurité (CHS) du secteur nord de l’usine où il fut élu. Il s’impliqua dans la vie de la section syndicale CFDT animée, entre autres, par Francine Geai la secrétaire de la section et Albino Gonano. En 1975, il fut élu délégué du personnel suppléant.

En 1976, le secteur d’Alain Haÿ se mit en grève « contre le boni » – l’injustice intrinsèque à ce système de rémunération était aggravée par le fait que le travail était distribué de manière discrétionnaire par les chefs de service –. La grève dura trois semaines. A contrecœur, Alain Haÿ, qui venait d’avoir un deuxième enfant et dont l’épouse ne travaillait pas, ne fit qu’une semaine de grève pour raisons financières.

Le 3 décembre 1979, la CGT et la CFDT décidèrent d’occuper l’usine avec 80 personnes pour des questions de salaire. Devant cette grève minoritaire, la direction décida de bloquer le boulevard de Valmy et de faire entrer, par une porte dérobée, les travailleurs qui bousculèrent quelques grévistes. Cet épisode amena Alain Haÿ et son organisation syndicale à réfléchir à la pertinence de certains modes d’action.

En 1981, Alain Haÿ devint trésorier de la section syndicale en charge du collectage et de la syndicalisation. A ce titre, il participa à la syndicalisation des personnels du nettoyage, du gardiennage et de la maintenance, en sous-traitance sur le site. Pour mieux leur apporter son soutien sur les questions de conditions de travail, de salaires et de classifications, la section CFDT avait décidé de les intégrer dans son organisation en les syndiquant massivement. Ce furent ainsi quelques 140 adhérents qui rejoignirent ses rangs.

Des débrayages furent alors organisés dans les entreprises sous-traitantes pour contraindre la direction de la SNECMA à négocier à la SNECMA, préalablement aux négociations dans les entreprises sous-traitantes. Les travailleurs de la SNECMA appuyèrent le mouvement en exerçant leur « droit de retrait » du fait que les conditions de propreté pour travailler dans de bonnes conditions de sécurité n’étaient plus garanties suite aux débrayages des personnels de nettoyage. Les élus CFDT de la SNECMA furent admis aux différents niveaux de négociations, tant avec la SNECMA qu’avec les entreprises sous-traitantes présentes sur le site de Gennevilliers, et accompagnèrent les « délégués de chantier » élus à cet effet dans les équipes de sous-traitance.

En 1984, du fait que l’usine de Gennevilliers était la plus concernée et qu’il était délégué au Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), Alain Haÿ participa en qualité « d’expert » à la négociation qui conduisit à « l’accord sur les travaux pénibles », l’un des premiers en France sur ce sujet. Les travailleurs concernés allaient, entre autres, pouvoir bénéficier d’une retraite dès 55 ans.

En 1987, la fraction Lutte Ouvrière de la CGT lança la revendication de « 1200 francs pour tous ». La CFDT se joignit au mouvement en organisant des débrayages pendant 15 jours. La direction de la CGT exclut quatre de ses délégués ayant participé au mouvement : Crunil, Cottençon, Goiset et Tavernier. Ces élus perdirent leur étiquette CGT mais pas leur mandat de délégués. En janvier 1988, avec une trentaine d’adhérents de la CGT, les quatre exclus rallièrent la CFDT qui les présenta aux élections professionnelles sur ses listes. Ils furent tous les quatre élus.

Le 15 mars 1988, prenant la suite des travailleurs de Chausson qui venaient de terminer cinq semaines de grève en réclamant 1000 francs d’augmentation de salaire par mois les salariés de la SNECMA se mirent en grève sur la revendication de « 1500 francs d’augmentation pour tous ! ». Les portes furent fermées et l’usine occupée pendant 10 semaines. Le mardi de la Pentecôte le travail reprit sans grand acquis mais néanmoins sans découragement et même avec une certaine fierté.

Le jeudi après la reprise du travail, un chef d’Unité élémentaire de travail (UET) réprimanda un salarié pour un léger retard : tout l’atelier repartit aussitôt en grève !

Dans la suite de ces dix semaines de grève, diverses négociations furent ouvertes tant au plan de l’établissement qu’au plan de l’entreprise. Alain Haÿ y participa en tant « qu’expert » avec les Délégués syndicaux centraux (DSC) CFDT : Michel Lecuyer de la SNECMA Corbeil (Essonne) et Paul Bourg de la SNECMA Villaroche (Seine-et-Marne). C’est ainsi que fut signé un accord particulièrement intéressant sur la prévoyance.

