MATHIEU Paul, Aimé, Raoul [MATHIEU Aimé]

Par Richard Vassakos

Né le 5 janvier 1886 à Vendres (Hérault) ; mort le 24 février 1963 à Vendres  ; épicier ; militant socialiste SFIO ; maire de Vendres de 1929 à 1941 et de 1945 à 1947 ; conseiller d’arrondissement de Béziers (Hérault), 1937-1940 ; président du Comité local de Libération de Vendres, 1944-1945.

Fils de Pierre, Paul Mathieu, cafetier et de Marie Poussat, cafetière puis épicière. Il était le troisième d’une fratrie de quatre enfants. Il était également le petit-fils de Paul Mathieu, journalier agricole qui s’insurgea en décembre 1851 à Béziers contre le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte et fut déporté en Algérie jusqu’en 1853. Aimé Mathieu se maria avec Victoria, Louise, Élina Fouilhé. Avant la Première Guerre mondiale, ils furent épiciers à Vendres et n’eurent pas d’enfants. Pendant la Première Guerre mondiale, il fut mobilisé au 9e RA puis passa au service auxiliaire en 1915. Il fut démobilisé le 3 avril 1919. Il milita dans les années 1920 et 1930 au sein de la section SFIO de Vendres qui comptait une grosse dizaine de membres, dont Henri Cianni et Pierre Fabriès, et qui était assez active puisque on la retrouve mentionnée dans Le Populaire à l’occasion de collectes de fonds, en 1924 après une conférence du député Jean Félix, puis en 1927, 1929 et 1933. Il devint adjoint au maire de Vendres en 1925. Il fut ensuite élu maire en 1929 puis à nouveau en 1935. À partir de cette date son action prit de l’ampleur et une dimension plus politique dans le contexte du Front populaire. À l’occasion du 14 juillet de cette même année, il lança avec son conseil municipal un appel « à tous les républicains et antifascistes de la commune » à se rassembler « pour donner à cette fête le caractère éclatant de notre attachement aux principes démocratiques. » Pour faire face à la crise des années 1930 des chantiers communaux de chômage furent créés. Le syndicat des ouvriers agricoles local fut régulièrement subventionné. Il devint également actif au-delà de sa commune. En mars 1936, il soutint par exemple la grève des ouvriers agricoles de Cruzy par un don personnel de 50 fr. et par le vote d’un soutien de 200 francs par la commune de Vendres. En décembre 1937, il fit aussi voter une subvention en faveur du comité de secours de l’Espagne républicaine dans « une manifestation de solidarité démocratique avec nos amis espagnols. » Toujours dans le même esprit, sur la sollicitation d’Antonin Moulin (le père de Jean Moulin), il fit acheter 5 exemplaires de son livre sur Casimir Péret, le maire de Béziers mort en déportation en 1852. Ils vinrent garnir la bibliothèque municipale populaire créée en 1933.

En octobre 1937, il fut candidat au conseil d’arrondissement dans le 2e canton de Béziers. Dans le contexte d’un Front populaire déjà divisé, il dut affronter un radical et un communiste alors que l’extrême droite doriotiste tentait de s’implanter. Il arriva en tête du premier tour avec 2553 suffrages devant le radical-socialiste Émile Aïn, (futur maire de Béziers après-guerre) le candidat du PC Fabre, et celui du PPF Vernette. Il fut élu au second tour avec 4180 voix face au candidat PPF Tastavy. Au printemps 1940, il dut faire face comme tous les maires du Midi à l’afflux de réfugiés, belges et lorrains notamment. Face à la revanche de Vichy qui s’exerça entre l’automne et le printemps 1940-1941 à l’égard de nombreuses municipalités du Midi rouge, des tensions ont lieu dans la commune. En décembre et janvier, la municipalité omit de signaler l’existence de la place et de la rue Jean-Jaurès aux autorités qui faisaient la chasse aux symboles de la gauche sous l’influence de journaux d’extrême droite comme L’Action Française ou Gringoire. Au mois de mai et juin, des jeunes de la commune s’en prirent au régime du maréchal Pétain. Ils tournèrent en ridicule les « Compagnons de France » locaux, firent des inscriptions murales « Vive de Gaulle », « Vive l’Angleterre » et barbouillèrent le portrait du chef de l’État. Ils parcoururent les rues de la ville en chantant une chanson qui ridiculisait le maréchal Pétain en disant notamment « que personne bientôt n’aura de pain, grâce au maréchal Pétain, qui nous faisait tous crever de faim » et qui se terminait ainsi « Pétain au Poteau, et ce n’est pas de trop. » Une plainte fut déposée par le chef des compagnons de France. L’enquête de gendarmerie provoqua l’arrestation de treize jeunes parmi lesquels se trouvaient notamment parmi le fils d’un des conseillers, et plusieurs enfants de membres de la section SFIO. Aimé Mathieu fut révoqué, ainsi que l’ensemble du conseil municipal, par le régime de Vichy le 10 août 1941 pour « hostilité à l’œuvre de rénovation sociale ». Cette dissolution était certainement liée à ces évènements puisqu’elle fut prononcée après l’arrestation des jeunes par la gendarmerie fin juin et quelques semaines avant leur condamnation à 8 mois de prison pour atteinte au moral de la population et l’armée le 9 septembre 1941. Cette hypothèse est confirmée par le compte rendu d’audience du journal royaliste de l’Hérault L’Éclair qui écrivit dans son édition du 10 septembre que la municipalité « encourageait au lieu de les entraver les agissements de certains jeunes gens ». Cette revanche du Midi blanc et l’utilisation de ces faits pour faire chuter la municipalité républicaine est confirmée par le témoignage du président de la Légion française des combattants de Vendres qui affirma au tribunal que les « inculpés n’étaient pas les plus responsables ». Parmi ces condamnés se trouvaient deux futurs maires de Vendres : Aimé Molinier (1972-1977) et Georges Rosi (1977-1995). Le 23 août 1944, Aimé Mathieu présida en tant qu’ancien maire la réunion qui installe le Comité local de Libération et il en fut désigné président par acclamation. Il se représenta aux élections de mai 1945 et est à nouveau élu maire jusqu’en 1947. Plusieurs réalisations municipales sont à porter à son crédit comme l’acquisition en 1937 de l’actuelle mairie sur la place du village et la réalisation d’un foyer communal qui fut le centre de nombreuses activités culturelles, festives et associatives jusqu’au début des années 2000. Il mourut à Vendres en 1963.

Pour citer cet article :
https://maitron.fr/spip.php?article225524, notice MATHIEU Paul, Aimé, Raoul [MATHIEU Aimé] par Richard Vassakos, version mise en ligne le 6 avril 2020, dernière modification le 7 avril 2020.

Par Richard Vassakos

SOURCES : Arch. dép. Hérault, DH 6M 791, Recensement quinquennaux, 1891 ; 329 EDT 67, registre des délibérations de la commune de Vendres 1927-1935 ; 329 EDT 68, registre des délibérations de la commune de Vendres 1935-1945. — Arch. com. de Vendres, état civil. — Le Peuple, organe quotidien du syndicalisme, 16 mars 1936. — Le Populaire, 25 avril 1933. — Le Petit Méridional, 11 octobre 1937. - L’Éclair, « Une belle rafle à Vendres », 1er juillet 1941. — L’Éclair, « 13 jeunes gens de Vendres sévèrement condamnés pour cris et chants séditieux », 10 septembre 1941. — Journal officiel de l’État français, 27 août 1941.

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