En 1990 Alain Haÿ devient administrateur CFDT à la Caisse de prévoyance de la SNECMA. Cette nouvelle responsabilité lui donna une vision plus large sur la vie de l’entreprise et celle de la société, notamment pour l’application de lois telle la loi Evin de 1991 relative à la lutte contre l’alcoolisme et le tabagisme. Désigné en 1991 Délégué syndical central CFDT de la SNECMA, Alain Haÿ assuma cette fonction jusqu’en 2004. Il négocia, entre autres, un accord sur la cessation anticipée pour les salariés âgés (CASA) dont il bénéficia en quittant la SNECMA en décembre 2004.

En 1994, Alain Haÿ devint conseiller fédéral au titre de la Branche aéronautique de la Fédération générale des mines et de la métallurgie (FGMM-CFDT). Il fut également élu à la commission exécutive du Syndicat de la métallurgie des Nords de Seine (SMNS) CFDT. En 1995, il fut nommé au bureau exécutif de l’UPSM-CFDT.
En 1997, Alain Haÿ devint secrétaire de l’Inter CFDT de la SNECMA succédant à Paul Bourg qui, pour des raisons de santé, démissionnait. Il assura cette fonction jusqu’en juin 2003 date à laquelle l’Inter SNECMA fusionnait avec l’Inter CFDT SAFRAN qu’animait Marc Aubry, cadre de l’établissement de Vernon (Eure).
En 1999, la CFDT et la CGT engagèrent une action contre les discriminations syndicales. Le cas d’Alain Haÿ étant emblématique : après sa prise de mandat en 1974 il dut attendre 1984 pour avoir un échelon supplémentaire, ne passa P2 qu’en 1992 et P3 en 1998. En 2001, la direction reconnut enfin la discrimination et versa une indemnité de rattrapage calculée cas par cas, net d’impôt. Une cinquantaine de personnes en bénéficièrent dont la veuve d’un délégué discriminé. Cela contribua à établir une jurisprudence qui profita à des salariés d’autres entreprises.

En 2000, dans le cadre d’un mouvement soutenu par des débrayages et des manifestations importantes, Alain Haÿ, avec l’inter CFDT, négocia un accorde de réduction du temps de travail qui fit passer les salariés de 38h30 à 36h00 sans perte de salaire, avec un système d’échelle mobile garantissant le pouvoir d’achat. Un dispositif de réduction du temps de travail particulièrement intéressant fut accordé aux travailleurs de nuit.

En 2001 au 6éme congrès du SMNS-CFDT, Alain Haÿ devint secrétaire du SMNS, succédant à Bernard Massera. Il exerça ce mandat jusqu’en 2009, date à laquelle il assura la fonction de trésorier du syndicat jusqu’à la fusion du SMNS et du STM93, qui donna naissance, en 2011, au Syndicat CFDT de la Métallurgie parisienne du Nord et Est de la Seine (SyMNES). A partir de cette date, il adhéra à la section des retraités CFDT du SyMNES où il se chargea de la négociation des protocoles d’accord pré-électoraux dans les petites entreprises sans représentation syndicale CFDT.

A partir de 2015, année de départ à la retraite de son épouse, il partagea son temps entre le Portugal et la région parisienne.

En août 1969, avec deux autres jeunes, Alain Haÿ avait effectué son premier voyage au Portugal où il avait fait la connaissance d’Isabelle Guimaraes, étudiante dans un lycée agricole, qui devint sa femme en août 1971. Son père, fonctionnaire d’État dans la viticulture du Portugal, était catalogué comme « anti Salazar » et noté comme « bon élément mais [qui] ne va pas à la messe ! » Quatre ans après son mariage, en 1975, Isabelle Guimaraes adhéra au Parti communiste français. Elle obtint un emploi à la SNECMA en 1982, comme OS en fonderie, à l’occasion d’un contrat de solidarité entre la SNECMA et l’État ouvrant des embauches en échange du départ de salariés âgés. En 1983 elle adhéra à la CGT où elle prit un mandat local en 1999. Le couple s’installa à Colombes (92) puis, en 1975, à Epinay-sur-Seine (93). Il eut deux enfants : Éric né en septembre 1972 et Luc en avril 1976.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225521, notice HAŸ Alain [HAY Alain] par Bernard Massera, version mise en ligne le 7 avril 2020, dernière modification le 24 avril 2020.

Par Bernard Massera

SOURCES : Arch. UPSM-CFDT, SYMNES-CFDT — « Les conflits du travail en 1988 : reprise économique et…retombées sociales », Daniel Furjot et Catherine Noël, Travail et Emploi, n°42, mars 1990, — Entretien avec Alain Haÿ les 12 décembre 2016, 8 février 2017 et novembre 2019.

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